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Barjac 2022, Le Petit Duc. Luciole, en corps et en cœurs

Luciole à Barjac Photo ©Anne-Marie Panigada

Luciole à Barjac Photo ©Anne-Marie Panigada

Deux occasions cette année de voir Luciole : elle était le 2 août sous le chapiteau de Barjac, puis le 8 octobre en trio avec Clément Simounet, alias Nilem à la basse et au clavier, et Benjamin Troll à la batterie, au Petit-Duc à Aix. Double article donc de Gabriel Kerneis et Catherine Laugier, il faut bien cela pour parler de Luciole. 

Festival Barjac m’en chante, Barjac, 2 août 2022 

« Je ne chante pas » scande-t-elle pour exorciser l’oppression des notes qui refusent de sortir. Les battements de grosse caisse sont ceux d’un cœur angoissé, les nappes musicales le flux de ses pensées. Luciole dit sans fard les peurs : celle de la mort qu’on voudrait fuir comme une enfant quand on n’a « pas envie que ça s’arrête » ; celle de l’amour aux images de fleurs, qu’elle refuse dans Un cri — cris qu’elle incite le public à pousser s’il en ressent le besoin. Pour se libérer des tensions d’un concert sur le fil, où la voix pourtant jamais crispée nous entraine avec vigueur dans une intranquillité cathartique.

Que faire contre nos écartèlements intérieurs, indicibles ? « Faire face, affronter » pour trouver La clé du problème. Revendiquer sa singularité, se dire Une et indivisible : « Je veux crier mais rien ne sort […] Y a tout qui reste dans mon corps ». Le corps encore, le corps toujours. Artères embolisées dans les paroles du Fleuve amour, émotions qui débordent à force d’être À ras bord, coups de maillets sur la batterie rythmant ses Deux cœurs.

C’est un manifeste de vie, écrit pendant une grossesse. Des mots dont Luciole accouche comme d’un enfant, né dans un « ouragan très doux ». Des chansons cris d’urgence qu’elle ne peut retenir. Dans cette urgence de La conquête, pourtant, nulle fuite. « Je cours pas, je danse ». Par saccades au son de la guitare électrisante, bousculant par gestes ses musiciens, comme si avec eux elle dansait de loin. Au-delà des mots qui chantent, par la musique et par le corps qui danse, à travers la distance irréductible qui nous sépare du corps de l’autre, Luciole tisse ses liens. De lumière.

- Gabriel KERNEIS

Luciole au Petit Duc Photo ©Catherine Laugier

Luciole au Petit Duc Photo ©Catherine Laugier

Le petit Duc à Aix-en-Provence, 8 octobre 2022

Premier spectacle de la saison, c’est Luciole qui nous l’affirme « Je veux être une voix, pas un écho » (Avec mes crocs, où l’on entend la révolte dans les mots qui mordent dans leur flow virtuose). Même si on la présente comme une slameuse, une diseuse parce qu’elle s’est d’abord fait connaître par des scènes slam, où elle a gagné le championnat de France en 2005, elle se considère avant tout comme une chanteuse : le slam, ce n’est pas un genre musical, mais avant tout un espace de liberté en scène ouverte où l’on peut aussi bien dire, que chanter ou présenter un spectacle d’humour.

De cette expérience elle a gardé une grande liberté, une volonté de ne pas s’enfermer dans un style. De fait, depuis Ombres, parlé chanté en 2009, on l’a vu collaborer avec d’autres artistes, slameur comme Grand Corps Malade (Nos mots, d’ailleurs chantée, dans « Il nous restera ça », 2015) , chanteurs, comme Benoît Doremus en 2010 pour Depuis hier (album « 2022″) ou Jean Baptiste Soulard pour son Silence et l’eau. Publier Une, en 2015, dont elle nous chantera la chanson titre, « Je ne suis pas plusieurs (…) Je n’ressemble à aucune autre ». Et faire remixer en électro cinq morceaux de l’album, pour cinq visions nouvelles. 

Photo ©Alice Lemarin

Photo ©Alice Lemarin

Pendant la parenthèse du confinement, elle publie avec huit autres artistes, neuf morceaux de femmes, écoutez Pas à l’abri, avec Clarika. À titre personnel, l’attente d’un enfant la bouleverse telle un ouragan, et se traduit par cette chanson antonyme de Une : « J’suis deux cœurs à l’intérieur / J’suis plusieurs sous ma peau ». L’urgence de s’exprimer s’appuie sur un festival à Petite Vallée au Québec, avec La conquête, où nait l’idée d’un album écrit dans la spontanéité, sous contrainte de fond ou de forme. Il s’élabore au fur et à mesure de séminaires, ou d’ateliers d’écriture tant reçus (Claude Lemesle à la Sacem) que donnés. L’ensemble – alternant parlé, et chanté, déchirures et tendresse, musiques scénarisées par les instruments, basse, batterie, comme par les puissants arrangements électro, et douceur des notes de clavier – forme un ensemble pourtant très cohérent : « quand mon chant ressemble à un cri ». L’album, d’abord maquetté à la voix, a été arrangé par Antoine Kerninon et Clément Simounet, et enregistré et mixé par Olivier Leducq à Paris. 

C’est aussi un désir de retrouver la scène, avec une façon naturelle d’annoncer les morceaux, qui se fond aux textes dits et chantés, tant qu’il est parfois difficile de savoir si elle chante ou parle. Elle nous confie préférer improviser un maximum en accord avec son public, « Ce soir je me noue à vous » et sa danse ponctue spontanément ses titres, dans cette tenue japonisante (une veste de kimono cousue par sa maman, bravo à elle). Entre révolte et affirmation de soi  « J’ai pas envie d’être fleur bleue / Pas la jeune fille en fleurs / Celle qu’on veut cueillir à tout prix », angoisses (Intérieur-nuit), insomnies (Dormir), hantise de la mort (J’veux pas qu’ ça passe, J’veux pas, J’veux pas (…) J’veux qu’on m’retape), flots de tendresse et de dangers (Fleuve amour) et de sensualité « Tu es mon effet et ma cause / Tu es l’évidence qui s’impose », Luciole nous fait le tour des émotions d’une vie, rapporte ses battements de cœur enregistrés au Japon, fonce, s’élance, avance : « On lâche rien, sauf prise ». 

-Catherine LAUGIER

Luciole, Un cri, 2022, Association attends-moi, CD, vinyle

Le site de Luciole c’est ici ; ce que Nos Enchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. Le reportage photo de Vincent Capraro au Festival de Marne, c’est là. Les extraits vidéo du Concert au Petit Duc, c’est ici. 
Luciole sera en concert au Festival Poly’sons à Montbrizon le 2 février2023, en Festival Chant’apparts en mars, autres dates sur son site. 
Luciole organise des ateliers d’écriture au Mije dans le Marais, actualité à suivre
sur facebook, ou d’autres en live sur son compte Instagram

La conquête, Live au café de la danse : Image de prévisualisation YouTube
Je ne chante pas
(clip) : Image de prévisualisation YouTube

 

 

 

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