Ramon Pipin, du rock fort d’abord

Ramon Pipin photo d’archive ©Thierry Wakx
Moi je vous le dis : une année qui débute par un nouvel album de Ramon Pipin ne pourra pas être mauvaise !
Un an et demi après son succulent Best œuf, roboratif survol de ses 50 ans de carrière, voici donc notre fringant septuagénaire de retour sur le marché de la chanson. L’album – son septième en solo – s’intitule Chants électriques et le moins que l’on puise dire, c’est qu’il dépote.
Le dessin ornant la pochette (signé Olivier Legan) nous montre l’artiste totalement azimuté sur une chaise électrique. Un peu comme l’est l’auditeur une fois écoulées les 13 chansons de l’opus. Car Ramon Pipin nous a concocté du lourd, du gros rock qui tache, du remuant qui envoie du bois. Dieu que c’est bon !
Ça commence en beauté avec Daisy Belle, que tous les fans d’AC/DC devraient adorer. Un morceau explosif, magnifié par les guitares de Stéphane Daireaux et de Brice Delage (le complice actuel de Gotainer et le musicien du rif tueur de la chanson Je promène le chien, sur l’album précédent de Pipin). Du rock pur jus au service d’une rencontre amoureuse et musicale, qui s’achève sur une pirouette irrésistiblement navrante. Du Ramon comme on l’aime, qui met son immense talent de compositeur-arrangeur au service de la déconne et de la dérision.
Pourtant, si l’humour reste omniprésent, l’album se teinte d’une tristesse diffuse, d’une colère latente, d’un désespoir à vif. On sait le deuil qui l’a frappé avec la disparition de son épouse et comparse artistique Clarabelle en septembre dernier (« A toi qui n’entendras pas ces chansons », lui écrit-il dans le livret), on devine que le monde comme il tourne ne le rassure pas. Comme auraient pu le dire Gotlib et Fred : nonobstant leur énergie rythmique, le fond de ses airs effraie !
Cela donne des chansons toniquement nostalgiques (Obsolète), joyeusement désabusées (Dansons le Novitchok, Ce que je pense), cyniquement entraînantes (Je suis très content). Summum atteint avec La peur, qui alterne les facéties (« La peur, c’est quand tu marches sur le pied de Teddy Riner ») et les punchlines glaçantes (« La peur, c’est quand t’as les résultats de ton scanner »). Le tout pour le plus grand bonheur des amateurs de solos de guitares.
Pour se reposer entre deux rocks saignants, Dans le tiroir du bas est une délicate histoire d’amour avortée aux arrangements empreints de classicisme (piano, clarinette et quatuor à cordes), tandis que l’album s’achève sur un mélancolique Fais de beaux rêves et une poignante et sobre (quoique frappée du sceau de l’humour noir) Chanson émouvante.
Avec Chants électriques, Ramon Pipin se pose plus que jamais en moraliste de notre époque, en « éditorialiste musical », comme il se définit lui-même dans le livret. Ses chansons ont la parure de la grande époque (mélodies soignées, arrangement luxurieux réalisés à l’ancienne avec de vrais musiciens), avec la dose qui l’accompagne de nostalgie assumée et d’énervement contre les us d’aujourd’hui. Réservé alors à un public d’un âge certain ? Puissent pourtant les plus jeunes y jeter une oreille, le plaisir est au bout.
Ramon Pipin, Chants électriques, Ramon Pipin Production, 2024
Le site de Ramon Pipin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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