Gabriel Yacoub, 1952-2025

(photo non créditée prélevée au facebook de Gabriel Yacoub)
Bien sûr, il y eut ce concert de février 1972 à l’Olympia, renaissance (et triomphe) de la musique celtique, avec, aux côtés d’Alan Stivell, le jeune Gabriel Yacoub, vingt ans, recruté sur le bon conseil de son complice violoniste René Werneer. De quoi donner des idées à ce jeune pas même breton, dont les racines paternelles sont en Orient, maternelles dans le Loiret. Avec sa jeune épouse, Marie, Gabriel Yacoub se met dès lors en quête d’un répertoire traditionnel français pour faire revivre ce pan entier de la chanson. Des chansons traditionnelles, oui, mais pas à la façon des reprises compassées et vieillottes des Douai, Montand, Mouskouri ou Ogeret. Avec une vraie musicalité, et des appels à la danse.
De cette réflexion va naître le disque « Pierre de Grenoble » en 1973, quasiment l’acte de naissance du folk français. Puis, quelques mois après, Malicorne avec, autour de Gabriel et de Marie, Hugues de Courson et Laurent Vercambre. Le succès est immédiat même si le rapport de Malicorne à la tradition (à plus forte raison quand le groupe s’électrifiera) divisera les folkeux : il y aura les adeptes de Malicorne et ceux de Mélusine : agent double, je me suis, moi, rassasié en abondance aux deux.
Le parcours de Malicorne fut prodigieux, créatif. Les albums tous de grands crus. Et des chansons mémorables, comme Marions les roses ou Le Mariage anglais… Bien entendu on citera l’album « L’Almanach » (souvenons-nous encore de L’Écolier assassin, La Fiancée du timbalier – reprise il y a peu sur le CD Victor Hugo de la Collection NosEnchanteurs – , Les Tristes noces…) mais tous sont remarquables y compris et surtout quand ils transgressèrent les codes du folk, nous poussèrent dans nos retranchements. Ainsi « Le Bestiaire » en 1979 ou « Balançoire en feu » (que des textes signés Étienne Roda-Gil, le parolier de Julien Clerc et traducteur de Branduardi, sur le thème du travail) en 1981. Puis, après cessation d’activité du groupe, « Les Cathédrales de l’industrie » en 1986, entièrement écrit par Gabriel Yacoub, en fait un album de Yacoub qu’un producteur indélicat refusa de signer s’il n’était pas griffé du nom de Malicorne.
Car, le folk-singer Yacoub avait pris son envol et, entre Hexagone et États-Unis, menait une carrière sous son propre nom. De Trad’Arr à Je vois venir, la trace discographique (une dizaine d’albums) que nous laisse Yacoub est des plus somptueuses avec des titres qui ne sont que dentelles, introspections, poésies… Sa chanson la plus connue, car souvent reprise, est Les Choses les plus simples : ainsi par Joan Baez et Maxime Le Forestier en duo. Toute son œuvre est à réécouter : il n’y a pas un seul déchet.
Pas de déchet non plus avec ce monument qu’est la grande œuvre de Marc Robine auquel Gabriel a plus que collaboré : l’anthologie La Tradition de la chanson française, en quatorze disques et plus de trois cent cinquante chansons chez EPM.
A l’initiative des Francofolies de La Rochelle, Malicorne se reconstitua en 2010 pour un concert par nature exceptionnel. Qui donna à Yacoub l’envie de relancer la magie, repartir pour l’aventure. D’abord sous le nom de « Gabriel et Marie de Malicorne » puis, franchement, sous le nom de Malicorne. L’expérience tourna court et l’ultime concert du groupe, le der des ders, eut lieu en août 2017 à Paimpol.
Sans que le public le sache forcément, Gabriel Yacoub a fait et fait toujours école, souvent à l’étranger d’ailleurs : subtile, l’empreinte Yacoub n’en est pas moins manifeste pour qui sait l’identifier, même si les médias ont désormais, les sots, tourné le dos à ce genre musical.
Reste qu’avec la mort de Gabriel Yacoub, c’est bien plus qu’un chanteur qui disparaît : on enterre le boss. Le choc est immense pour qui aime cet art, dont Gabriel fut l’un des plus fiers trouvères.
Ce que NosEnchanteurs à déjà dit de Malicorne et de Gabriel Yacoub.
Malicorne « Les Tristes noces » :
Gabriel Yacoub « Je resterai ici » :
Gabriel Yacoub « Comprenez vous ? » :
Gabriel Yacoub « Les Choses les plus belles » :
On enterre le boss peut-être, mais son œuvre certainement pas.