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Enchant’Émoi 2025. Krüger et Cousineau, cousins de bonne famille

Marion Cousineau (copie d'écran Michel Pib's Pabiou)

Marion Cousineau (copie d’écran Michel Pib’s Pabiou)

4 avril, festival Enchant’Émoi, salle des tilleuls à Viricelles,

 

Si d’aventure étaient venus à cette soirée des inconditionnels d’une chanson bien carrée, engoncée dans son classicisme, je n’ose dire étriquée dans ses certitudes et ses brevets de prosodie, ils auraient été bien marris. La première des deux soirées de Enchant’Émoi, le festival des Vivats, était plus une célébration du verbe et de la poésie qu’une séquence chanson façon AOC. La franco-québécoise Marion Cousineau et le slameur Mehdi Krüger : sur le papier, l’association pouvait paraître quelque peu dissonante ; dans les faits, sur scène, ce co-plateau fut d’une rare cohérence et d’un bonheur inqualifiable, qu’il me serait difficile de bien vous faire revivre.

C’est tout douceur, les mots et chansons de Marion, vous le savez. Les siens comme ceux d’autrui, qui l’accompagnent sur scène, qui font que, même en solo, elle est moins seule : Allain Leprest et son sarment, Danielle Messia de sa main gauche, et « la patronne » qu’est pour elle Anne Sylvestre, dont elle prélève Les Gens qui doutent. Ça et ses chansons d’émotion, les siennes, qu’elle interprète presque ingénument, avec une simplicité déconcertante, comme si c’était l’enfance de l’art. Seule en scène, avec sa basse électrique, économie de notes – pas forcément de mots –, juste ce qu’il faut, au bon moment : des vers et des sons d’où surgissent des évocations, des situations… chantés de telle façon, telle simplicité, qu’elle fait à peine chanteuse. Une troubadour peut-être, dont elle a presque la tenue, si ce n’étaient les pieds nus. Une dame qui, avec tendresse, avec justesse, relate autrui, lance ses mots à la manière de cailloux. Je vous le dis, d’une beauté sans pareil. Mais je ne vous apprends rien que vous ne sachiez déjà. L’accent de son pays d’adoption et un peu de son vocabulaire, joual ou non, ajoutent à son propos, le colorent joliment : ça tranche d’avec la neige qu’ils ont encore à profusion, là-bas. Le plus beau résumé d’elle, c’est elle qui le chante, d’une chanson créée jadis à Astaffort : « Mon corps est un théâtre… » De fait il l’est.

Mehdi Krüger (photo Cristine Pascal)

Mehdi Krüger (photo Christine Pascal)

Autre acteur, autre théâtre des opérations, voici Mehdi Krüger, au croisement des arts. Lui-aussi se définit : « Je suis un art abstrait ». Ses mots s’accomplissent plus encore avec la guitare électrique de « Ostax » Hocine Djouiria. De musique et de ses deux bras, de ses mains qui tous parlent bien autant que lui, et détaillent avec emphase et application. Chaque titre, chaque séquence est nouvelle dramaturgie, que Krüger rend haletante, passionnante. C’est déluge de mots, torrent de verbe : littéralement impressionnant. Ce soir, son public est chanson et doit être surpris. Les spectateurs sont en fait ébahis, stupéfaits, à presque retenir leur souffle pour ne pas perdre un mot, même si on ne peut pas tout absorber, tout retenir. Car les mots cinglent, cognent, sa poésie toujours fait mouche, implacable dans ses démonstrations. Par lui, la parole est vivante, vibrante, évidente. Qu’il nous décrive ces réfugiés de Lampedusa ou d’ailleurs, qu’il nous fasse vivre in situ la seconde avant l’impact, vous êtes happés par la force du verbe. Parlez, parlez, il restera le timbre de Krüger, cette empreinte, cette parole qui sculpte le verbe comme Rodin le fit du marbre.

Marion chante. Et parle. Mehdi parle et nous enchante. Parfois, on l’a l’impression qu’il chante, et si c’est pas lui, si c’est pas vrai, c’est pareil : bien que tumultueux, c’est douce musique en nous. Les deux font délice du verbe : en des intonations certes différentes, ils rendent justice et font justesse aux mots, qu’ils articulent comme pas deux.

 

Le site de Marion Cousineau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. Le site de Mehdi Krüger, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

 

Marion Cousineau « Je reviens » : Image de prévisualisation YouTube

Mehdi Krüger « Une seconde avant l’impact » : Image de prévisualisation YouTube

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