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 Leonid chante Renaud, « ma vie, son œuvre » 

Léonid chante Renaud en trio, capture d'écran chaîne web

Léonid chante Renaud en trio, captures d’écran chaîne web

29 mars 2025, Le Petit Duc à Aix-en-Provence,

 

La dernière fois que j’ ai vu Fabien Daïan et Rémi d’Aversa, rebaptisés Léonid du surnom de Fabien petit, élevé dans une famille communiste, c’était en 2021, après la sortie de leur album Du vent en 2020. Un répertoire entièrement de leur cru, aussi acerbe que tendre, poétique et universel, la vie, la mort, l’amour, le bagout flamboyant de Fabien, le regard de Rémi, le jeu incroyable de jongleurs des deux qui se renvoient non la balle mais les baguettes.
Le jour de ses 10 ans, Fabien reçoit un cadeau qui va le marquer à vie : un vinyle de Renaud. Et qui lui fera son éducation. Au milieu de sa carrière, Fabien a répondu à l’irrésistible appel : rendre hommage à son maître de vie comme de chanson, celui qui lui a donné l’envie d’être artiste, Renaud. Même s’il fait dire à sa maman, quelle drôle d’idée ces reprises, alors que tu es un des meilleurs auteurs ! Ce Renaud qui refuse la hiérarchie, n’en fait qu’à sa tête, révolté, en colère, engagé, mais aussi sensible, fragile et tendre, c’est un peu lui aussi.
Plus question de jouer les bateleurs cette fois-ci, chacun reste à sa place : Rémi à la batterie et au clavier à gauche, Fabien juché sur sa chaise à la guitare acoustique à droite, et pour étoffer le duo, au deuxième plan Benoît Richou aux guitares, prétendument rencontré en galère sur le bord de la route, ayant perdu sa gonzesse. Fabien qui n’a pas le nez qui s’allonge lorsqu’il ment nous racontera avoir bien sûr inventé l’anecdote, histoire de mieux le faire correspondre aux copains perdus des chansons de Renaud. Comme cet ami musicien qui se noie dans La blanche, qu’il cherche à faire réagir. Renaud préconise une solution qui ne lui a pas forcément réussi : « Toi tu te fais une ligne moi je bois une bibine / Pendant que tu te dopes je fume mes deux paquets de clopes ». Mais le copain en mourra et Renaud a la rage :  « Mais si je croise ton dealer j’y fous dans le cœur / Un coup de surin de la part d’un copain ».
Benoît, lui, tout en discrétion et en talent, est simplement « le meilleur guitariste du monde » qu’ils aient côtoyé depuis longtemps. Les trois jouent et chantent, en chœur et en répons, diction aiguisée, rock rauque à riff et mise en scène sobre et efficace, et entre les chansons, Fabien conte.

LEONID duo Renaud au Petit Duc capture d'écran profil 490x276C’est la décennie merveilleuse, de 1975 à 1985, celle où Fabien était enfant ou adolescent, que Fabien a choisi d’interpréter : celle qui l’a marqué le plus, celle qui lui correspond complètement également, où Renaud passe du titi parisien avec accordéon et gapette au loubard. Il n’y choisit que des chansons de révolte plutôt que des chansons de tendresse, ni En cloque ni Mistral gagnant. Préférant Morts les enfants, cet implacable pamphlet contre ces « Quelques vieux malades / Imbéciles et grabataires / [qui] Se partagent l’univers » par qui meurent ces innocents, quitte à ce que l’enfant prenne une arme, et que « Attentat, grenade / Hécatombe au ministère / Sous les gravats, les grabataires ». Ou cette incroyable scène de film, Les Charognards «  dans la rue Pierre Charon / il est 10 heures du mat’ le braquage a foiré / J’ai une balle dans le ventre une autre dans le poumon». À la première personne, percevant les réflexions racistes de tout poil, une chanson de 1977 d’une incroyable actualité, écrite au scalpel, « Je vois la France entière du fond de mes ténèbres (…) J’ai la connerie humaine comme oraison funèbre ».

Renaud 1985 Mistral gagnantD’ailleurs, ce n’est pas le bandana rouge de Renaud qu’il arbore autour du cou, mais un keffieh noir et blanc. Fabien a un penchant pour la révolution (si c’est avec des fleurs, c’est encore mieux!), et le Renaud de 1968 semblable à Gavroche, mais plus radical encore avec son pamphlet Crève salope, lui est sympathique. C’est bien « MA vie, son œuvre », qu’exceptionnellement je reprends en titre, parce qu’on ne peut pas trouver mieux. Dans chaque album de Renaud, Fabien choisit la moins médiatisée, celle qu’il peut nous faire découvrir en l’incarnant le mieux. Le mépris pour l’Etudiant poil aux dents qui a vite abandonné ses idéaux de 68 pour mieux capitaliser ses rêves : « Pour une société meilleure / Dont y seraient les dirigeants ». Chanson là encore très virulente qui s’attaque tant aux futurs architectes, juges ou notaires que médecins, seules les infirmières trouvant grâce à ses yeux, et l’école de la rue plutôt que les bancs de la faculté. « Alors tu seras un moins que rien » est censée dire la mère de Renaud : «  Ah oui ça je veux bien », répond-il. Que Fabien fera reprendre par le public aixois, déchaîné, banderole à la main. On ne peut s’empêcher de penser à « Ceux qui ne sont rien » dit par un président arrogant. Ou à l’envie d’être milliardaire qu’il préconise comme idéal de vie.

Renaud 1981 Le retour de Gérard Lambert 500x500Tout juste nous accordera-t-il une Miss Maggie, en déplorant toutefois que nous n’ayons pas assez d’imagination pour l’actualiser, et plutôt Banlieue rouge que La mère à Titi… Développant l’ambiance avec cette J’ai raté Télé-Foot, genre soirée en famille chez les Groseille. Même la seule chanson d’amour – si on peut dire – du récital, Près des autos tamponneuses, parle d’une pépette qu’on a juste envie de quitter, dans une ambiance de fête foraine tout le contraire de chic, qui, la Gueuze aidant, suggère à Renaud des images surréalistes : « J’ voulais une glace à la viande (…) Mais ça coule le long du cornet ».

C’est ce ras-le-bol d’une société de moins en moins solidaire qui leur fait chanter en rappel « Fatigué d’habiter sur la planète Terre / Sur ce brin de poussière, sur ce caillou minable ». Elle date de 1985 ; mais on jurerait que Renaud vient de l’écrire.

 

Le page facebook de Léonid avec leurs dates de concert, c’est ici (Prochaines dates en juin). Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Léonid, là. Le concert a fait l’objet d’un enregistrement qui sort à l’automne en album. (Spectacle vu en salle mais sans appareil photo personnel)

Présentation du spectacle Image de prévisualisation YouTube

 

Une réponse à  Leonid chante Renaud, « ma vie, son œuvre » 

  1. Daian 23 avril 2025 à 12 h 19 min

    Catherine Laugier est définitivement la plus belle plume, l’oeil le plus attentif et le scanner le plus sensible auquel Léonid ait été soumis depuis sa naissance. Un immense merci pour cela.
    Très amicalement,

    Léonid

    Répondre

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