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Philippe Duval dit « Dudu », 1938-2025

Philippe Duval (photo Robinsonne)

Philippe Duval (photo Robinsonne)

C’est un village improbable, mais pas fictif. C’est en Ardèche, à pas vingt bornes de Privas. Dans ce coin on ne compte pas en kilomètres, mais en temps de parcours. Tous les ans la chanteuse Robinsonne et ses ami-e-s y tiennent festival, au nom de Chants Ouverts, pile dans les locaux de la mairie. Au premier étage, un étrange locataire, retraité de l’intermittence qui jadis a sillonné le monde entier en mime-automate et joueur de limonaire qu’il était : le mime Duval. Quand il s’est un jour reposé de sa folle itinérance, il s’est posé dans la Capitale où il a créé un lieu qui fut et restera mythique : Le Limonaire. Lui c’est Philippe Duval, mais on ne l’appelait jamais que « Dudu ». Je conjugue déjà à l’imparfait, mais c’est vrai que Dudu n’est plus, qu’il est arrivé, usé, fatigué, malade, au bout de son voyage, sans doute avec satisfaction tant il n’en pouvait plus.

C’était, à l’occasion du festival au rez-de-chaussée de chez lui, une chance pour ses amis de le saluer, d’aller le voir un quart d’heure, guère plus, pour ne pas le fatiguer à outrance. De constater des petits objets ici et là, précieux souvenirs qui devaient tant lui parler. Le Limonaire n’y était déjà plus. Inutile, encombrant, il l’avait vendu. Les photos et articles de presse sur les murs racontaient des bribes de son incroyable parcours. Occasion aussi de glaner quelques anecdotes, avec ce souvenir malicieux indissociable complice de sa moustache.

C’est soldat en Algérie qu’il devient mime en organisant un spectacle de Noël pour distraire ses camarades. Il ne le savait pas encore mais ce fut là le début d’une longue carrière de mime. De joueur d’orgue de Barbarie aussi. A son retour du bled, à vingt ans, grimé en romantique et rêveur Pierrot, il est mime-automate en devanture d’un magasin de Rouen. Puis monte à Paris, comme on dit, pour animer vitrines et salons de prêt-à-porter : au bonheur des clients ! C’est au détour d’une rue que notre Pierrot se fait remarquer par un manager et se retrouve derechef, en 1970, sur la scène de l’Olympia, illustrant de son art Le Bal des Laze de et avec Michel Polnareff. Puis anime le Noël de l’Élysée sous le regard amusé de Georges Pompidou.

Mais Dudu n’est pas l’artiste des gens huppés, guindés. Il est celui du peuple, on le voit plus souvent sur les tréteaux improvisés, palettes ou caisses de bières, des usines en grève dans le cadre du « 26 rue Dunois », collectif interdisciplinaire pétillant d’imagination qui organise même une tournée sous un chapiteau au joli nom de Grain de Sel.

En jouant du limonaire il rencontre un jour sa Machon, une jeune femme avec qui il formera un duo si fameux qu’ils seront invités de par le monde, à Tokyo comme à Tel Aviv, au Vietnam, en Inde, au Texas et un peu partout en Europe. Un jour Philippe Duval pose ses valises, celles avec autant d’autocollants qu’il y a de visas sur son passeport. A Paris, où il va devenir patron d’un bistrot. Pas n’importe quel troquet : un bistrot à chansons. Il n’ira pas chercher bien loin le nom pour baptiser ce lieu : Le Limonaire. « Tout a commencé rue de Charenton (XIIe), quand deux chanteurs de rue, Philippe Duval et Machon, ont voulu créer un lieu dédié à la chanson française. L’affaire est lancée. Dix ans plus tard, expropriés au bénéfice de la coulée verte en création, ils se sont retrouvés dans cette charmante cité Bergère, dans le IXe. On a repris les grands miroirs, remis en place le zinc et après quatre mois de travaux c’était reparti, témoignait Noëlle Tartier, la repreneuse, en fin 2016 au quotidien Le Parisien. La suite, vous la connaissez…

Et la suite de la suite, je laisse le soin à un de ses grands copains de vous la raconter, Bernard Joyet.

 

(merci à la chanteuse Robinsonne pour les précieux renseignements)

 

Dudu… Mon Dudu, notre Dudu

par Bernard Joyet

Dudu… Mon Dudu, notre Dudu… En 1986 alors que je faisais partie d’un duo humoristique, Philippe Duval nous a engagés au Limonaire et on ne s’est plus quittés. L’année suivante nous étions programmés au Printemps de Bourges… Dans la loge nous avons trouvé une bonne bouteille de rouge, c’était Dudu… Dudu… Un homme talentueux et généreux… Au Limonaire il tournait volontiers la manivelle pour nous en pousser une… Il a fait du Limonaire un lieu incontournable à Paris, où les artistes aimaient venir non seulement pour jouer leur spectacle mais aussi pour découvrir des talents venant de toute la France. Ainsi on y croisait des habitués comme Anne Sylvestre, qui avait sa chaise à son nom… Un jour il a décidé de quitter Paris, de cesser toute activité, pour ”prendre sa retraite”, disait-il, et poser ses valises à Saint-Vincent-de-Durfort, village de l’Ardèche… Dudu, ”cesser toute activité” ?… Non, notre Dudu n’a pas tenu longtemps… Quelques mois après son déménagement, il me téléphonait : il y a un ancien temple dans mon village tu viendrais y chanter ? Et c’était le début d’une nouvelle aventure… Car par la suite, de nombreux amis artistes sont venus chanter dans ce village… On ne change pas notre Dudu, il est comme ça, un vrai passionné, un grand ”passeur”. Je parle de lui au présent car il restera toujours parmi nous, lui qui a fait tant de bien au petit monde de la chanson, qui a su créer, partout où il est passé, un lien entre les générations…

 

Archive festival de Bellac : Image de prévisualisation YouTube

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