Daniel Guichard : on l’aime, tu vois
Bruxelles, le Ceria, Auditorium Jacques Brel, 14 novembre 2025
Récital organisé par Le Café de la Rue (Marie-Noëlle Doutreluingne)
Faites le test : annoncez à vos amis ou vos collègues que vous allez applaudir Daniel Guichard et savourez les réactions ! Cela va de l’étonnement (« Quoi, il chante encore ? ») à la moquerie (le mot « ringard » est alors privilégié), quand ce n’est pas – si l’auditoire a moins de 30 ans – l’indifférence totale (« Jamais entendu parler de ce chanteur ! »).
Et pourtant, oui, Daniel Guichard vit toujours et il chante encore, même plutôt souvent, quelques concerts par mois. Et il continue à drainer une assistance nombreuse, amoureuse de la chanson française à l’ancienne et de mélodies bien tournées. Un public qui repartira le sourire aux lèvres, tant le chanteur remplit parfaitement son contrat.
L’orchestre qui ouvre le bal est bien fourni. Chose rare, il est majoritairement féminin : une pianiste, une guitariste et une claviériste/accordéoniste font jeu égal avec le bassiste et le batteur. Des musiciens aguerris, aussi discrets que souriants, qui connaissent leur boulot. Pas d’extravagance dans les orchestrations mais du travail de pro, qui met les morceaux en valeur dans une grande variété d’ambiances.
Apparaît alors la vedette. Toujours fringant pour ses 76 ans : svelte, alerte, la peau parcheminée et les cheveux blancs, d’une élégance old fashion dans son costume-cravate noir. Bien qu’il nous annonce d’emblée craindre un peu pour sa voix à cause d’un refroidissement subi le matin-même à l’aéroport de Toulouse, qu’on se rassure : le chant est intact, puissant et clair, avec ses relents parigots et sa tension permanente.
La chanson d’entrée, Envoyez la musique, donne dans la musette entraînante pour le rythme et le désespoir diffus pour le fond (Allez envoyez la musique / On va danser pour oublier / Que je ne connais de l’Afrique / Que des photos un peu fanées). Le ton est donné, tout Guichard est là : des chansons mélancoliques, voire mélos, qui parlent de vies échouées, d’amours manquées, de mal-être et de colère intérieure, mais portées par des mélodies accrocheuses et interprétées avec conviction et empathie, sans grandiloquence excessive.
Le tour de chant – en deux parties – mêle habilement morceaux peu connus de l’artiste (comme ce Reste, composée avec son fils, jolie chanson sur le départ), succès plus ou moins grands de jadis (Je n’fais rien, avec un couplet rajouté sur un percepteur d’impôt, les enlevés et hargneux L’enfer et Ce n’est pas à Dieu que j’en veux, Je viens pas te parler d’amour…) et les incontournables : La tendresse, Chanson pour Anna, Le gitan, Je t’aime tu vois, Faut pas pleurer comme ça… et, bien entendu, Mon vieux, à l’émotion intacte, bissé pour permettre au public de le chanter à son tour entièrement. Ajoutons 2 reprises de Ferrat (Que serais-je sans toi et Ma môme) et un Amsterdam de Brel de haute volée ; et vous aurez compris que la soirée était placée sous le signe des tubes et des paroles que l’on chante en même temps que l’artiste, à haute voix ou in petto.
C’est pourtant par cinq morceaux inconnus (sauf des fans purs et durs) que la soirée s’achève. L’occasion de découvrir le sensible Gamberge, millésimé 1991, que le chanteur nous présente comme étant la chanson qui le définit le mieux, l’ironique Ça ira demain ou la langoureuse J’aimerais… Avant de conclure par un définitif Allez j’me sauve, coupant court à toute forme de rappels !
Daniel Guichard sur scène, c’est plus de 50 ans de métier, mais sans qu’on en ressente la moindre lassitude. C’est une voix intacte, un chant puissant et une diction parfaite. C’est une gestuelle sobre et efficace, proche en cela d’un Michel Sardou. C’est un répertoire populaire, sans génie outrancier, mais toujours bien écrit et interprété avec talent et conviction. C’est une forme de classicisme en voie de disparition. A voir tant qu’il est encore temps.
Le site de Daniel Guichard, c’est ici. En tournée de concerts, le 9 décembre à La Grande-Motte, autres dates sur le site.
« Reste », en concert à Lille en 2019 
« Amsterdam » (Brel), session La boîte à secrets 2024 
« Gamberge », en concert à Lille en 2015 



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