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Michel Bühler, loin de n’être que vague

05 Visuel VG 2 copieSi son précédent album (Et voilà ! en 2012) le voyait seul à la guitare, le présent opus (le vingtième !) le trouve à nouveau accompagné par piano, guitares et basse, contrebasse, accordéon et bandonéon, batterie et percussions. Grand luxe au service de chansons plus magnifiques et pertinentes que jamais. Ainsi la chanson-titre, La vague, sur ces exilés de la guerre qui tentent la liberté, osent la Méditerranée : « Elles ont contre leur sein des enfants aux yeux doux / Des enfants juste nés qui ne comprennent pas / Eux bras dressés supplient le ciel noir et cruel / Leur bouche n’est qu’un cri où résonne l’effroi / La houle les secoue les gouffres les appellent / Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas » (signalons que cette chanson de Bühler fait aussi partie du répertoire de Francesca Solleville et de son disque à venir).

De partout, de tous les médias, on s’emploie à dégager la chanson engagée, à la minorer, la ridiculiser, la déclarer morte, vieux rêve de nos dirigeants. Jusque par nos chansons, nos refrains, on nous interdit de dire et de penser, de poser un avis sur la marche et les horreurs du monde. Mais regardez comme la chanson bande encore, qui brave l’interdit : encore faut-il qu’elle arrive à vos oreilles. Bühler en est un de ses hérauts.

Sans que jamais un disque de Bülher ne ressemble au précédent (les imbéciles le jureront pourtant), le schéma est immuable : des tranches de vie, des points de vue. Rien que de l’humanité, de la compassion, de l’empathie, du bon sens. Et une voix familière, rassurante au simple fait qu’elle est toujours là, qu’elle ne faiblit pas. A croire même que la sinistre réalité de ce bas monde la titille. La colère serait-elle pareillement efficace au miel, qui entretient la voix ?

Sur ces chansons en yankee qui colonisent nos ondes – un des leitmotiv de NosEnchanteurs, soit-dit en passant – (« comme y’a l’mot live dans le refrain, ça doit être une chanson d’amour ») ; sur Gaza, sur la Syrie (« Eclat sur un couteau / Sang rouge sur le sable / Le rictus du bourreau / L’horreur insoutenable / Et pourtant les barbares / Ne sont pas qu’au désert / Dans les palais de marbre / On chuchote on s’affaire / Qui ravive la guerre / Qui sème l’incendie… ») ; sur les nouveaux pauvres (« Ils sont laveurs gardiens caissières / Travaillent besognent s’échinent / Pour gagner moins que leur misère / Ça mange mêm’ pas à sa faim / C’est du précaire au quotidien / Ça courbe le dos ça dit rien »), sur nos vies qui se détériorent au seul bénéfice des comptes en banque des nantis. Les disques de Bühler sont des miroirs de nos vies.

Bühler est persistance qui, par son chant, combat l’indifférence et fait fable, morale, tire arguments du quotidien. Comme par La chemise, qui vous rappellera ce fait divers social et syndical à Air France, qui certes ne vole pas haut, mais témoigne de la violence du système, non de celui qui a tombé la chemise pour hisser la dignité. Cette chanson est exemplaire : que les syndicats la diffusent largement (mais pas la flasque CFDT à qui, magnanime, on laisse Barbelivien) : « Je n’faisais pourtant rien de mal / J’appliquais à ce cas banal / C’ qu’on m’a appris qu’il faut se battre / Faut bien qu’ chacun gagne sa 4X4 / Pour demeurer compétitif / Il faut être agressif / Quitte à blesser, quitte à choquer / Faut dégraisser faut licencier / Ils ont déchiré ma chemise / Ces gens n’ont pas d’éducation / Et n’ croient mêm’ pas à la reprise / Les pauvr’s cons. »

« Amis de partout et d’ici / Semez l’avenir aujourd’hui / Semez la vie semez la vie » nous dit encore l’ami Bühler. Il faut croire au chant de notre Helvète pas neutre, s’en parer : va-t-on savoir s’il ne prépare pas de ces lendemains qui chantent que nous attendons depuis bien longtemps.

 

Michel Bühler, La vague, autoproduit, distribution EPM en France, Disques office en Suisse, 2016. Le site de Michel Bühler, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

3 Réponses à Michel Bühler, loin de n’être que vague

  1. Patrick Engel 16 novembre 2016 à 10 h 51 min

    Bühler, ou la preuve vivante qu’il ne faut pas prendre l’Helvétie pour des gens ternes…

    Répondre
  2. Didier Delezay 16 novembre 2016 à 12 h 13 min

    « La vague » vient de déferler sur la Kaz Pirate à la Réunion je suis en train de l’explorer. Michel Bülher une bulle d’air pur dans l’atmosphère fétide de l’actualité.

    Répondre
  3. Rétrolien Toujours à propos de La Vague… – Jean-Daniel Robert

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