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Mieux Gontard que Jamait !

Gontard

Gontard (photo non créditée)

[Autant vous avertir tout de suite : le magnifique titre de cet article n’est dû qu’à l’amour immodéré de l’auteur de ces lignes pour les calembours vaseux et les approximations littéraires ! En aucune sorte il ne vise à faire un comparatif entre le rockeur-slameur de Valence et le chanteur ex-à-casquette dijonnais...]

Gontard, c’est le pseudo de Nicolas Poncet, travailleur social à la ville, artiste au masque de lapin à la scène. 2029 est son troisième album. Un disque qui dépote et qui dénote. Qui ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même. Qu’on aime ou qu’on déteste. Qui ne tolère pas la tiédeur.

2029, c’est l’époque où est censé se passer ce disque-concept. Le chanteur y décrit la vie d’une petite ville de 33.000 habitants au nom évocateur de Gontard-sur-Misère. Une cité avec sa mairie de-droite, ses files de chômage, sa foire commerciale annuelle, ses espoirs de reprise grâce à des start-upers prometteurs de beaux jours. Futuriste vraiment ? L’avenir proche prophétisé ressemble furieusement à notre époque qui voit le jaune parer bien des gilets. Tiendra-t-on au-delà de 2029 (en supposant qu’on atteigne cette date) ? L’image de la pochette, des dinosaures au pied d’un volcan en éruption qui causera leur perte, n’incite en tout cas pas à l’optimisme…

Disque court (34 minutes) et percutant, 2029 débute par un explicatif de la démarche du chanteur : Avant de se lancer dans un concept-album autour d’une petite ville, vaut mieux ne rien laisser au hasard. Sinon on se fourvoie dans du gadget, c’est creux, c’est le néant ! Avec comme point d’appui la presse locale. Ici le Dauphiné libéré, quintessence du rien, poujado-crypto-libéral. Le discours est charpenté et repose sur une réalité sociale que l’artiste ne connaît que trop bien. Chaque morceau aborde une tranche de vie où le rose n’est pas la couleur dominante, avec une lucidité empreinte d’humour désabusé et une profonde empathie avec le sujet. Pas de misérabilisme mais une colère sourde et juste, aucun pathos mais une dignité intacte.

gontard cdAigle royal dresse ainsi un portrait général de la ville, en une succession de faits divers et de news locales (l’arrestation d’un dealer, les travailleurs illégaux, la maîtresse d’école qui se réjouit d’avoir reçu des tablettes pour ses élèves, le palmarès du club de boxe française…), Prolétaires convoque le premier amour du narrateur, mariée trop jeune avec un autre et rejoignant ensuite la cohorte des mères divorcées de la riante cité, tandis que Kevin Malez évoque le désarroi de son père chômeur, qui n’ose placer ses espoirs dans le Bernard Tapie local… Clin d’œil ironique, Gontard tire de l’oubli un ancien titre de Philippe Timsit, Chanteur de variétés, pour un portrait de l’artiste en noir (Parce que le succès m’a oublié / Je ne suis rien dans ce métier). On relèvera encore la critique sans concession du système hospitalier peuplé de petits chefs (Hôpital tue), une histoire d’amour et de cul avortée (La fille de la mairie), le portrait d’une jeune femme rebelle… Autant de récits de vie à l’horizon bouché et sans aucune illusion : on sait bien qu’on l’aura pas, la révolution prolétaire !

2029 n’est pas réellement un disque de chansons. Le chant lui-même est quasi inexistant et relève du parlé-chanté, Gontard s’apparentant davantage à un slammeur. Mais s’il n’y a pas de rimes dans les textes, ceux-ci regorgent par contre de rythme dans le phrasé et les mots. De la poésie moderne, urbaine, dopée à l’urgence et à l’énergie. Les musiques sont à l’avenant, écrites par le beatmaker Vincha. De l’électro flirtant avec le jazz et le funk, ample, varié, allant jusqu’à faire appel à des sonorités désuètes (voir le piano bastringue de la chanson-titre 2029)

2029 est un album-concept qui se déguste d’une traite, tant on voit mal extraire l’un ou l’autre morceau pour une écoute esseulée, chaque titre renvoyant à un autre. L’univers y est noir, sans trop de trace d’espoir. Les personnages y sont davantage brisés par la vie que portés par un élan de révolte. Ici les mères de famille murmurent jusque dans leurs orgasmes. Les artistes étant de redoutables capteurs de l’air du temps, on peut se poser la question : pour combien de temps encore ?

 

Gontard, 2029, Petrol Chips et Ici d’Ailleurs / L’Autre Distribution, 2019. Le site de Gontard, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

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