Pascal Rinaldi : rallumer la lumière dans ce foutu monde…
« Puisqu’on a si peu de mémoire [...] Puisqu’un mauvais vent nous apporte / Ce qu’on ne voulait plus revoir [...] Je me demande Messieurs Mesdames / Quelle est la suite du programme / Faut-il y croire pour la voir / La lumière au bout du couloir / Qu’en est-il de l’espoir ? »
Voilà, tout est dit. C’est un disque désenchanté, d’une grande noirceur. J’ose à peine vous dire que le noir est d’une grande beauté, bien que ces chansons soient toutes des joyaux.
C’est par les fameuses citations de Martin Niemöller (« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit… ») et de Max Frisch (« Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles ») que débute cet album de l’helvète Rinaldi par lequel nous aimerions trouver « la lumière au bout du couloir ». Je crois que, depuis toujours, la chanson, au simple fait qu’elle existe, est fondamentalement optimiste. Mais la lueur est ici faible, des plus chancelante. Peut-être que Réinventer l’espoir passe par cet inventaire, cette terre qui telle une coquille de noix se lézarde, cette eau de source presque tarie, ces temps maussades comme jamais de Gaza à Marioupol, nos vies qui ne tiennent plus qu’à un fil, ces femmes dévoilées qui s’exposent aux balles… « Femme, vie, liberté / Qu’ils sonnent bien ces mots-là / Lancés à la barbe des mollahs ».
Un quart de siècle après l’an 2000 le monde est dans le pire état qui soit. Trump, Poutine, Netanyahou, l’extrème-droite et le rejet de l’autre, la haine de partout… Sombres perspectives : « Il fait un temps / A ne pas naître… » Pourtant il nous faut garder l’espoir ; dans l’état où il se trouve, le réinventer.
Dans chacune des quinze chansons de cet album, il nous faut, tâche difficile, chercher le combustible de cet espoir pour le réinventer. Peut-être ce vœu quasi irréaliste d’une vie tranquille « sans alarmes et sans surprises » (Sans surprise, sur une musique de Radiohead).
Comme une bouée, une respiration, un répit, il y a l’évocation d’Amours éoliennes, et cette autre chanson qui dit qu’ « il y a sûrement quelque part quelqu’un qui pense à toi ». Mais qui ? A qui s’adresser, qui implorer ? « Il vaut mieux s’adresser / Au bon Dieu qu’à ses saints / Jamais je n’ai trouvé / Son nom dans le bottin [...] Tant de cierges brûlés / De Salve Regina […] Autant de Te Deum / D’oraisons, de prières… ». A la supplique de Rinaldi on pourrait opposer l’implacable car vraisemblable hypothèse de Souchon, « et si en plus y’a personne… »
Alors « Faisons comme ci / Comme s’il n’est rien d’irréversible / Qu’il suffit seulement d’y croire / Même si / On sait bien que c’est impossible / On ne peut réécrire l’histoire »… Il reste aussi la proposition, autre titre de ce disque, de Cocktail létal, pas loin de la coupe aux lèvres…
On ne va pas se distraire de cet album mais la chanson n’est pas qu’un long fleuve tranquille : elle est dans son rôle quand elle alerte, quand elle crie. La chanson de Rinaldi est ici dans son plus beau rôle.
Le disque s’achève sur un des plus beaux et grands titres de Maxime Le Forestier, d’il y a plus de quatre décennies, un titre prophétique lui-aussi désabusé, fait d’espoirs floués, de désirs par avance ruinés : « On voulait juste des jours meilleurs / Juste des jours meilleurs… » Une conclusion éthérée fait d’élégants points de suspension.
Pascal Rinaldi, Réinventer l’espoir, Du Sens et du Son/Suisa 2025. Le site de Pascal Rinaldi, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Concert intégral, 22 février 2025 à L’Esprit Frappeur à Lutry :
Toujours talentueux et sensible, Pascal RINALDI construit une oeuvre majeure, fondamentalement humaniste.
Un frère de notre regretté Julos.
Rétrolien T'as déjà écouté : les sorties de la semaine du 27 juin 2025 - Marc Schaefer Chemins des Sens