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Loïc Lantoine, Marc Nammour, ou le syndrome de l’iceberg

Photos ©Cyrille Choupas

Photos ©Cyrille Choupas

Entretien avec Robert Migliorini pour NosEnchanteurs

Avec leur album et le spectacle « Fiers et tremblants » le duo rap et chanson se rencontre pour rendre hommage aux perdants et aux autres

-Tout commence, ou presque, il y a déjà dix ans ?

-Loïc Lantoine : nous avons pris le temps de bien nous connaître. Nous nous sommes rencontrés dans la salle du Bataclan, à Paris, lors d’un concert de soutien au quotidien L’Humanité. Et nous nous sommes bien entendus et nous avons rêvé de travailler ensemble.

Il y a quatre ans, Marc a été reçu en résidence nationale dans le Jura. Ce qui a donné lieu à un spectacle commun. De là l’idée ensuite de marquer une nouvelle étape avec un album et une tournée. Et de faire les larrons! Il nous a fallu attendre encore plusieurs mois avant de concrétiser. Le disque était prêt avant le premier confinement et donc la sortie a été plusieurs fois repoussée.

-Marc Nammour : comme nous aimons le dire, nous regardons le monde de la même façon. La rencontre est humaine avant d’être esthétique : deux artistes avec un certain parcours, qui s’apprécient et décident de tenter un projet commun.

-C’est la rencontre du rap et de la chanson, vos registres différents ?

- Marc Nammour: nous ne sommes pas les premiers à tenter ce rapprochement.  Pour ma part j’apprécie de travailler avec des gens différents. Cela dit la chanson non chantée de Loïc Lantoine n’est pas si éloignée du rap. Nous aimerions avoir réussi à jeter un pont entre rap et chanson française de caractère.

-Loïc Lantoine : je ne suis pas devenu un rappeur ! Même si je chante plus de mots que de coutume et plus vite. J’avais envie de sortir du cycle : album, promotion, tournée. C’était l’occasion de se remettre en cause. Toute rencontre fait bouger les lignes. A la façon des jazzeux qui aiment les collaborations multiples. Nous avons travaillé comme dans un laboratoire où chacun apportait son approche. Ce qui donne aussi un côté hybride à ces chansons.

-Comment avez-vous trouvé les mots ?

-Loïc Lantoine et Marc Nammour : chacun est arrivé avec ses compositions. A partir de là nous avons beaucoup cherché avec l’aide des trois musiciens du groupe La Canaille pour les couleurs musicales. Rapidement nous avons trouvé le fil rouge du propos avec le titre : fiers et tremblants. Ce titre nous ressemble et s’inscrit dans notre société. Fiers de nos origines sociales modestes, de ne pas céder à la facilité. Et assumant notre vulnérabilité. Après, il s’est agi de conjuguer notre goût pour la poésie.

- La chanson « Fantaisie » parle d’ une monotonie qui devient pandémie. Le mot n’est pas innocent aujourd’hui ?

-Loïc Lantoine et Marc Nammour : pure coïncidence. Tout cela était écrit bien avant que l’on diagnostique une pandémie. Tout est parti d’un entretien où le comédien Jean-Pierre Marielle était interrogé sur sa vision du monde d’alors : il a répondu par cet appel : « il faut délirer ! » Ce n’est donc pas une chanson sur la covid. Nous n’aurions jamais écrit sur ce sujet. Les gens n’ont pas envie qu’on leur rappelle ce qui leur est tombé dessus. L’argument est donc poétique.

LANTOINE NAMMOUR FiersetTremblants-Photo3(c)CyrilleChoupas-Parler de poésie au sujet du rap, çà étonne souvent. Comment recevez-vous ce reproche ?

Marc Nammour : c’est le syndrome de l’iceberg. En variétés françaises et internationales comme dans le rap ce que l’on entend dans les grands médias et radios est, disons, de qualité très moyenne. Alors que la production est abondante et souvent de qualité. Cachée dans la partie immergée en quelque sorte aux oreilles du grand public. Le haut de l’iceberg ne résume pas tout. Loin de là. Le rap souffre plus que d’autres genres musicaux du syndrome de l’iceberg. D’où aussi les préjugés contre cette forme d’expression peu prisée par les classes supérieures.

- Comment avez-vous choisi le rap comme registre ?

Les rappeurs ont été les premiers à me redonner une certaine dignité. Tout a commencé dans ma cité et au lycée. Ma prof de Français avait bien senti mon état d’esprit et m’avait invité à mettre des mots pour traduire mes sentiments. Pour alléger mon fardeau par l’écriture m’avait-elle dit. D’accident en accident en accident j’ai persévéré. En écoutant des groupes comme La Rumeur. Le rap c’est la musique des grands frères et des grandes sœurs, un brin sulfureux, souvent rugueux, jamais banal.

-Pour vous Loïc Lantoine, le déclic est venu d’une rencontre avec Allain Leprest ?

Oui. Le choix de la chanson ce n’est pas le fruit d’un calcul. Je rêvais au départ d’écrire et de composer pour d’autres.

- Et vous voilà invités à présenter l’album et le spectacle à la maison de la poésie à Paris, les 5 et 6 novembre prochains. Une forme de consécration ?

Ce sera une belle fête populaire. Avec beaucoup d’improvisation et des titres en plus de ceux de l’album. Notre travail c’est bien de partager des émotions et de faire voyager le public du mieux que possible dans notre univers.

-Il y a encore cette chanson en hommage à Anne Sylvestre, allusion à un de ses titres les plus repris, Les gens qui doutent, les réservés, ceux qui marchent en dedans. Un autoportrait ?

Loïc Lantoine : une chanson qui s’inscrit dans notre thème, Fiers et tremblants. J’ai eu la chance d’échanger avec Anne Sylvestre au sujet de cette chanson. Au départ elle m’a fait remarquer que ce titre avait été souvent repris et que ce n’était donc pas très original. Et puis elle a écouté et m’a dit être rassurée. Elle m’a confié qu’elle aimait le rap. Pas étonnant de la part d’une artiste qui cultivait la curiosité.

-Retour au spectacle ?

Loïc Lantoine et Marc Nammour : c’est au public de s’emparer de notre création. Cela ne nous appartient plus. Même si les conditions de la reprise des concerts restent particulières. Vivement que les masques tombent !

 

Dans ce superbe album de parole Loïc Lantoine et Marc Nammour n'hésitent pas à rendre en clins d'œil hommage à toutes les chansons, de la Fantaisie avec Le Tata Yoyo d'Annie Cordy à la chanson « à texte » d'Anne Sylvestre, avec ce sample de J'aime les gens qui doutent dont ils reprennent le titre pour une nouvelle création. Le rap de Nammour et la chanson pas chantée de Lantoine sont pure poésie qui rebondit de l'un à l'autre, fusionne, s'envole  sur des musiques envoûtantes, battantes, suspendues ( Super Nova...), des joutes pleines de références poétiques et humaines où les mots dessinent des constellations. « Gloire aux perdants! » scandent-ils, tels « Les premiers seront les derniers » des écritures. Un vrai bonheur. « Des hommes tremblants, des cœurs battants, et puis la belle affaire ! »

Dans ce superbe album de parole Loïc Lantoine et Marc Nammour n’hésitent pas à rendre en clins d’œil hommage à toutes les chansons, de la Fantaisie avec le Tata Yoyo d’Annie Cordy à la chanson « à texte » d’Anne Sylvestre, avec ce sample de J’aime les gens qui doutent dont ils reprennent le titre pour une nouvelle création. Le rap de Nammour et la chanson pas chantée de Lantoine sont pure poésie qui rebondit de l’un à l’autre en Mélopée de la Vie, fusionne, s’envole sur des musiques envoûtantes, battantes, suspendues ( Super Nova…), des joutes pleines de références poétiques et humaines où les mots dessinent des constellations. « Gloire aux perdants! » scandent-ils, revanche des sans-voix. Un vrai bonheur. « Des hommes tremblants, des cœurs battants, et puis la belle affaire ! » Catherine LAUGIER

L’album, les mots clairs et tranchants d’un duo inspiré

A la première écoute cet album conçu comme un laboratoire poétique, comme une œuvre hybride, retient l’attention. Les deux protagonistes alliés aux musiciens de La Canaille (Jérôme Boivin, Valentin Durup, Tibo Brandalise) croisent leur verbe haut en des joutes fiévreuses ou rugueuses. Avec la chaleur humaine qui convient et la volonté de rendre honneur aux perdants, aux oubliés de toutes sortes. De l’intime à la geste sociale et sociétale, c’est l’espoir qui est l’horizon.

Bien ancré en terre solidaire l’album regarde aussi vers les étoiles. Comme dans la chanson « Supernova ». Quand deux sacrés lascars regardent le ciel, çà donne des ailes à ceux qui cherchent la lumière en ces temps un brin délétères. Fiers et tremblants ou la double face d’une humanité où les fauves n’ont pas le dernier mot. Il a fallu dix ans pour que le projet aboutisse. Cela valait la peine d’attendre !

Robert MIGLIORINI

 

Loïc Lantoine, Marc Nammour, Fiers et tremblants. La Canaille/L’autre distribution 2021. Sortie le 29 octobre.
La page facebook de Loïc Lantoine c’est ici. Le profil facebook de Marc Nammour là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Loïc Lantoine, ici. De Marc Nammour et La canaille, là

Loïc Lantoine et Marc Nammour sont en tournée de concerts, le 15 octobre à Wattrelos à La Boîte à musiques, les 5 et 6 novembre à Paris à La Maison de la Poésie, autres dates sur Qui chante ce soir.

Extraits par Points Commun Cergy-Pontoise (en concert le 18 février 2022) avec Le Forum de Vauréal 
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