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Hugues Aufray : « Quelle chanson ? La chanson française ou celle en français ? »

Hugues Aufray, dans sa loge, interviewé par Vincent Capraro (DR)

Hugues Aufray, dans sa loge, interviewé par Vincent Capraro (photo DR. Toutes autres photos Vincent Capraro)

Merci de consacrer quelques instants à Nos Enchanteurs, le quotidien de la chanson française…

Vous voulez dire la chanson française ou la chanson en français ? Je fais cette remarque parce qu’à ce propos il y a des chapelles qui s’opposent et se critiquent. Il y a une cinquantaine d’années, quand on parlait de la chanson française, on pensait que la France dominait le monde artistique par la qualité de ses chansons. C’est vrai, il y avait vraiment cette tendance-là. Les français pensent toujours qu’ils sont à la tête de tout, qu’ils ont inventé liberté, démocratie, fraternité. Ils ignorent ou ils oublient que, notamment dans les années 30, dans la chanson populaire, il y avait beaucoup de chansons qui venaient de l’étranger et faisaient d’énormes succès en France. Citons J’attendrai, chanson italienne qui s’appelle Tornerai (écrite par Nino Rastelli et musique de Dino Olivieri), chanté par Rina Ketty, de nationalité italienne mais qui se faisait passer pour espagnole. Mais aussi Les gars de la marine, Le chaland qui passe, grand succès chanté par Lys Gauty, titre original italien Parlami d’amore, Sombre Dimanche et tant d’autres… Cette prétention française m’indisposait. Qu’elle soit française à 100 % ou une adaptation… ça n’a aucune importance ! J’ai lutté contre cette conception nationaliste et particulière de notre culture populaire de la chanson française. Brel était belge, Brassens à moitié italien… Le Gorille un style musical que l’on appelle la tarentelle : sa mère était napolitaine ! (Hugues nous chante le rythme d’une tarentelle « ta tam ta tam… c’est à travers de larges grilles que les femelles du canton… ») À cette première question ma réponse est : « soyons plus modestes ! » Il y a des magnifiques chansons françaises qui, parfois, sont des adaptations. L’histoire de l’humanité est un métissage permanent. J’ai introduit en France des chansons et des styles de musiques qui venaient de l’étranger. On me l’a souvent reproché, on disait de moi « Hugues Aufray fait des covers… » J’ai laissé les chiens aboyer et passer la caravane…

Je crois que Félix Leclerc, qui n’est pas vraiment français non plus, vous a beaucoup inspiré dès le début. Vous en avez fait d’ailleurs un disque et un spectacle magnifique au théâtre du Gymnase il y a quelques années où nous étions venus vous voir avec un immense plaisir.

Tiens, vous y étiez ? Ça me fait très plaisir ce que vous dites de ce spectacle mais à vrai dire il n’a pas eu de succès, médiatiquement parlant bien sûr, bien que la salle fut pleine tous les soirs. Ni presse, ni télévision, ni radio n’en n’ont parlé… personne du consulat ou de l’ambassade du Canada n’est venu. Je n’ai même jamais réussi à faire une tournée au Canada avec ce spectacle. Pourtant, le disque était magnifique et le spectacle très beau. J’ai connu bien des échecs dans ma vie mais celui-là en particulier m’a attristé…

C’est très paradoxal, impressionnant ! Artistiquement ce n’est sûrement pas un échec. C’était magnifique, ce lieu, le travail d’arrangement avec des musiciens exceptionnels comme Georges Augier de Moussac. Le choix des titres, entre la partie Félix Leclerc et vos propres chansons, c’était vraiment très beau.

Merci encore, a posteriori vous me consolez. Mais, c’est comme ça… Dans l’histoire de l’humanité, de nombreux artistes ont connu des déceptions semblables sans pour autant baisser les bras ni mourir de faim !

DSC-5264b,medium.crop.2x.1506963954Après Félix Leclerc, ce fut la rencontre de Brassens et Gainsbourg…

En 1950, j’ai 21 ans et, à ce moment-là, sur les ondes radios on entendait Luis Mariano, Georges Guétary, André Claveau, Tino Rossi, Jacqueline François, Gloria Lasso. Tous des artistes à accent, sauf Charles Trenet en tournée à l’étranger dans ces années-là.

Tout à coup est arrivé Yves Montand avec les chansons de Francis Lemarque, trop souvent oublié… Francis Lemarque est un très grand poète et compositeur populaire. Durant mon service militaire, à Bourg Saint-Maurice, dans les Chasseurs Alpins, je chantais Etoile des neiges et Ma cabane au Canada qu’interprétait Line Renaud. Ces deux chansons avaient un petit côté folklorique qui me plaisait ! Le reste, ces espagnolades paraissaient sans intérêt, surtout pour moi qui venait d’Espagne, connaissant le vrai folklore espagnol, des Asturies, d’Aragon ou d’Andalousie. J’arrivais de Madrid et, en rentrant en France, la musique populaire ne m’intéressait pas. En revanche, mon frère Jean-Paul m’a fait découvrir un style musical que je ne connaissais pas, musique extraordinaire de Louisiane. Claude Luter, clarinettiste, saxophoniste, avec son orchestre, faisait alors danser toute la jeunesse française « branchée ». En 1950, c’était la super vedette ! A cette époque-là, je me baladais à Saint-Germain des Prés, guitare sur l’épaule. Il faut dire que, contrairement à aujourd’hui, en ce temps-là on ne voyait personne dans la rue avec une guitare à la main.

Et puis tout d’un coup je vois une affiche d’un certain Félix Leclerc guitare sur l’épaule ! Cette photo fut pour moi un choc, je me suis dit : « Il faut que j’écoute… » et, bien sûr, je découvrais un nouveau monde musical qui me correspondait.

La création de la radio Europe numéro 1 révèle Georges Brassens un peu plus tard avec son fameux Gorille. En parlant de lui-même, Brassens disait que son vedettariat était dû à un malentendu. Les gens pensaient qu’il n’était qu’un chanteur paillard, provocateur et grivois. Il ajoutait : « Quand les gens ont découvert que j’écrivais et que je chantais des chansons poétiques, c’était trop tard : j’étais devenu vedette ». En ce qui me concerne, je chantais plutôt ses textes poétiques Les neiges d’Antan, La chasse aux papillons, Le fossoyeur, La marine de Paul Fort. Les amoureux des bancs publics, évidemment. En fait, ce sont les premières chansons que j’ai chantées en français. Mais une des toutes premières chansons que je chante ce soir, c’est La Bastoche d’Aristide Bruant. En effet, cette ballade m’a été apprise par une jeune métisse eurasienne qui se faisait appeler Pépita, elle aurait pu faire une belle carrière à la Gréco. Jolie fille et de caractère très fort, mais véritable anarchiste, elle refusait le succès et l’argent. Elle chantait Frehel, Bruant, les chansons de Montmartre d’une façon inoubliable. On était que copains, elle m’avait dit : « on peut partager un lit mais on ne fera jamais l’amour parce qu’on est amis et si on devenait amants on ne serait plus amis ». C’est une fille que j’appréciais beaucoup. Les gens dans la rue nous avaient repéré. Après ses concerts, dans la cave du « Club Saint Germain », Django Reinhart allait manger vers 3 – 4 h du matin à la Pergola au coin de la rue Dufour et du boulevard Saint-Germain. Quand il nous voyait, il disait : « allez venez les enfants, et toi, prends ta guitare ». J’accompagnais Pépita qui chantait, de façon émouvante : « Du gris que l’on prend dans ses doigts et qu’on roule… », tout le monde pleurait. Se tournant vers moi Django me disait « Vas-y mon fils, chante-moi ta Bastoche. C’est pour ça que ce soir je la chante !

Je suis rentré dans la chanson française par Bruant, Leclerc, Brassens, Lemarque. Passé professionnel par la suite, dix ans plus tard, je me constituais un répertoire personnel…

Dix ans, la période des cabarets ?

Oui, dix ans de cabarets, un an avant le service militaire, c’est à dire à 19 ans jusqu’à ma première entrée en studio chez Barclay, en 1959. J’allais avoir 30 ans.

Votre rencontre avec Brassens, c’était à Bobino ?

J’allais voir tous les spectacles de Brassens. Je ne l’ai jamais dérangé dans sa loge, peut-être un peu par timidité mais surtout par un profond respect, je l’admirais beaucoup. Trop orgueilleux pour risquer d’être considéré par Brassens comme un casse pied, comme peuvent l’être les fans, parfois. Le fait d’être célèbre engendre pas mal d’emmerdements, surtout quand les gens vous aiment trop… Il n’est pas suffisant d’être aimé encore faut-il savoir comment et par qui.

Quand Pierre Seghers a édité un petit livret des textes de Brassens, sous forme de poésies, j’ai acheté le bouquin à Bobino. J’étais déjà célèbre à ce moment-là. J’ai frappé à la porte de sa loge pour lui demander de me le dédicacer. J’ai entendu sa voix me dire « entrez », quand j’ai poussé la porte, il faisait pipi dans le lavabo ! Il souffrait beaucoup de ses calculs rénaux… les théâtres d’avant-guerre, les coulisses, les loges et les chiottes étaient dégueulasses ! C’était donc beaucoup plus propre d’utiliser le lavabo…

Ayant, par discrétion, très rarement approché Georges Brassens, je pensais n’avoir aucune photo à ses côtés, il a fallu aujourd’hui arriver à mon âge et en venant ici au gala des Amis de Georges, pour que Jean Paul Sermonte me montre une photo de moi avec Brassens.

DSC-5289b,medium.crop.2x.1506963954Beaucoup d’artistes qui n’avaient pas cette délicatesse se mettaient à côté de Brassens pour être vus et cautionnés. Comme il était extrêmement gentil, il laissait faire et n’envoyait pas promener les gens avec violence et, bien sûr, n’avait pas de gardes du corps. Les gens s’imposaient et abusaient même de sa gentillesse… bien après la mort de Brassens j’ai eu des conversations intimes avec Gibraltar, Pierre Onteniente, son admirable ami et secrétaire, je lui avouais un jour : « je regrette beaucoup d’être passé à côté d’une rencontre exceptionnelle, j’aurais pu avoir plus d’échanges avec lui… » Il me confiait : « Mais Hugues, si vous saviez ce que Brassens pensait de tous ces gens qui gravitaient autour de lui pour se faire valoir ! J’ai des cassettes où il taille des costards à ceux-là… si je publiais ou faisais écouter ces enregistrements cela ferait beaucoup de dégâts… » Inquiet, je lui ai demandé « honnêtement m’a-t-il taillé un costard un jour ? Gibraltar m’a répondu : « Vous ne faites pas partie de ceux-là…. ». J’ajoutais « y avait-t-il une chanson en particulier de moi qui lui plaisait ? Il m’a répondu : « oui bien sûr, il vous connaissait bien et sa chanson préférée était Le petit âne gris.

C’est donc un juste retour des choses, bel hommage de votre part de venir ici à la grande Comédie pour ce gala des amis de Georges. Vous êtes aussi un artiste des grands espaces, de la terre, de la mer, aux influences larges et variées, multiculturelles, latinos, rock, blues… ?

À la différence de beaucoup d’autres artistes de cette profession – je pense que cela n’en est pas une – c’est une façon de vivre. Quand on a 12 -13 -14 ans on a envie de jouer de la musique, de chanter pour les copains, les filles en particulier. Puis, un beau jour, il y a quelqu’un qui vous propose de l’argent pour faire ce que vous faites habituellement gratuitement. Mais ce n’est pas à proprement parler un métier. C’est la raison pour laquelle je pense qu’un artiste ne peut pas prendre de retraite parce qu’en fait il n’a jamais travaillé, il a passé son temps à jouer ! S’arrêter de chanter parce qu’il ne peut plus physiquement oui, mais prendre une retraite non ! En pleine santé après avoir fait fortune, dire j’arrête ? Inadmissible. Django Reinhart a cessé de jouer de la guitare quand son cœur s’est arrêté. Il avait à peine 50 ans, son partenaire l’extraordinaire Stéphane Grapelli a joué jusqu’à 90 ans. Pour moi ce n’est pas un métier, c’est un mode et une raison de vivre. Je n’ai pas la nature et l’égo parfois de l’auteur compositeur. J’aime le talent des autres et je suis toujours heureux de faire connaitre un texte ou une mélodie que j’ai découvert en France ou à l’étranger.

Les collaborations avec Vline Buggy, Pierre Delanoé ? Vous avez co-écrit beaucoup ?

N’étant pas auteur- compositeur par nature comme je l’ai dit, j’ai tout naturellement été amené à collaborer pour la réalisation de certaines œuvres.

Participant au concours « Les numéros 1 de demain » à l’Olympia, terminant quasiment ex aequo en final avec un chanteur d’opéra, j’ai décroché un contrat chez Barclay. Je chantais pour la finale, la chanson Le poinçonneur des Lilas, œuvre d’un jeune inconnu nommé Serge Gainsbourg. Démontrant ma faculté naturelle de découvreurs de talents chez les autres : Dylan et Béart !

Alors Delanoé, qui était le directeur d’Europe1 à l’époque, m’a dit : « tu vois il fait ses chansons il faut que tu fasses les tiennes ». J’ai donc pris des musiques de mon répertoire folklorique, notamment vénézuelien.

J’ai commencé à écrire des textes prenant Delanoé comme collaborateur puis par la suite Vline Buggy qui m’a beaucoup appris par sa patience. Je dis d’elle qu’elle était pour moi une véritable sage-femme, m’aidant à mettre au monde mes idées.

Quand il m’a fallu traduire Bob Dylan, j’ai demandé à Jean Pierre Sabar, mon ami et mon musicien préféré, de m’aider à analyser la musique de Dylan, musique qui me paraissait très compliquée. Vline Buggy était en tournée avec Claude François. J’étais moi-même en tournée et je disposais de peu de temps. J’ai donc fait appel à Pierre Delanoé dont le talent est bien connu, en particulier sa vitesse d’écriture, ce qui était pour moi un argument fondamental.

Pierre Delanoé n’était pas le personnage idéal pour ce travail car, à cette époque-là, il n’appréciait pas particulièrement Dylan en tant que chanteur, guitariste et auteur. Mais Pierre Delanoé est un homme honnête et courageux. Il m’a dit « Pour toi Hugues, je suis prêt à faire n’importe quoi, y compris de passer outre mes goûts personnels ». Je remercie encore Pierre Delanoé pour son aide.

Le disque fut une réussite absolue, il sera le tournant de la chanson française, dixit Coquatrix, et engendrera de nombreuses carrières en France. Par la suite, j’ai pu adapter tout seul de nombreux textes de Bob Dylan, notamment les fameux Like a Rolling stone et Blowing the wind.

D’ailleurs, au départ, tout ça n’était pas prévu, je crois que vous vous destiniez plus aux arts plastiques, à la sculpture ? Un art auquel vous êtes revenu aujourd’hui me semble-t-il ?

Oui, ma vraie nature, du moins ce que je pensais à l’âge de 12 ans, c’était la peinture et la sculpture, qui, au contraire de la chanson, ne me demandent aucun effort de création. Devant la beauté des chansons de Brassens ou d’autres, je me dis pourquoi devrais-je écrire une chanson de plus ? Peut-on faire mieux ? j’ai, malgré tout, contraint et forcé, écrit quelques chansons, d’authentiques créations comme Le petit âne gris qui est ma chanson préférée. Avec Vline Buggy, nous avons écrit beaucoup de chansons, notamment CélinePetit Simon et bien d’autres…

Donc, pour les collaborations, vous avez co-signé ?

Oui bien sûr, mais je n’ai jamais signé quelque chose que je n’avais pas fait.

En 1966 vous rencontrez Martin Luther King, et vous lui chantez Les crayons de couleur…

En 1966, Harry Belafonte organisait le premier concert en France et Europe pour la lutte contre le racisme. Il s’est renseigné pour savoir quel était le jeune artiste français qui pouvait incarner ce mouvement et les gens ont dit, c’est Hugues Aufray. J’ai mis 40 ans pour récupérer la photo avec Martin Luther King… C’est vous dire à quel point je ne suis pas professionnel (Hugues égraine quelques jolis arpèges tout en nous parlant…). Il a fallu que j’aie une secrétaire, rencontrée il y a vingt ans pour qu’elle reconstitue ma discothèque… Dans ma famille, cela ne les intéressait pas beaucoup !

Pour revenir sur la lutte contre le racisme, il y a eu Les crayons mais aussi Petit Simon.

C’est un américain, Mort Schuman, qui avait entendu ma chanson Le cœur  gros qui a apporté à Vline Buggy, la mélodie de Céline. Un de ses amis, Alston, également américain nous a apporté la musique sur laquelle nous allons écrire ensemble Le Petit Simon, chanson qui évoque le drame de l’étoile jaune. J’ai eu le grand honneur et bonheur de chanter cette chanson au Palais des congrès à Shimon Peres. Le Président est monté sur scène pour me féliciter. C’est là que j’ai appris que Shimon est le nom hébreu de Simon.

Vous partagez avec Renaud le goût de la sculpture en plus de la chanson. Je crois d’ailleurs qu’avec Brassens, à l’adolescence, vous étiez son idole ? On tombe dans votre univers artistique tout comme dans l’œuvre de Renaud à l’adolescence et pour la vie. C’est très particulier.

Oui, sculpture, peinture, chanson et beaucoup d’autres idées nous rapprochent. J’ai adoré Renaud et, puis, j’ai vécu ce drame et cette catastrophe quand il a commencé à boire beaucoup. Pendant deux ans, j’étais toujours disponible quand il avait besoin de moi pour l’accompagner au restaurant « Le Murat ». Il vivait à Meudon, à côté du cimetière où repose Louis-Ferdinand Céline. Il m’appelait de temps en temps pour dîner.  Je l’emmenais, il ne mangeait rien, il buvait. J’étais près de lui… j’ai tout fait pour l’aider…

Renaud, lui, m’avait beaucoup aidé dans la période où médiatiquement on ne parlait plus beaucoup de moi… Dans toutes les interviews qu’il donnait, il citait mon nom à côté de celui de Brassens. Les gens ne peuvent pas imaginer à quel point cela m’a aidé moralement…

Et puis un beau jour il est parti pour L’Isles-sur-la-Sorgues. Je ne l’ai plus revu… perdu le contact… d’autres gens l’entouraient…

Vous aviez pourtant noué une amitié très forte ?

Oui et c’est le plus gros chagrin d’amitié de ma vie… Je ne comprends pas… L’infidélité en amour peut s’expliquer parce qu’il y a la sexualité qui perturbe. Mais l’infidélité en amitié, c’est plus grave. On ne quitte pas un ami parce qu’on en a trouvé un autre… Je ne sais pas ce qui lui est arrivé… C’est peut-être une maladie ? Peut-être va-t-il guérir et revenir sur terre avec nous… Je vais peut-être retrouver Renaud, mon « poto » comme il m’appelait ? mais c’est très triste.

J’ai découvert que vous aviez écrit la chanson On laisse tous un jour pour Fugain ? Vous me le confirmez ?

Oui, il entretenait des relations étroites avec Delanoé qui m’a dit « tu devrais faire une chanson avec lui », un truc comme ça… Moi, je ne suis pas exemplaire du tout en tant qu’artiste professionnel du show-business. Sacha Distel disait de moi : « Hugues est sympathique, mais c’est un amateur. » Distel c’était un ami, il avait raison.

C’est un beau compliment amateur, même artisan. Dans amateur il y a le verbe « aimer ». Pour terminer qu’est-ce que l’on va entendre ce soir ?

Je fais un petit truc, un pied de nez à Aragon, qui était certes un grand poète mais pas un type bien. Brassens lui était un type bien mais il n’aimait pas l’homme Aragon. Vous le saviez ça ? Pourtant, ce soir je vais chanter Il n’y pas d’amour heureux, musique magnifique de Brassens (Hugues nous chante la chanson rien que pour nous … émotions) et je termine la chanson en ajoutant un couplet du Je vous salue Marie à la fin du poème La prière de Francis Jammes, le catholique, musique identique de Brassens.

Les gens qui considèrent que Brassens était anarchiste et athée n’ont pas compris Brassens. Ils ne l’aiment pas pour ce qu’il est, parce qu’il n’est ni anarchiste, ni athée. Il est humaniste et, quand on est humaniste, on sait bien que l’anarchie est un système de société inapplicable.

Libertaire alors ?

Libertaire ? je dois vous avouer que, quand je suis allé à Radio Libertaire, j’ai eu le sentiment qu’ils ne le sont pas vraiment.

Ils sont anarchistes…(rires)

Anarchistes oui, dogmatiques et théoriciens… Mais il leur manque l’essentiel : la tolérance et la compassion de l’humanisme. J’accorde à Brassens le droit de se dire anarchiste libertaire parce que lui a précisément les qualités de l’humanisme que j’ai défini. La seule chose qu’il ne tolère et n’accepte pas c’est la peine de mort. Pour moi Le Gorille c’est sa chanson la plus fortement engagée de son répertoire et j’ai choisi de terminer mon hommage ce soir avec ce message.

Mais, il a toujours refusé d’être classé… Quant à Brassens athée, permettez-moi de vous raconter une anecdote que m’a confié Gibraltar. Sa maman n’était jamais venue le voir chanter sur scène car elle n’aimait pas les chansons de son fils qu’elle trouvait trop grossières, voir indécentes. Le soir de la mort de sa mère, Georges Brassens était malgré tout sur scène pour un spectacle, comme à son habitude entre deux chansons se retournant vers Nicolas son contrebassiste, il se pencha vers lui et lui glissa dans l’oreille : « Nicolas, ce soir, pour la première fois, maman est dans la salle ». Athée Georges Brassens ? Non, Agnostique, ce n’est pas du tout pareil…

Merci Hugues pour ces mots. Hasta luego ! à bientôt si Dieu le veut…

 

Le site d’Hugues Aufray, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

2 Réponses à Hugues Aufray : « Quelle chanson ? La chanson française ou celle en français ? »

  1. Henri Schmitt 16 octobre 2017 à 23 h 18 min

    Passionante interview. On entend plus trop Hugues Aufray, et c’est un peu triste. Mais ici on en apprend d’etonnantes…J’apprecie particulierement ses paroles concernant Brassens et l’anarchie. Je suis pratiquement du meme avis que Hugues sur cette histoire de Brassens anar et athee. Mais je sais que ca gene dans certains milieux…L’humanisme n’est pas forcement la tasse de the de certains militants politiques!

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  2. Stéphane Noleau 17 octobre 2017 à 10 h 24 min

    Hugues Aufray est ainsi fait : il est insupportable de prétention. Il a tout vu, tout fait, tout inventé. C’est lui qui a créé Dylan, Coluche, Renaud… Il est Dieu et s’en remet à lui. Ce n’est pas l’interview la pire que je lis de lui, mais il ne change pas. Son immodestie en fait une vedette à lui tout seul. Mieux vaut se limiter à écouter ses chansons : il en a quelques-unes qui honorent le répertoire.

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