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Brassens jeune par Uzureau, une jolie fleur dans une peau douce

3540139870794Par Catherine Laugier,
Encore aujourd’hui, certains posent l’éternelle question : doit-on éditer et enregistrer a posteriori des chansons anciennes que Brassens n’a pas enregistrées de son vivant ? Des chansons écrites de 1942 à 1949, avant ses trente ans, qu’il estimait pas assez abouties et trop « sous Trenet ». L’ayant-droit de Georges Brassens, son petit neveu Serge Cazzani, a autorisé cette publication.

Si des bouts de bandes d’enregistrement, de maquettes, sont parfois remixées pour pallier l’insuffisance de répertoire d’artistes morts, ou combler l’attente de fans prêts à payer des fortunes pour un souvenir de leur idole, qu’il soit autographe, cheveu ou écho sonore, le tout dans un but purement commercial, on ne peut soupçonner cette publication d’EPM de vouloir faire des gros sous sur la mémoire du bon Georges…

D’un point de vue humain, et artistique aussi, cela me fait penser aux tableaux de jeunesse que certains peintres brûlent ou lacèrent, privant la postérité d’un utile outil pour comprendre leur art. Doit-on brûler sa jeunesse, tirer un trait dessus, la nier. Ces œuvres sont trop « fleur-bleue » comme le chantait justement Trenet, les amateurs du Brassens gaillard ou du poète villonesque ne reconnaissent pas leur icône ? (ah, cette influence là serait-elle la seule acceptable ? Devons-nous piétiner la mémoire de Trenet, « Le grand ciel en avait assez …», de Mireille et des contemporains de Brassens qui seraient trop légers !) Oui, Brassens a été jeune, sentimental et amoureux – timide sans doute – tant de Lydia que de Margot ou Suzon. Et n’en déplaise à certains, seul l’amour – léger, fidèle ou éphémère, contrarié ou refusé – lui semblait digne d’intérêt à cette époque là, et sa cousine l’amitié. Celle qui lui fait consoler son ami René Iskin au camp du STO à Basfdorf loin de sa belle Michou (Loin des yeux, loin du cœur, proverbe dont il prend le contre-pied sur une musique typique, très jazzy), ou cet autre venant d’apprendre que sa fiancée l’avait abandonné (Un camp sous la lune, mélancolique mais mélodieuse ballade).

VIVE UZUREAU,  VIVE BRASSENS QU’IL NOUS FAIT REVIVRE ! . Pour qui aime l’œuvre de Georges Brassens, il semble naturel d’en connaître les prémices, la genèse, les premières chansons (qui doivent être prises comme telles, et non comme des brouillons qu’elles ne sont pas). Brassens a toujours pris grand soin de déposer ses chansons, parfois sans leur partition, à la Sacem. Certains de ces textes retrouvent aujourd’hui leur musique d’origine : les deux parties sont enfin recollées et nous sont ainsi offertes. Des chansons de jeunesse ? Sauf qu’il était alors dans sa vingt-troisième année. Des chansons peut-être plus faibles que celles qui suivront et le feront connaître, certes, mais qui annoncent cette suite. Au demeurant, je dois avouer que quand j’écoute À l’auberge du bon Dieu, je n’y vois pas beaucoup de faiblesse quant à l’écriture. Ce disque est pièce du puzzle Brassens, pièce prépondérante qui nous a longtemps manqué. C’est grand et inespéré cadeau. Que ce soit Uzureau qui le porte est dans l’ordre des choses : il est un des plus importants interprètes du natif de Sète et, dans une grande discrétion, travaillait depuis des décennies à cet événement. On a tant décortiqué Brassens, par des livres en pagaille dont certains sont aussi remarquables que franchement pertinents, qu’il convenait de préciser son œuvre chantée. Car, qu’on le veuille ou non, ces chansons-là furent chantées en public par Brassens lui-même – mais non enregistrées –, en l’occurrence à Basdorf (il n’y avait pas, c’est ballot, de home-studio dans ce camp de prisonniers), durant le STO, ne serait-ce que pour divertir ses camarades de chambrée et d’infortune. Je sais que certains feront la fine bouche, mais on n’a su réveiller Brassens, qui depuis quatre décennies dort d’une longue sieste, pour le faire retourner en studio d’enregistrement. Et puis Yves Uzureau c’est tellement vrai, c’est tellement bien. Plus que ça, c’est simplement remarquable. Vive lui, vive Brassens qu’il nous fait revivre ! MICHEL KEMPER

VIVE UZUREAU,
VIVE BRASSENS QU’IL NOUS FAIT REVIVRE !
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Pour qui aime l’œuvre de Georges Brassens, il semble naturel d’en connaître les prémices, la genèse, les premières chansons (qui doivent être prises comme telles, et non comme des brouillons qu’elles ne sont pas). Brassens a toujours pris grand soin de déposer ses chansons, parfois sans leur partition, à la Sacem. Certains de ces textes retrouvent aujourd’hui leur musique d’origine : les deux parties sont enfin recollées et nous sont ainsi offertes. Des chansons de jeunesse ? Sauf qu’il était alors dans sa vingt-troisième année. Des chansons peut-être plus faibles que celles qui suivront et le feront connaître, certes, mais qui annoncent cette suite. Au demeurant, je dois avouer que quand j’écoute À l’auberge du bon Dieu, je n’y vois pas beaucoup de faiblesse quant à l’écriture. Ce disque est pièce du puzzle Brassens, pièce prépondérante qui nous a longtemps manqué. C’est grand et inespéré cadeau. Que ce soit Uzureau qui le porte est dans l’ordre des choses : il est un des plus importants interprètes du natif de Sète et, dans une grande discrétion, travaillait depuis des décennies à cet événement (voir ci-dessous le déroulé de cet événement).
On a tant décortiqué Brassens, par des livres en pagaille dont certains sont aussi remarquables que franchement pertinents, qu’il convenait de préciser son œuvre chantée. Car, qu’on le veuille ou non, ces chansons-là furent chantées en public par Brassens lui-même – mais non enregistrées –, en l’occurrence à Basdorf (il n’y avait pas, c’est ballot, de home-studio dans ce camp de prisonniers), durant le STO, ne serait-ce que pour divertir ses camarades de chambrée et d’infortune.
Je sais que certains feront la fine bouche, mais on n’a su réveiller Brassens, qui depuis quatre décennies dort d’une longue sieste, pour le faire retourner en studio d’enregistrement. Et puis Yves Uzureau c’est tellement vrai, c’est tellement bien. Plus que ça, c’est simplement remarquable. Vive lui, vive Brassens qu’il nous fait revivre !
MICHEL KEMPER

« Car vos yeux semblent vouloir dire / Que vous m’avez déjà compris » vaut bien « Mais elle m’a laissé faire / Les filles, c’est comme ça ». Moins cynique, plus amoureux. Déjà, l’amour des poètes anciens jaillit au détour de ses vers, Ronsard et ses fleurs fraîches écloses, Rutebeuf de ce « Tu n’aimais qu’une seule fleur / Le vent l’emporte » ou Harmonie qui paie son tribut à Verlaine. Et déjà Reine de bal virevolte lointaine comme une Dame de fin amor…

Deux questions à se poser seulement . – Cette édition apporte-t-elle quelque chose à la connaissance de l’artiste, plus largement à celle de l’âme humaine ? Oui, à n’en pas douter. Il s’agit bien là des fondations de son art, celles qu’on ne voit pas et qui pourtant font que la maison tienne debout  – L’interprétation et la mise en valeur des chansons sont-elles à la hauteur ? Oui, encore une fois. Yves Uzureau est fidèle, tendre et doux, plus que de Trenet sa voix a parfois des accents de Félix Leclerc « C’est un petit amour de campagne ». Les mélodies élaborées de Brassens sont développées de la plus belle façon, avec leurs variations, leurs renversements, le sifflement que l’on pousse, les mains dans les poches, et cette idylle champêtre dans un grand cœur de vingt ans (Je garde toujours) peinte comme un tableau impressionniste. Le jazz s’épanouit, avec Le bon Dieu est swing déjà bien iconoclaste, ou La ligne brisée et ses jeux de mots surréalistes. Liberté d’écriture qu’allait avoir, qu’avait déjà Brassens. 

Et puis il y a ce trésor soigneusement restauré, la mémoire en chanson de cette époque de Basfdorf, rapportée dans son cœur par l’ami Iskin. On sait qu’il fut le premier à enregistrer certaines de ces chansons, inédites en enregistrement par Brassens, à l’initiative d’Uzureau : une première fois en 2002 sur l’album René chante Georges, puis en 2003 redistribué chez Productions spéciales sous le titre Retour à Basdorf.
Ici nous avons en bonus ce document émouvant, inestimable, les extraits sonores restaurés de l’enregistrement sur cassette audio de ce déjeuner à Chatou en 1999, où Iskin chanta à Uzureau et à Pierre Onténiente « Gibraltar » l’ami intime de Georges, ces chansons qui sont à l’origine tant des enregistrements par Iskin lui-même que de ce florilège de l’ami Uzureau. Qui nous est grand bonheur.

CATHERINE LAUGIER

 

Georges Brassens Premières chansons (1942-1949)
Yves Uzureau interprète 15 chansons retrouvées et inédites, EPM 2021. Pour commander l’album
Le site d’Yves Uzureau, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Parlons et chantons Brassens

 

Premières chansons : rappel discographique…

Le disque d’Yves Uzureau s’intitule « Georges Brassens. Premières chansons (1942-1949) » et est sous-titré « Yves Uzureau interprète 15 chansons retrouvées et inédites ». Inédites, vraiment ? La plupart, oui. Brève et utile chronologie pour s’y retrouver…

- Un dimanche d’avril 1999, Yves Uzureau est invité pour une petit déjeuner amical par Gibralta et René Iskin, au domicile de ce dernier. Anecdotes sur « celui qui nous réunissait tous » et, juste après le dessert, une cassette étiquetée Chansons de Basdorf, introduite dans un magnétophone : 90 minutes d’inédits de Brassens, chantés par René, une « caverne d’Ali Baba » aux dires d’Uzureau ! Au terme de cette écoute, Iskin remet la cassette à Uzureau ;

a4c7ee0a-136d-40f9-b95e-e5ffb765b52a41RKQT4HM9L._QL70_ML2_- En 2002, Yves Uzureau propose à René Iskin de produire et enregistrer le disque René chante Georges, chez lui dans son propre studio : « Il me semblait que le premier interprète de Brassens qu’il était méritait bien à son tour un disque ». Première guitare, Uzureau en signe les arrangements et la direction artistique ; Iskin y interprète treize reprises (de La chasse aux papillons à Bonhomme) et quatre inédits (A l’auberge du bon Dieu, Un camp sous la lune, Loin des yeux loin du cœur ainsi que la version intégrale de Maman… Papa)  ; ; en 2003 réédition sous le titre Retour à Basdorf chez Productions Spéciales ;

- En 2007, parution au Cherche-Midi du livre Georges Brassens Œuvres complètes, édition établie, présentée et annotée par Jean-Paul Liégeois, où figurent 97 « Chansons retrouvées » parmi lesquelles figurent les quinze présents enregistrements d’Yves Uzureau ;

belinmoreldaviaud_pensezamoi1- En 2011, à l’occasion de l’Expo Brassens à la Cité de la musique, Télérama sort Pensez à moi, un CD de « 9 chansons de jeunesse [sic] de Brassens » chantées trois d’entre elles par Bertrand Belin, trois autres par François Morel, les trois dernières par Olivier Daviaud. C’est ce dernier qui est le compositeur des neuf titres présentés, parmi lesquels figure A l’auberge du bon Dieu ;

12821601_964203483627854_179117164973339182_n-200x300- En 2016, parution au Cherche-Midi du livre Georges Brassens – Premières chansons (1942-1949), édition établie et annotée par Jean-Paul Liégeois. En cadeau, un CD de « six chansons inédites » interprétées par Yves Uzureau. Inédites au sens que textes ET musiques sont de Brassens. Parmi ces six titres, A l’auberge du bon Dieu, Un camp sous la lune et Loin des yeux loin du cœur, enregistrés quinze ans plus tôt par René Iskin. On retrouve ces six titres dans le présent disque Premières chansons publié chez EPM.Ce livre est réédité en 2021 au Cherche-Midi avec le même visuel que le CD d’Uzureau.

MICHEL KEMPER

« A l’auberge du bon Dieu » Image de prévisualisation YouTube

« Je garde toujours » Image de prévisualisation YouTube

« La ligne brisée » Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Brassens jeune par Uzureau, une jolie fleur dans une peau douce

  1. Sébastien Lesné 26 mai 2021 à 17 h 32 min

    Merci beaucoup, Catherine et Michel, pour cette chronique qui nous donne envie de nous replonger dans une passionnante et non moins émouvante histoire racontée par René Iskin et publiée en 2005 avec la collaboration de Jean-Yves Vincent !

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