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Festival Chansons sous les étoiles : Stéphane Roux, Gainsbourg Confidentiel

Gainsbourg confidentiel en trio à Bouc Bel Air Photos ©Gycéel

Gainsbourg confidentiel en trio à Bouc Bel Air Photos ©Gycéel

Vendredi 2 juillet 2021, esplanade du château de Bouc-Bel-Air, Gainsbourg Confidentiel Trio

Tombe la nuit, peu à peu, tandis que le décor de la pièce musicale théâtralisée d’après le texte de Jean-François Brieu, biographe de Serge Gainsbourg, mise en scène par David Fabre (créée à Avignon en 2013, relire notre article de 2019) se met en place : Un fauteuil noir années 60′, une table basse, un flacon de whisky ambré. Mais surtout Stéphane Roux, sa dégaine de dandy décontracté, sa voix de crooner un peu fumeur, un peu frimeur, et surtout très expressive. David Fabre à la guitare, Aurélien Maurice à la contrebasse.

Ils maîtrisent à fond le répertoire gainsbourien des années 50-60, cette période du Gainsbourg confidentiel (du titre d’un album de 1963, vendu à seulement 1500 exemplaires) où Gainsbourg se cherche. Période aboutie de son écriture (exceptionnelle virtuosité langagière, musique d’un jazz d’une grande liberté), mais sans succès ni auprès du public (À part Le poinçonneur des Lilas), ni auprès des femmes. Avec des pochettes et des titres de disques repoussoirs. Ajoutez à cela le complexe d’avoir raté une carrière de peintre, seul art majeur à son goût, et vous comprendrez l’amertume, voire le cynisme et la misogynie de Lucien Ginsburg dit (après) le beau Serge : « Ce mortel ennui / Qui me vient / Quand je suis avec toi ». Et pourtant tout le monde veut chanter du Gainsbourg, les femmes en premier, de Michèle Arnaud à Gréco en passant par Catherine Sauvage…

Stéphane ROUX 2 07 21 ©GycéelC’est ce parcours sur ses cinq premiers albums que nous conte Stéphane Roux avec tout ce qu’il faut pour nous tenir en haleine sur l’anecdote, nous tenir sous le charme quand il chante.
D’abord, le look, plus élégant que celui de Gainsbourg, ce raffinement qu’avaient les hommes de cette époque, rien ne devant accrocher l’œil mais tout devant être parfait : derbys lacés à semelle cuir, chaussettes fines soyeuses légèrement translucides, pantalon droit parfaitement coupé ni trop large ni trop serré légèrement satiné, chemise blanche aux manches artistiquement roulées sous le coude, cravate savamment dénouée sur col à peine déboutonné, le tout sombre sans être vraiment noir, prenant des teintes violines sous les lumières. Classe et décontraction, celle des Mad Men des années 50, un peu cyniques mais séduisants. Avec la cigarette bien entendu, et le verre de Bourbon. C’est un comédien.

Mais c’est aussi un chanteur. Parfait pour interpréter L’amour sans amour ou cet Amour à la papa que Gainsbourg déplore. Qui en profite quand même pour écrire de la pure poésie : « Je suis le lierre / Tu es la pierre / Je prends racine autour de toi / Mais tu t’écailles / Quand je t’entaille / Tu es de pierre et je deviens de bois ». Avec des sonorités, des assonances que l’on ne retrouve guère que dans les meilleurs raps contemporains. C’est l’époque de Viva Villa, de La chanson de Prévert, de la Javanaise (mot, donc danse créée de toute pièce par Gainsbourg, comme il inventera aussi l’Anamour). Sans cesse le va-et-vient entre chanson rive gauche, qu’il dépasse de cent coudées, et jeux inventifs avec les mots – Elaeudanla Teïtéïa  (Laetitia), avec les rythmes plus ou moins exotiques, avec la modernité et ses excès qu’il critique et qu’il s’approprie : Chez les YéYés, Ma Lolita, Negative Blues : « Où est ma petite amie ? / Elle est dans mon Rolleiflex / C’était mon premier réflexe / J’aime la photographie ». Et le Scénic Railway : « Ya pas que les machines pour s’envoyer en l’air ». La période la plus avant-gardiste de Gainsbourg, dans la lignée d’un Vian, avant qu’il ne connaisse la gloire avec un répertoire pop ou reggae, et des revers quand il tente les albums-concept.

Si Stéphane Roux est parfaitement à l’aise, à chanter debout au micro ou assis nonchalamment dans son fauteuil, les musiciens ne sont pas en reste : ils s’éclatent, comme on dit maintenant, heureux dans ce modern jazz, écoutez Black trombone. Et le public en redemande, ce sera cynisme assumé avec La femme des uns sous le corps des autres, et séduction massive avec L’eau à la bouche. Un public qui, souvent, aura découvert avec étonnement ce Gainsbourg méconnu dont on parle peu dans les médias *,  et qui prend dans ce décor nocturne et paysager un nouvel envol !

 * On trouvera cependant certaines chansons de cette époque au hasard des feuilletons  des médias francophones publics de la chanson francophone cet été sur France Inter, depuis le 3 juillet 2021, les samedi et dimanche à 15h,  réédition de 2016 (en alternance avec Barbara)

Le site de Gainsbourg confidentiel, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là

Gainsbourg confidentiel était à nouveau au programme du Off d’Avignon 2021 au théâtre des Vents du 7 au 31 juillet, puis à la Tour d’aigues le 13 août. La tournée continue cet automne et l’hiver prochain. Le spectacle suivant, déjà en tournée, « 70′s », aborde la période pop de Gainsbourg. 

Gainsbourg confidentiel en 2019, La recette de l’amour fou Image de prévisualisation YouTube
Elaeudanla Teïtéïa en 2017 

ODALVA 3 07 21 ©GycéelLe 3 juillet le Festival Chansons sous les étoiles a présenté une deuxième soirée à laquelle je n’ai pu être présente, en première partie le duo Odalva, également au programme du Off d’Avignon à l’Atypik Théâtre du 7 au 31 juillet 2021, dont je vous invite à relire ma chronique à Avignon en 2019. «  Une impression de jeunesse et de fraîcheur, de superbes mélodies, une facilité à remplir l’espace de leur poésie originale (…) Leur vision du monde est fine et perspicace, ils ne nous cachent rien de ce qui va mal, mais avec un optimisme contagieux envers et contre tout ; ils semblent de ceux qui agissent plutôt que de se plaindre, et se construisent patiemment un monde qui leur ressemble, font « pousser sous [leurs] semelles des coquelicots. » »

Ricet BARRIER Trio à 2 Bonfils & Torel ©GycéelEn deuxième partie le Trio à 2 – Ricet Barrier (Jean-Paul Bonfils et Tom Torel) ont rendu un  hommage joyeux et poétique à Ricet Barrier, dont l’humour et la tendresse sont redécouverts, avec en ce moment deux formations différentes puisque nous vous avons déjà présentés à Barjac le trio Delly K / Laurent Malot / Bastien Lucas dans le spectacle La vie à 3 C’est délicat. Abondance ne nuit pas quand il s’agit de nous rappeler un artiste qui a fait partie de notre vie, susceptible de mettre un rayon de soleil dans ces temps moroses.

Noter que le Festival se poursuit tous les ans par un spectacle Jazz sous les Etoiles dans les Jardins d’Albertas, qui a réuni cette année mille spectateurs le 9 juillet avec le Léonard Blair Quartet (Jazz Nouvelle Orléans), précédant Le swinguant Caveau de la Huchette Quartet de Dany Doriz au vibraphone, avec les cinq saxophonistes d’Archysax en invités. De quoi achever de mettre des étoiles plein les yeux aux spectateurs venus pour cette Semaine sous les étoiles, à l’initiative de l’Association  JH Font Saulière (créée en 2018 par Josette et Henri Bonifay), en partenariat avec la Mairie.

Odalva présentation Avignon 2021 Image de prévisualisation YouTube
Trio à 2 – Ricet Barrier présentation 2018 Image de prévisualisation YouTube

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