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Le mémorial de Perrone

Archive. « Un accordéon, des trains, des musiques, des mots, des images projetées pour raconter, à la vas comme j’te pousse, des allers-retours qui n’en finissent pas… » Et Marc Perrone en scène. Un papier tiré d’archives, émotion captée à Saint-Léger-sous-Beuvray, il y a cinq ans déjà…

Marc Perrone (photo Pierre Alglave – http://www.pierre-alglave.com )

Festival dédié à l’accordéon, dans ce petit coin de Saône et Loire. Un grand chapiteau au mitan du bourg, des musiciens de partout, sur l’herbe comme en terrasse des troquets : ça diatonne de plaisir. Ambiance à l’ancienne, revival, survivance des années soixante-dix. Le bal, c’est pour tout à l’heure, après le concert. Le public est déjà dense. Toutes les générations sont là, toutes. Quasi religieusement : on ne sait que trop qui on vient voir, qui est venu nous voir. On connaît Perrone, qui nous fait danser depuis trois décennies. Son Gabriel valse fut longtemps disque étalon, plus petit dénominateur commun de nos discothèques folk. On sait aussi son art très cinématographique où il rend, du soufflet de son diato, la musicalité à l’image. On connaît ses disques beaux comme pas d’autres. S’il n’était si humble, on le dirait presque star. De toutes façons, incontournable. Saloperie de sclérose qui vous plaque un beau jour et vous ruine les gestes, l’un après l’autre ! Marc Perrone arrive sur scène. En fauteuil roulant. On l’aide à changer de siège. On lui apporte deux accordéons : forcément un de trop, déjà comme un caprice, une élégance. Le corps est figé, droit. Les bras se meuvent qui prennent l’instrument ; les doigts retrouvent boutons et touches. La vie renaît. Les notes sont bien celles qu’on connaît de l’artiste, humbles et belles, pas comme les autres, immédiatement identifiables. La moustache, le sourire, le front dégarni. Et la musique… tout est comme avant, y’a pas d’raison qu’il en aille autrement. Derrière lui, un très grand écran. Se fera-t-il autre toile ce soir, ce Cinéma mémoire par lui engagé depuis des lustres ? Oui, et pas vraiment. On y verra certes Gabin en Bête humaine, beaucoup de trains et pas mal d’extraits de films de Renoir… Et d’autres encore, des pas connus, des oubliés. Du parfois cocasse, des joyeusetés de l’escadron, tel ce Tire-au-flanc qui révéla Michel Simon… Que Perrone dialogue et met en voix par son accordéon. Mais pas comme avant, au seul service de l’image : c’est l’image qui, cette fois, illustre son propos. Car c’est un autre long et superbe métrage qui se joue devant nous, bio impliquée et émue : celle de toute sa famille d’ailleurs, de tailleurs, d’une guerre l’autre. De ses parents, Ritals dignes, épris de démocratie, qui ont tout laissé, hors la mémoire, pour fuir le Duce. C’est l’arrivée en France, l’installation en banlieue parisienne, la cité des 4000 à La Courneuve, où Marc réside toujours. Ce sont, par l’évocation et par l’accordéon, des touches émues. Souvenirs de gosse, respect des parents, ce quartier aux langues mêlées, réceptacle du Monde. Ce sont tranches de vies, par un Perrone qui nous conte le sienne, comme un oncle, un ami de passage nous le ferait. En temps normal, trop de propos nuiraient, nous ennuieraient. Là, non. On écoute, on y est, dedans. Sur l’écran : son père, lui, ses amis, son cadre de vie. Le bombardement de Monte-Cassino, son village italien. Et encore des rails, images prélévées au cinoche… Lui valse, se plie aux contours des images, humble sur sa chaise, en ce coin de scène, discret ; on sent son palpitant palpiter. C’est pas concert, pas conférence (il cite, longuement et en v.o., Primo Levi), pas bal non plus (dieu seul sait que, parfois, souvent, ça donnerait envie, tant est fluide ce soufflet) : c’est comme valse de souvenirs, de sentiments, d’émotions. D’engagements aussi. Ceux de toute une vie d’homme droit : Che bella la vita ! C’est un carnet de Voyages, un album de photos, où tout touche à l’intime sans voyeurisme aucun. Car c’est le nôtre, intime, qui vit, qui vibre sur écran, qui virevolte par l’accordéon. On ne sort pas d’un tel «spectacle» comme on y est venu. On est simplement touché, pile en dedans. Aimant plus que jamais cet homme, ce bonheur, ce type qu’on aimerait être grand frère. Pour entrer plus encore en de tels souvenirs.

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