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Stromae, Goldman : l’Académie française se fourvoie

Stromaé (photo DR)

Stromaé (photo DR)

Franchement, de quoi se mêlent-ils !?

J’en étais resté aux « vieux schnocks d’l'Académie / qui d’vaient encore être endormis » chantés jadis par Pierre Perret dans Les baisers. Là, ces mêmes académiciens (ils sont réputés « immortels ») ont dû ouvrir un œil, bouger un doigt à défaut d’encore pouvoir ouïr et jouir. Vexés par les insolents du Prix Nobel qui sacrent avant eux un chanteur, eux qui détestent la chanson ont voulu faire un coup médiatique. Bon, quitte à donner un gadget, un colifichet à un chanteur, eux qui ont refusé en leur sein la présence de Charles Trenet, ils ont intuitivement pensé à Maurice Chevalier, Jean Sablon et André Dassary. Vous auriez vu leur gueule quand ils ont appris que ces trois-là étaient depuis longtemps en état de sincère putréfaction. Dépités, ils ont dû demander des noms au premier huissier venu, qui les a tuyautés sur Stromae et Jean-Jacques Goldman (1). La rumeur veut qu’ils aient aussi demandé à Manoukian, mais j’y crois pas : vous imaginez, vous, Manoukian hanter un lieu présumé culturel autre que le studio de la Nouvelle Star ?

Que savent nos académiciens de la chanson ? Rien, si ce n’est celle entendue de leur sonotone à entonnoir dans le taxi ou l’ambulance qui les dépose à l’Institut de France, quand leur incontinence leur en laisse le loisir.

Des artistes en activité qui défendent la chanson française dans une langue un tantinet plus travaillée que celle de Stromae et Goldman, il y en a. Mais qu’en savent-ils, eux, les académiciens ? Ils ne connaissent ni Véronique Pestel ni Rémo Gary, ni Manu Galure ni Louis Capart, ni… Personne ! Personne d’autre que, désormais, ceux qui passent en boucle à la radio. Le seul parolier en son sein est Jean-Loup Dabadie, certes faiseur de tubes fort élégants, mais bien trop lié à l’industrie discographique et à ses confortables droits d’auteur pour en juger sereinement.

Il existe une autre Académie. Sans tenues vertes, sans épées, sans tralala, sans coupole, sans budget non plus, sans une tune. Sans rien. Qui travaille sans relâche, entre autres sur la chanson. Et qui, la semaine passée, a rendu son palmarès annuel : Juliette, Michèle Bernard, Christian Olivier, etc. Que des magiciens des mots, des gens qui font honneur à notre langue, des artistes qui certes ne font guère de concessions aux modes et au bizness mais magnifient plus encore la chanson.

Nos vieux schnocks de l’Académie française ont préféré le tout-venant, les têtes de gondole. Certes, on ne dira de mal ici ni de Stromae ni de Goldman (que nous aimons plutôt bien, pas au point cependant de voir en Stromae le nouveau Brel), haut gratin s’il en est du bizness, sauveurs du disque… Mais de la dignité, bordel ! Les gens du Charles-Cros ne vont pas chier dans vos plates-bandes pour soudain récompenser Bernard Werber, Guillaume Musso ou Marc Levy au seul prétexte qu’ils vendent des bouquins à la pelle ! Retournez à votre dictionnaire. On doit en être à la lettre R. R comme Tino Rossi, gros vendeur lui aussi.

 

(1) La Grande médaille de la francophonie récompense le chanteur belge Stromae. Il est « le seul chanteur de sa génération qui soit mondialement connu et qui sache mettre à l’honneur notre langue dans ses textes en s’adressant à un public de jeunes, habitués à n’écouter que des chansons en langue anglaise », a fait remarquer l’Académicien et ancien ministre de l’Education, Xavier Darcos. Parmi la soixantaine de prix décernés ce 1er décembre par l’Académie, le chanteur Jean-Jacques Goldman a reçu la Grande médaille de la chanson française. Rappelons que le dernier album de Goldman, Chanson pour les pieds, remonte à il y a quinze ans, le dernier live à il y a treize ans. Y’a pas à dire, les vieux schnocks d’l'Académie devaient encore être endormis. Ajoutons aussi l’annonce de Stromae qui confie cette semaine dans une interview aux Inrocks vouloir mettre entre parenthèses sa carrière de chanteur pour se consacrer à la composition et la réalisation de clips.

8 Réponses à Stromae, Goldman : l’Académie française se fourvoie

  1. Jean Humenry 2 décembre 2016 à 12 h 24 min

    Si chacun apprenait à travailler et à penser dans l’espace qu’il connaît et faisait passer correctement ses messages, ses témoins.
    A travailler dans son champ
    A travailler se rêves
    A travailler ses mots pour créer des passages, des partages.
    Alors les moutons seraient bien gardés
    Et les vieux schnoks rangés dans leurs fauteuils leurs sabres sur les genoux.

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  2. Alain Lanatrix - Barde authentix ! 2 décembre 2016 à 12 h 39 min

    Très bel article au vitriol
    Pour cet institut au formol
    Aux immortels si peu vivants
    Qu’on les croit morts depuis longtemps…

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  3. Françoise Hautfenne 2 décembre 2016 à 14 h 00 min

    Savent pas. Connaissent pas.

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  4. Jean Luc Dieu 2 décembre 2016 à 14 h 01 min

    En ce qui concerne la remarque de Xavier Darcos, je préciserais quand même que c’est quand même plus par la personnalité et le charisme (pour ceux qui trouvent qu’il en a) de Stromae et par sa musique qu’il est mondialement connu que par ses textes, sans doute originaux mais qui ne cassent quand même pas trois pattes à un canard. Heureusement, je n’aimerais pas qu’on fasse du mal aux miens.

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  5. François Alquier 2 décembre 2016 à 14 h 04 min

    « Mais de la dignité, bordel ! Les gens du Charles-Cros ne vont pas chier dans vos plates-bandes pour soudain récompenser Bernard Werber, Guillaume Musso ou Marc Levy au seul prétexte qu’ils vendent des bouquins à la pelle ! » Ha ha ha !

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  6. Guillaume Ledent 2 décembre 2016 à 19 h 01 min

    Sérieusement, tu pensais vraiment que les vieux schnocks connaissaient autre chose ? Je suis pas étonné du tout.

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  7. Catherine Laugier 2 décembre 2016 à 21 h 56 min

    Il est à noter que le grand Prix de poésie a été décerné à Georges Brassens en 1967, ainsi qu’à Robert Sabatier, Louis Brauquier, Jean Tardieu, Yves Bonnefoy ultérieurement, entre autres.
    Le grand prix de la francophonie, créé par le Gouvernement du Canada, décerné souvent à des personnalités non françaises a été attribué en 2016, à Takheshi Matsumura, Stromae obtenant la médaille de vermeil.
    La Grande Médaille de la Chanson française (créée en 1938) a été décernée dans les 30 dernières années à Gilles Vigneault, Nougaro, Mireille, Barbara, Béart, Aznavour, Pierre Perret, Souchon, Renaud, Cabrel, Moustaki, Anne Sylvestre, Le Forestier, Lama et bien d’autres.
    Ces personnalités récompensées chaque année ne soumettent pas leur propre candidature, contrairement aux 37 « immortels » actuels, qui ne comptent que 5 femmes dans leur rang.

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  8. André ROBERT 3 décembre 2016 à 13 h 14 min

    On est dans l’ère de la peopolisation, du buzz;
    les « Nobel » y sont entrés, les immortels emboîtent le pas.
    Peu importe le fond, pourvu qu’on ait la forme…

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