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Off Avignon 2019. Garance, Bleu d’espoir ou de déboires

Garance en scène ouverte Avignon 2019 ©AnnyClaude Durbet détail

Garance en scène ouverte Avignon 2019 ©AnnyClaude Durbet détail

15 juillet 2019, Atypik Théâtre,

 

Garance, qui fut comédienne, nous accueille au coin de la salle, avec ce court récit qui plante le décor : « Mais pourquoi j’avais dit oui ce soir là ? »
Bien plantée sur ses deux pieds avec cette guitare presque aussi grande qu’elle, dont elle joue battante, de toutes ses forces, rockeuse, autant percussion que mélodie. La voix aussi est assurée, toujours séduisante, moins légère et caressante qu’à ses débuts, où on l’entendait sourire en chantant.
Si le sourire est toujours là, il n’y a plus d’hésitation. Elle fait partie de ces générations de femme qui prennent la parole, depuis Anne Sylvestre, Agnes Bihl, Barbara Weldens, Yoanna, K !, Marco Moustache…, qui ont beaucoup lu Simone de Beauvoir et pris conscience de leurs droits sous le tablier. Même si « Revendiquer ses droits, entre courses et repas, tu plaisantes ». Partant des contingences quotidiennes, où les femmes ont la charge mentale du foyer, des enfants, la charge physique aussi bien souvent.
Revendiquant le droit d’exprimer son désir, en chantant tout doucement. « Tu le sens l’amour, là ?», s’enquière-t-elle ; ou de façon encore plus directe, en human beatbox,  Prends-moi. Un droit qu’on évoque peu, ne parlant que de consentement, comme si forcément l’amour devait être un combat entre un prédateur est une proie, qui n’a le choix que de fuir ou de con-sentir.

Une allure douce et bien féminine selon les critères en usage, ce qui n’empêche pas le tempérament. Pas de robe rouge ou bleue, mais un maillot de velours noir, un pantalon, une guitare et un micro, tout est noir autour.
Mais c’est bien de bleu dont elle va nous parler. Celui de ses yeux, du ciel et de la mer, le bleu d’espoir, la mer qu’elle veut aller voir « avec toi », parce que sinon ça n’a pas d’intérêt. Ou encore « Aller vivre dans un bois, pour m’ennuyer avec toi ». Chanson douce, évocatrice, sur de somptueux arpèges de guitare, d’un rêve de tout ceux qui ont gardé leurs envies d’enfant. L’abri au creux de la nature, dans une bulle de sentiment loin de la méchanceté de ce monde. En hibernation en attendant le printemps… Le fil bleu pour retrouver le chemin de la maison…

Garance Affiche pour Bleu -Photo David Desreumaux -Graphisme Romain Dao

Garance Affiche pour Bleu -Photo David Desreumaux -Graphisme Romain Dao

Mais aussi celui du blues d’être femme, tendance meetoo, marre qu’elle en a des clichés et des a priori sur les femmes. Peut-être aussi des bleus que maquillent certaines femmes, jusqu’au moment où elles en crèvent. Tout ce bleu qui est le sujet de son prochain album.
L’ambiance de cette « Prends les coups » est de ce bleu là, qui se décline aussi au pluriel, cru, brut, avec une guitare qui sonne le glas, voix grave et méprisante pour incarner l’homme, sûr de lui et de son pouvoir, « tu vas voir ça va t’plaire », douce pour la partition de la fille qui croyait voir le bleu du ciel, déjà vaincue… Un silence éloquent suit la chanson, public saisi, bouche bée, par cette tragédie de quatre minutes. *
Un vrai franc-parler dans cette chanson rentre-dedans où elle envoie « Mais soyez légers », véritable appel du pied à l’aînée qui leur montre le chemin, cette cousine aimée, la grande Anne Sylvestre. Un discours sur l’indépendance (d’artiste comme de femme) annonce une déclaration presque slamée, a cappella, poignante, juste battue sur la caisse de la guitare. Suivie de cette chanson-choc « A toi que je croiserai ce soir / Au coin d’la rue en quittant l’bar / Je n’écrirai pas d’chanson sur toi… »

Les chansons tendres qui alternent avec cette violence contenue n’en sont pas forcément plus joyeuses, et vous laissent un froid au petit-matin « J’me mange (…) c’est fou comme j’oublie ta voix ».

Un concert terriblement efficace, où le minimalisme sert l’émotion, où le féminisme est féminité revendiquée et non pas guerre de pouvoir, copie du sexe opposé. Une personnalité complexe, chaleureuse, des chansons justes, fortes, tout en nuances, tant au niveau des thèmes que de la musique (que d’ambiances musicales différentes avec une voix, une guitare et des mains… !). Jamais la poésie et l’humanité ne sont sacrifiés à une cause, fut-elle urgente. Une vraie maturité qui laisse présager du meilleur pour l’album à venir : « J’ai gagné en profondeur / Je danse avec légèreté… »

 

*Est-ce un hasard si l’algorithme de YouTube me propose d’écouter ensuite Le vent nous portera ?

 

Garance, Bleu, 95, rue de la Bonneterie, 19h 25, jours impairs, jusqu’au 27 juillet.

Le 25 novembre 2019 Carte Blanche à Garance au JazzCaféMontparnasse à Paris dans le cadre des Lundis Chanson !

 

Le site de Garance c’est ici.  Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.

Prends les coups (ici en trio)
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Jour de poisse
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