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Vivre et se reproduire dans le poste

teleVendredi 8 janvier à 21 h, sur France 3, émission de « divertissement » avec 300 chœurs. Y participent (entre autres) : Vianney, Florent Pagny, Amir, Julien Doré, Kendji Girac, Claudio Capéo, Pascal Obispo, Gérard Lenorman, Patrick Bruel, Dany Brillant, etc.

Le lendemain, samedi 9 janvier, La fête de la chanson française sur France 2, à 21 h : Amir, Pagny, Pascal Obispo, Kendji Girac, Gérard Lenorman, Julien Doré, Vianney, Patrick Bruel, Dany Brillant, Claudio Capéo, etc.

Pas tout à fait le même ordre, mais…

Nous sommes sur les deux grandes chaînes du service public. « Il existe bien un monde parallèle dans ce pays, un claustrat assommant (dans des lofts ?), sans tenir compte du monde réel » commente perfidement l’ami et chanteur Germinal le Dantec. Je confirme. Petit, je croyais que les gens de la télévision vivaient dans le poste, à l’intérieur de la boîte, derrière l’écran (sauf Neil Amstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins qui, la tête dans la lune, s’étaient échappés de l’attraction terrestre mais pas forcément de celle dite cathodique). Force est de constater que ça doit être vrai. Ils vivent, s’y reproduisent, se cultivent dedans. On doit ne leur donner à bouffer que des pousses de variétés prédigérées, gonflées de nitrates, qu’ils finissent, après rituel passage dans l’estomac et le gros colon, par nous régurgiter. Ça donne cette avariée variété qu’on nous sert pour soupe populaire.

Il fut un temps où, dans le domaine de la chanson, la télé faisait dans la permaculture mais l’ignorait. Un peu comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Rappelons que la permaculture prend en considération la biodiversité de chaque système. À une époque, aujourd’hui révolue, la téloche faisait fleurir tant Jacques Brel, Anne Sylvestre, Georges Chelon, Ricet Barier que Sheila, Annie Cordy, Cloclo ou l’aqueu Johnny, Pia Colombo et Les Compagnons de la chanson. Le tout en harmonie. La Grande Duduche que fut Danièle Gilbert était sur la même grille, certes pas tout à fait le même terreau, que Jacques Chancel et son Grand Échiquier, les soirées des Carpentier, les palmarès de Guy Lux, Roger Gicquel et ses Vagabondages, Guy Béart et son Bienvenue. Sans tout à fait se féconder, s’enrichir mutuellement, au moins les uns savaient que les autres existaient. Sylvie Vartan devait connaître Francesca Solleville, Joe Dassin a sans doute croisé Yvan Dautin dans les coulisses.La télé était un concept systémique et global visant à créer des écosystèmes.

Bon, ça c’était avant. Tout est désormais monochrome : vingt ou trente supposés artistes (nul doute que certains le sont, mais pas tous loin s’en faut) se partagent le gâteau sans même se douter (qu’en ont-ils à foutre ?) qu’il existe autre chose, d’autres chansons, d’autres genres, d’autres artistes. Pareil pour le public qui n’en saura jamais rien. Ainsi est le monde. Les vedettes télévisuelles vivent entre elles jusqu’à la nausée, jusqu’à la consanguinité.

Quant à la chanson, dans son incroyable diversité, elle est définitivement ailleurs.

5 Réponses à Vivre et se reproduire dans le poste

  1. Jean Lapierre 13 janvier 2021 à 15 h 16 min

    Bien… bien mon cher Michel… Tous ces gens qui couchent à la télé pour être à l’autre émission le lendemain… Comme dit Léo Ferré « les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes… »

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  2. Germinal Le Dantec 13 janvier 2021 à 15 h 17 min

    Un grand bravo pour ton « papier ». Merci pour cet hommage. Je pourrais reprendre tous ces mots à mon compte tant je partage cette opinion, mais mon post n’était qu’un modeste coup de griffe et je te remercie de l’avoir si brillamment (comme toujours) prolongé . Juste pour illustrer cet exemple de diversité, que tu fais apparaître, il nous était possible, en tant que modeste A.C.I étiquetés riv’gauche, de croiser, dans des émissions de télé de l’époque, des Gainsbourg, Gréco, Trenet. Ce fut mon cas et c’était souvent enrichissant et agréable d’échanger avec eux, même brièvement. Les frontières n’étaient certes pas aussi imperméables. Le comble surtout dans la situation présente, c’est qu’ils s’en mettent plein les poches, sans scrupules, tandis que d’autres artistes sont aux abois.

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  3. Jean Paul Damaggio 13 janvier 2021 à 15 h 20 min

    Ce qui est dit de la chanson est vrai dans d’autres domaines car les grands médias considèrent qu’ils ne sont plus là pour informer mais conformer (du verbe conformité).

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  4. Vincent Capraro 13 janvier 2021 à 15 h 27 min

    Je suis tellement d’accord avec Michel Kemper, nous le sommes très souvent, pas toujours, mais très souvent. Lisez cet article
    La télévision est complètement sclérosée en matière de chanson, il y en a marre de voir toujours les mêmes. Il y a tant de talents incroyables, d’artistes que le public apprécierait si on leur donnait un peu de visibilité, un peu d’écho.

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  5. Luguern Joël 14 janvier 2021 à 18 h 53 min

    En effet, il n’y a rien à ajouter à ce texte d’une vérité profonde et dans lequel l’humour (grinçant) n’est même pas absent. Bravo , et merci !
    Cela fait du bien de lire, de temps en temps, de tels propos.
    Si justes…
    Puisse ce texte être lu par d’autres publics que celui de Nosenchanteurs, ceux des « grands » (?) médias, par exemple.

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