Bédoin 2025. Hélène Piris, faut ski faut !

Hélène Piris sur la scène de Bédoin (photos Bruno Rumen)

20 avril 2025, festival La Chanson d’Abord, Bédoin,

Nous sommes à Bédoin, à quelques kilomètres du Mont Ventoux. Je ne sais en hiver mais, à Pâques, il n’y a pas de neige. Il y fait même chaud, c’est mieux pour la récolte d’asperges et de fraises, omniprésentes sur les étals du marché. Il n’empêche que c’est en tenue de ski qu’elle arrive sur scène, comme sur la photo de son nouvel album « C’est moi ou il fait un peu chaud ? ». Visiblement, c’est elle. Et aussi ce réchauffement climatique qui bouleverse grandement le paysage : « Je marche dans le désert / Je crève de chaud sa grand-mère / Et là, je croise un ours polaire / Qui fait bronzette en bikini / Avec un Martini ». Hélène Piris est une chanteuse d’alerte. Elle est l’addition tant du bulletin officiel des météorologues que de 60 millions de consommateurs, l’indignation de la ménagère de moins de cinquante ans et de plus de cinquante de QI, transposée à la chanson. Pour autant, je ne sais comment elle serait perçue au congrès des Verts : ils ne sont pas là, ils sont au même moment en conclave.

En fait, trouver sa juste classification dans le tableau de la chanson est hasardeux : elle y est carrément mal code-barrée ! Chanteuse certes mais à la marge, agitatrice d’idées plus sûrement, fouteuse de pagaille, pourfendeuse du politiquement correct : ce serait là un portrait bien plus fidèle. Là où elle passe, on se souvient d’elle pour longtemps. Pour son impertinence autant que pour sa dose de super-optimisme, version méthode Coué : « Non mais, on va s’en sortir ».

Armée de son seul violoncelle, la belle va d’un sujet l’autre, optant résolument pour la biodiversité. Pour le recyclage aussi : d’un rêve érotique, elle exhume Bruno Le Maire qui, pour la séduire, lui promet de « dissoudre le Médef, de rétablir l’ISF ». Ça fait une chanson de plus. Supputant l’inexorable déclin de la chanson, elle tente devant nous, au milieu du public, de se lancer dans le répertoire enfantin, version Bétharram : « Quitte à te sentir un peu violé(e) / Eh ben fais-toi du blé ».

Petite ville provençale d’un peu plus de trois mille habitants, Bédoin est la porte du Mont Ventoux, haut-lieu s’il en est du vélo, touristique à souhait. La chanteuse Danie Cohen-Constant y a fédéré de bien belles énergies pour créer l’an passé cet événement. A l’heure où disparaissent nombre de festivals, en faire naître un relève d’un grand courage dans ce lieu où on compte bien plus de cyclistes que d’amateurs de chanson d’auteur. D’autant plus que ce festival ne se limite pas à une simple addition de concerts mais mouille le public, par des ateliers « chorale éphémère » (animé par Emmanuelle Rivault) et « écriture de chansons » (animé par Yann Cleary, notre photo), par une conférence aussi. Nous reviendrons dans nos prochaine éditions sur ce festival en tout point adorable, désirable.

Entre deux chansons : « C’était bien hier ? » Et parlant du chanteur de la veille, sur cette même scène : « C’est mon ex ! » Inquiète : « Au fait, qu’est-ce qu’il a dit sur moi ? » Elle est nature, notre Piris. Et très famille, à chanter sa mémé qui est morte et les mecs de sa frangine : Bolsonaro, Trump, Poutine, Netanayou… Notons qu’elle pourfend autant le réchauffement climatique que l’extrême-droite, se privant du coup de tout coup de pouce de la presse Bolloré, payant ainsi le prix de son opiniâtre résistance.

Coqueluche qu’elle est de ce côté-ci de la chanson, Piris mérite grandement l’intérêt qu’on lui porte. Ce n’est peut-être pas la plus grande des chanteuses mais, dans cette chanson, c’est un succulent vent de folie et de nécessaire combat, comme quoi la chanson engagée bande encore. Profitez d’elle tant qu’elle peut encore chanter : à leur prise de pouvoir, les fachos ne lui feront pas de cadeau.

Le site d’Hélène Piris, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

« C’est moi ou il fait chaud » :