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Stavelot 2018. Claude Semal, la Belgique en bandouillère

Claude Semal sur la scène de Stavelot (photos Benjamin Georges)

Claude Semal sur la scène de Stavelot (photos Benjamin Georges)

Stavelot, « Une chanson peut en cacher une autre », 19 octobre 2018,

 

Claude Semal sur scène. Entouré de cinq musiciens. L’événement est de taille. Car l’homme, condamné au succès d’estime (selon ses propres dires ironiques), n’a que rarement l’occasion de se produire au sein d’une telle armada. On savourera donc chaque instant à sa juste valeur.

Ce sont ses 45 ans de carrière qui nous valent cette chance. Les petits plats ont été mis dans les grands pour fêter ce presque jubilé : sortie fin 2017 d’une intégrale (Semal la totale), dont Nos Enchanteurs vous ont évidemment entretenus en temps voulu, assortie d’un nouvel opus où le fringant sexa a démontré en avoir encore sous la pédale. Ce CD, intitulés Les Marcheurs, a donné son nom au groupe qui l’accompagne, avec à sa tête, Gil Mortio, maître d’œuvre de l’album.

Superbe réalisation que ce disque. Du Semal en grande forme, témoin acide de notre époque. Et des arrangements qui lui ont donné un bienvenu coup de jeune. Un CD si réussi qu’il sera interprété dans sa totalité. Au risque de décevoir les amoureux de la première heure, aucune autre chanson ne sera jouée ce soir-là, à l’exception d’Un enfant naît-il en unique rappel. On ne s’en formalisera pas, tant l’ensemble est cohérent musicalement et les textes de haut vol. Débutant par un tonique La pension (Après toute une vie de chômage / J’arrive enfin à la pension) pour s’achever, tel un écho lointain, par les Petites fissures (Y’a des petites fissures / Dans les vieux chanteurs / C’est sûr), le concert nous permettra d’apprécier la pudeur d’un bonjour à François Béranger (Les papillons), un manifeste pour les manifs (Les marcheurs), la mélancolie des Remords et des regrets, l’histoire poignante d’un couple confronté au cancer (Les cheveux noirs) ou l’ironie de ces symboles actuels des grandes amours (Les cadenas)… Au milieu de ce panel, deux surprises du chef : une chanson de et par Ivan Tirtiaux, l’un de ses marcheurs, et la visite du plus fou des artistes belges, Daniel Hélin, venu en voisin nous interpréter deux morceaux dans ce style qui n’appartient qu’à lui. Un double intermède brillant, en parfait accord avec le rythme de la soirée.

Plus tard, peut-être, comme il le chante, notre artiste aura-t-il droit à voir son nom apposé sur une plaque de rue, en guise d’hommage et de reconnaissance. Ce sera l’Impasse Semal. Une venelle trop peu fréquentée, mais où l’on trouve porte ouverte, avec vue sur le cœur et l’esprit. Un lieu de rendez-vous idéal pour les amoureux de la chanson, qui l’arpenteront sans jamais se lasser.

 

L’interview en titres

Semal 345 ans de chansons, cela méritait aussi un entretien. Nous avons demandé à Claude Semal de réagir à certains titres issus de son vaste répertoire. Il s’est prêté au jeu, pour un résultat lucide et direct, teinté de cet humour second degré qui ne le quitte jamais. Vous comprenez pourquoi il nous est indispensable ?

Devenir vieux. J’ai écrit cette chanson de vieux à vingt-huit ans (avec, il est vrai, une ou deux vies déjà derrière moi). Aujourd’hui que je commence à l’être vraiment, vieux, je reste persuadé que chaque âge a sa part de plaisirs et sa part d’emmerdes. Il suffit de ne pas vouloir faire à soixante-cinq ans la même chose qu’à vingt (et inversement). Nous avons tous le même âge, mais pas au même moment.

La pension. Et donc, dans six mois, comme le dit la chanson, je vais changer d’allocations. Vive la pension ! Je vais enfin pouvoir travailler.

Le succès d’estime. Dans un métier où l’on met son cœur sur la table, comme chez le boucher, l’égo est parfois furieusement malmené, car il n’y a pas vraiment de frontière entre la sphère intime et la sphère publique. Je n’ai jamais rêvé d’être une star, et cela tombe bien, je n’en suis pas une. La psychanalyse et mon ironie m’ont beaucoup aidé. J’écrivais à vingt ans : « … tu aimerais être vieux / et connaître le titre du livre ». Le livre n’est pas terminé, mais je sais déjà que je suis probablement un bon joueur de Division 2 (ou à la rigueur, de première provinciale). Et alors ? J’ai au moins eu cette chance inouïe : j’ai toujours fait ce que j’aimais, et j’ai toujours trouvé le moyen d’en vivre. Pour rien au monde, je n’échangerais ma place pour celle de …. (remplir les pointillés).

Le Pays Petit. Cette chanson date en 1979. Elle reste, je crois, assez pertinente en 2018. Je suis le Nostradamus des couques de Dinant. Parler de la Belgique, c’est un métier. Un métier qui se perd. Les archéologues du futur me remercieront.

44804660_905854482943488_7638430109929570304_nMon stylo. J’ai écrit cette chanson au début de la révolution informatique. Aujourd’hui, j’écris souvent au crayon (ce qui, contrairement au stylo, soumis à la loi de la gravité, permet d’écrire couché). Depuis, tous les métiers de la musique ont été profondément bouleversés par le numérique : Youtube, Facebook, les réseaux sociaux, l’effondrement du marché du disque, les téléchargements… Je fais aujourd’hui, comme les plus djeuns d’entre nous, beaucoup de concerts en appartement. Retour à la case départ, mais aussi à l’essentiel : chanter pour des gens qui vous écoutent, écouter des gens qui chantent pour vous.

Les Révolutions. Je n’ai pas renoncé à vouloir changer le monde, et le monde n’a pas renoncé à changer sans moi. Regardons humblement le capitalisme s’effondrer sous son propre poids, et apprenons à vivre sans lui dans la fraternité des nécessaires combats quotidiens. Il n’y a pas de grand soir, il n’y a que des petits matins toujours recommencés.

 

Le site de Claude Semal, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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