Stéphane Venne, 1941-2025
par Steve Normandin,
Stéphane Venne nous quitte à 83 ans. Le Québec perd en lui un auteur-compositeur de génie, un créateur de fond, mais surtout un visionnaire de la chanson. Dans le Québec du siècle précédent, les premiers jalons d’une chanson portaient les visages de Félix Leclerc ou de Gilles Vigneault. Venne appartient à la génération suivante, celle de Robert Charlebois et Jean-Pierre Ferland, qui révolutionne la façon de concevoir une chanson, tant dans son écriture que dans sa diffusion. Il l’affirmera lui-même, dans une clairvoyance précise comme son talent : en son temps, il avait trouvé le son du Québec. Des mots rassembleurs, des musiques enlevantes qui se retiennent facilement. Ses idoles se nomment Bécaud ou Beatles. Ses mots s’attachent aux mélodies avec efficacité et sensibilité.
Universitaire, il fréquente les fameuses boites à chansons qui révèlent un tas d’artistes. Il compose et chante tout comme son ami Pierre Létourneau et le pianiste François Cousineau, futur mentor de Diane Dufresne. Stéphane Venne se rend vite compte qu’il n’est pas son meilleur interprète. Il constate qu’il lui faudra écrire au « nous » plutôt qu’au « je » pour accrocher le public. Son flair se révèle aussi puissant que son travail d’écriture.
1967 marque un tournant important pour Venne. Sa chanson remporte le premier prix du concours international qu’organise l’équipe de l’exposition universelle de Montréal. Un jour, un jour, thème officiel de « L’expo 67 », se retrouve sur toutes les lèvres et donne un souffle nécessaire à sa carrière naissante.
Au cours de la décennie 1970, l’auteur sculpte dans l’or des plus belles voix québécoises de l’heure. Ses muses se nomment Renée Claude, Isabelle Pierre, Emmanuelle. Les succès explosent : C’est notre fête aujourd’hui, Le temps est bon, Les enfants de l’avenir, Le monde à l’envers, Tu trouveras la paix. Venne avait vu juste et le public vibre au même diapason.
L’orfèvre de la chanson écrira aussi des musiques pour le cinéma et la télévision (notamment pour le film de Gilles Carle Les Plouffe et sa chanson-phare Il était une fois des gens heureux, que chantera Nicole Martin). Malgré un tel succès, celui qui est sollicité pour ses œuvres devient fonctionnaire pour la ville de Montréal de 1984 à l’an dernier.
Bien qu’il ait laissé quelques plumes dans l’aventure, Venne prendra le risque de fonder deux stations radiophoniques, dont CIEL-FM. Ces stations offraient une vitrine de premier plan aux créateurs de la chanson québécoise bien avant l’imposition des quotas de chansons francophones sur les ondes du Québec.
En 2003, l’équipe québécoise de Star Académie s’empare de Et c’est pas fini, que chantait Emmanuelle en 1973. Venne sort de sa quasi-retraite et reçoit une forme de consécration à retardement. Il s’entiche de l’interprète Marie-Hélène Thibert, elle-même académicienne, et lui concocte de nouvelles chansons sur mesure. Un volcan se rallume, brièvement.
Ardent défenseur de la langue française, Venne publie en 2006 Le frisson des chansons, livre où il se raconte et détaille son point de vue sur l’art d’écrire une chanson. Ce n’est pas une méthode ou une biographie. L’auteur s’offre le luxe de nous plonger dans ses passions créatrices.
Un des triomphes de Venne, Le temps est bon, composé en 1971 et que chantait Isabelle Pierre dans le film Les mâles de Gilles Carle, se retrouve en 2010 dans le film de Xavier Dolan Les amours imaginaires, puis dans les mains du groupe électro français Bon entendeur. À la disparition de Venne, le biographe Mario Girard écrit dans La Presse : « Écoutez ses chansons. Elles sont parfaites. » C’est sans doute pourquoi elles traversent le temps et ce, bien au-delà du Québec.
Isabelle Pierre « Le Temps est bon » :
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