Gérard Manset « Monsieur »
Dans la rue
Surprenant qu’il marchait
Comme loin de sa vie, et de nos vies à tous
Comme si quelque chose venait de le chercher
Il entendait ceci
Monsieur, planqué sur le tournant
Il vit la capuche orange et supposa le pas de cette fugitive
Qu’il ne connaissait pas
Mais qui l’interpellait
Mais qui l’interpellait
Gérard Manset
Paroles et musique Gérard Manset. Extrait de L’algue bleue (avril 2024).
« Car ce chemin, il est coudé, monsieur, il est coudé »
N’a-t-il donc pas de drôles d’images ce Manset !
Cet extrait de la fleuve Monsieur, issu de son dernier album L’algue bleue dont nous vous publiions le deuxième extrait il y a un an tout juste, est ici dit, non pas par le chanteur-sans-concert, mais par Lisa Spada, voix du soul français.
Dans ce morceau, elle est la « fugitive » à la capuche orange qui interpelle un homme sur un trottoir, à la recherche d’une rue. À cette entrée en matière au passé simple, se déroule un dialogue curieux : oscillant sans cesse entre narration, réflexions philosophiques et images pour le moins déroutantes (notons les mouches, le coude ou encore la part de gâteau), cette chanson est en effet une drôle de berceuse…
Et c’est peut-être bien ce côté-là —cette douceur à la guitare succédant à une entrée/sortie grandiloquente en cordes, et ces paroles répétés —qui nous fait croire à. Oui, sous cette écriture qui nous semble un tantinet automatique (et pourtant suivant un fil narratif précis) et dont les images nous font à la fois penser et ricaner, on croit à un dialogue entre cet homme et cette femme — deux parfaits inconnus. À « un toit, une maison, où l’on serait ensemble / Où l’on serait ensemble ».
Tout du long de ces presque-neuf-minutes, ce sont de petites fêlures qui surgissent à la surface d’un sens flottant aux interprétations multiples — nos êtres bouffés par le « pas le temps », le poids porté par les femmes, l’impossible communication entre elle et lui, les enfants partis, … — et surtout une goutte d’espoir dans ce fleuve de mélancolie manséésque où le « nous » finalement s’invite, malgré un chemin « coudé d’où on ne sort jamais » : « Je ne suis différent en somme / De rien rien non plus que vous / Non plus que nous ne sommes ». Conteur et réconciliateur, ce Manset.
Ce qu’a déjà dit Nos Enchanteurs de Gérard Manset, c’est là !
Toujours aussi déroutant, sidérant, édifiant au sens où on construit chacun son édifice ou sa cathédrale, pas à pas, année après année, loin des routes, loin des astres mais visant tout de même son étoile ! A ton étoile Gérard !!
Patrice d’Issy et d’ailleurs …