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BabX, un diamant noir

BabX (photo DR prélevée sur la page facebook de BabX)

BabX (photo prélevée sur la page facebook de BabX)

30 avril 2016, Le Petit Duc à Aix-en-Provence,

 

David Babin dit BabX écrit en poète, joue du piano comme un musicien de jazz ou un Chopin échevelé qui se ferait la tête de Schubert, interprète ses textes comme un comédien de théâtre, du plus doux chuchotement à des colères furieuses. Quand il ne compose ou n’arrange pour d’autres. Il crache ses mots sur ses musiques et ses musiques sur les mots sans projet préétabli, retient sa voix pour donner plus de tension ou se laisse aller au cri primal. Il est là où on ne l’attend pas, et s’évade quand on croit le saisir. Vous l’aviez quitté sur un arrangement rock avec batterie, clavier, guitare électrique et violoncelle, ou sur les tonalités électroniques de Drônes personnels et de ses compositions et arrangements pour Il nous restera ça de Grand Corps malade et ses invités, et vous le retrouvez seul au piano à queue du Petit Duc, avec Julien Lefèvre, son copain de collège et toujours ami, caché derrière lui avec son violoncelle.

C’est que BabX fait de la musique et de la poésie. Quand ça s’accorde aussi parfaitement, cela s’appelle aussi la Chanson, même quand c’est dit plutôt que chanté, et ce n’est pas fait pour attirer le client ni combler les attentes des Maisons de disque. Son public le suit ou le précède : il l’a supplié de pérenniser son spectacle en album. Le dit dernier album, Cristal automatique, mise en musique de poètes qui l’ont le plus inspiré, tendance maudits-sulfureux-punks est sorti sous sa propre maison de production, Bisonbison, lui laissant toute liberté. Résultat reconnu par un Grand Prix de l’académie Charles-Cros.

BabX n’est pas vraiment du genre à embrasser un flic, ou alors « J’mets des buvards à mes baisers » : « J’suis d’une police qui a pas d’Bagnole / J’mets des PV au protocole / et des pavés dans mon piano»
Cache ses angoisses sous la dérision  et s’il a mal aux autres, c’est dans une poésie noire et baroque, avec une exubérance du verbe et une recherche musicale jusque dans les sonorités de la langue : « Sur le tarmac / Mecs et macs /Trinquent et traquent / Braquent et troquent / Des météores ». En mêlant audacieusement la musique de Chopin à la sienne, vieille de dix ans déjà.

D’Islamabad où la douceur orientale côtoie l’absurdité et la violence « vin d’orange méthanol / rose pourpre et grenade / marché noir fausses idoles (…)groupuscules armés GI Joe en chemin » à Helsinki,  de la Little Odessa de Brooklyn où « C’est la mer noire qui s’est planquée / sous les jupons d’la statue d’la Liberté » jusqu’à la coolitude de Mourir au japon « Dans l’océan pacifique (…) Pour une femme utopique » , ses mots comme son jeu virtuose, expressif et dramatique au plus près du piano, savent suggérer le voyage, donner l’ambiance, nous alerter sur l’horreur. Julien Lefèvre accompagne, suspend, répond avec justesse.
Dans la reprise des sulfureuses Petites amoureuses de Rimbaud « Et c’est pourtant pour ces éclanches / Que j’ai rimé / Je voudrais vous casser les hanches / D’avoir aimé » le piano se fait dissonant, s’accompagne de claquements de doigts au son du violoncelle expressionniste, se termine  en jouissance musicale où Babx joue avec les paumes, les poings et les coudes. Le soleil noir puissamment érotique des deux larges extraits du Condamné à mort de Jean Genet est servi par une diction sobre et prenante, où le lent balancement du piano laisse la place à une psalmodie de mots sur fond de notes lancinantes, s’intensifie dans une montée dramatique dissonante. Atmosphère entre Higelin et Yanowski.
Le presque chuchotement du rêve de Tom Waits Watch her disappear sur fond de violoncelle pincé calme l’ambiance tout en restant angoissant.

Le généreux programme qui puise dans tout le répertoire de l’artiste n’oublie ni l’acidité de titres comme Petite fille gâtée, ni les souvenirs d’enfance à l’origine de la vocation de l’artiste, fait la part belle  à la courageuse héroïne Omaya qui « se repose / une tache au cœur comme un bouton de rose ».
Le public qui en redemande encore et encore fera les chœurs de Naomi aime et répètera le refrain des douces Rimes de Nougaro.

 

La page facebook de Babx, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. En concert le 13 mai au Festival La voix est libre à Paris. Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à BabX, un diamant noir

  1. Pol de Groeve 6 mai 2016 à 14 h 31 min

    Merci pour ce beau compte-rendu. Je n’ai malheureusement pas encore eu l’occasion d’applaudir Babx sur scène, mais je ne me suis pas encore remis des fulgurances de son magnifique « Cristal Ballroom ». Un artiste rare et totalement hors-format.

    Répondre
  2. Pierre 8 mai 2016 à 18 h 24 min

    Merci Catherine pour le compte-rendu de cette belle soirée au Petit Duc à Aix, où la chanson française était à son meilleur niveau par la qualité des textes et de la musique. Babx n’a sans doute pas fini de nous surprendre: à suivre absolument!

    Répondre

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