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Confinement : Suisse et (pas) fin

Quarante-sept Helvètes, une autre plus belle histoire d'amour (photo non créditée)

Quarante-sept Helvètes, une autre plus belle histoire d’amour (photo non créditée)

La Suisse confinée, ça donne quoi ? Difficile à imaginer. Il faut dire qu’en temps normal, vu de l’extérieur, le pays semble déjà tellement être un espace clos, une forteresse au sein de l’Europe, que, pour un peu, on avancerait que le Covid-19 n’a pas chamboulé grand-chose là-bas. Caricature simpliste, évidemment. A l’instar de ses voisins, la Confédération helvétique a dû se cloîtrer, laissant – entre autres – ses artistes bien démunis et désœuvrés.

Heureusement apparut un héros non masqué (très rare par les temps qui courent). Son nom ? Christophe Pochon, chanteur avec trois disques à son actif et pianiste de jazz. Sa mission : réunir la fine fleur de la chanson suisse romande. Le moyen : enregistrer tous ensemble – mais chacun dans son coin – un message d’amour et d’espoir.

Comme NosEnchanteurs est à la pointe de l’actualité musicale, nous avons pu suivre cette création pas à pas. D’abord par des entretiens quotidiens avec le maître d’œuvre, qui nous a fait partager l’évolution du projet, des premiers enregistrements de voix jusqu’au montage final. De même avons-nous été autorisé à suivre discrètement les échanges facebookiens entre les différents intervenants, ce qui nous permet d’affirmer que ce magnifique projet artistique s’est doublé d’une belle aventure humaine, où les mots « entraide » et « camaraderie » ont revêtu leurs plus belles couleurs. Même si certaines interventions resteront définitivement obscures (qu’a voulu dire exactement Jérémie Kisling par son « Est-ce que tu peux changer sur les partoches le deuxième accord de tous les couplets, quand tu mets Ab7M qui sont en fait des Ab/G (Lab basse de Sol) ???)…

Christophe Pochon

Christophe Pochon

Cette petite entreprise méritait bien une entrevue sans chichis avec l’homme-orchestre du projet. Mais au fait, comment lui est venue cette idée folle ?

J’avoue humblement que l’idée n’est pas tout à fait de moi. J’ai pleuré à chaudes larmes en regardant la vidéo que Valentin Vander et sa sœur ont réalisé avec la chanson « La tendresse ». Je trouvais ça tellement beau, cette réunion d’artistes. Ça m’a profondément ému. D’autant que la notoriété des artistes présents sur cette vidéo importait peu, même si j’en connaissais quelques-uns : c’était touchant, tout simplement. Alors dans les jours qui ont suivi, ça a tourné dans ma tête, et je me suis rapidement décidé à faire un truc similaire avec des artistes suisses-romands. Restait encore à choisir la chanson.

La chanson, parlons-en. Pourquoi ce choix de « Ma plus belle histoire d’amour », immortel morceau de Barbara, très connu sans pourtant être ultra populaire ?

Un matin je me suis réveillé avec une évidence : « Les amoureux des bancs publics » était la chanson pour ce projet. Et avoir eu cette révélation m’a poussé à me lancer. J’ai d’abord écrit de jolies mélodies d’accompagnement pour les violons, puis j’ai commencé à contacter tout le monde. Mais très vite, certains m’ont déconseillé de prendre ce titre, parce qu’il venait de faire l’objet d’une parodie très réussie par l’émission de télévision suisse « 120 minutes », qui a cartonné sur le web. Alors j’ai cherché longuement une autre chanson. Il fallait qu’elle soit éternelle, connue du plus grand nombre, intéressante au niveau du texte et de la musique. Pas si courant que ça. J’en ai retenu 3 je crois. Et ça a bien failli être « Le Sud » de Nino Ferrer. Mais au feeling, j’ai finalement gardé « Ma plus belle histoire d’amour ».

Au final, 47 artistes – musiciens et chanteurs – ont participé. Certains connus hors des frontières suisses, d’autres à la renommée plus restreinte. Des artistes de toutes les générations. Des vétérans Michel Bühler ou Yvette Théraulaz, jusqu’aux jeunes duos Baron.e ou Aliose. Tous mis sur un pied d’égalité cependant. Comment forme-t-on une telle dream team ?

C’est simple : j’ai contacté tout le monde ! J’ai fait attention à n’oublier personne, parmi les gens auxquels je pouvais avoir accès, bien sûr. J’en ai oublié quand même, et je le regrette, je ne voulais fâcher personne. Ceux qui ont refusé l’ont fait pour des raisons qui leur appartiennent, mais se réjouissaient de voir et entendre le résultat. Tout le monde a été adorable et bienveillant. Certains se sont retirés par la suite du projet, faute de temps, ou face à la difficulté de la chanson, ou les deux. Mais en toute tranquillité, sans animosité aucune. Un chanteur avait précisé dès le départ qu’il gardait un droit de regard et se réservait le droit de se retirer si le résultat final ne lui plaisait pas. Mais il n’a pas eu à le faire, puisqu’il s’est retiré avant de m’envoyer quoi que ce soit…

R-2251462-1283011049.jpegDonc on a la chanson, on a les chanteurs, le plus dur est fait. Sauf que chacun doit se filmer et s’enregistrer séparément, avec les moyens du bord. On fait comment ?

Chacun devait chanter la chanson en entier et se filmer. Je leur ai fourni des partitions, mais aussi des fichiers audio d’accompagnement, avec, au choix, le piano seulement, le piano et la mélodie jouée au vibraphone, ou encore d’autres variantes avec les violons joués au synthé. Il fallait évidemment le faire avec le meilleur matériel possible. Problème car tout le monde n’était pas équipé à la maison. Il a fallu trouver des solutions avec les webcams, les téléphones, etc. De leur côté, les musiciens ont ajouté leurs parties. J’avais écrit les parties des violonistes (qui ont joué en fait chacun deux fois, car j’avais écrit deux mélodies pour violon : on entend donc huit violons sur la version finale), mais les autres avaient carte blanche. Claude Schneider, par exemple m’a livré une piste de banjo, puis une piste guitare nylon, puis quelques jours plus tard, il m’a dit que ça serait bien d’avoir en plus du ukulélé sur le deuxième pont ! Pareil pour les autres musiciens, basse, batterie, guitares, clarinette basse, qui s’ajoutent petit à petit au long de la chanson. Mais aucun chanteur n’entendait tout cela en s’enregistrant.

Arrive alors le moment où les romains s’empoignèrent. Chez toi, tu as reçu 40 versions entières de la chanson. Et tu as dû choisir pour chacun deux vers uniquement, et ensuite unir le tout en un ensemble harmonieux. Toi au moins, tu ne dois pas attendre le déconfinement des coiffeurs : tu t’es arraché les cheveux tout seul !

Paradoxalement, plus les chanteurs sont expérimentés, plus c’est difficile de les marier avec d’autres. En effet, plus on a de la bouteille, plus on peut facilement prendre des libertés rythmiques. On reconnaît souvent certains chanteurs à leur phrasé. Donc, le défi a été de marier celles et ceux qui avaient des phrasés similaires, tout en ayant des timbres différents. Plus j’avançais dans la chanson, plus c’était difficile, car j’avais moins de candidats disponibles. J’ai donc dû m’en remettre à mon feeling. Les seuls calculs stricts étaient le nombre de vers dédiés à chacun, pour arriver au final collectif en ayant vu chaque artiste/groupe 2 fois.

Le plus dur a été le final. Pour les raisons exposées plus haut, le final était un vrai bazar, chacune et chacun phrasant à sa façon. On ne comprenait presque plus les paroles. Pourtant chaque version était belle en soi. Mais avec tellement de différences ! J’ai donc pris les ciseaux virtuels pour déplacer beaucoup de syllabes et caler plus ou moins tout le monde ensemble. Là, j’avoue que j’ai galéré. Avec bonheur.

La chanson a été lancée sur les réseaux sociaux dans la nuit de dimanche. L’accueil du public est-il à la hauteur de tes attentes ?

Oui, mais l’est-il jamais ? Les commentaires sont adorables et nombreux, le nombre de vues est impressionnant. Le nombre de partages l’est pour moi encore plus : 2000 personnes ont partagé cette vidéo ! C’est fou. Mais je trouve que ça mérite encore plus, parce que ça a été fait avec tellement de cœur. Espérons donc que l’enthousiasme de ceux qui l’ont découverte soit contagieux.

Fier de toi, au final ?

Fier surtout d’avoir réuni si facilement tous ces gens que j’adore. Et d’avoir, il me semble, créé un genre de communauté d’artistes. Comme si nous avions vécu ensemble un truc inoubliable qui nous lie à jamais. C’est ce qui m’émeut le plus.

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2 Réponses à Confinement : Suisse et (pas) fin

  1. Catherine Laugier 24 avril 2020 à 11 h 30 min

    Quel travail époustouflant ! On s’en rend mieux compte en lisant l’entretien, le résultat ne s’est pas fait tout seul. La personnalité de chacun ressort bien et les duos sont bien couplés tout en respectant les identités. Et lorsqu’on monte en nombre le défi est atteint, sans effet de chorale. Belle expérience humaine et technique !

    Répondre
  2. Tocade 24 avril 2020 à 12 h 33 min

    Très beau…et le partage suisse continue…par exemple sur le site de Sarclo

    Répondre

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