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Richard Martin 1943-2023

Richard Martin Photo de profil Facebook ©Frédéric Stéphan

Richard Martin Photo de profil Facebook ©Frédéric Stéphan (détail)

Le lion est mort. C’est un peu ce que l’on ressent, avec un certain état de sidération, à l’annonce de la mort de Richard Martin, figure emblématique de la culture marseillaise, même pour ceux qui, comme moi, ne l’ont pas fréquenté personnellement. Un pan de la mémoire de Marseille et, modestement, de la mienne. Il fut le fondateur en 1970 du Théâtre Toursky (du nom du poète Axel Toursky, membre des Cahiers du Sud, qui venait de disparaître) dans un des quartiers les plus pauvres de Marseille, Saint-Mauront – après avoir dirigé quelque temps le Massalia, l’ancien théâtre sis rue de Grignan, aujourd’hui à La Friche de la Belle de Mai. Dans l’esprit que l’on retrouvait à l’époque dans les MJC, ou à la création de certains festivals populaires, il pensait que la culture devait être ouverte à tous et était un facteur de progrès humain, une passerelle entre les cultures et les êtres humains, un outil d’inclusion et de tolérance, un ferment de fraternité.

Que ce soit dans le premier lieu, un ancien hangar où je me souviens avoir vu au début des années 80 Lavilliers et Les filles (Mimie Mathy, Michèle Bernier, Isabelle de Botton), au Théâtrobus, ou dans les nouveaux locaux inaugurés en 1990, Richard Martin, comédien, poète, auteur, metteur en scène… s’est attaché à accueillir une programmation tout autant locale que nationale et internationale, dans des domaines aussi variés que le théâtre, l’humour, la poésie, la musique, la chanson, la danse, la peinture et la sculpture…, en découvertes, en créations, en accueil, organisant des résidences, des conférences et des actions, des expositions, des festivals, des rencontres. C’est dans la grande salle de plus de 700 places que j’ai pu applaudir en 2015 lors de la Nuit de la Poésie Jean Duino et Gilbert Laffaille… Radio (Radio-Grenouille), revue (Les archers), universités populaires furent à son initiative.
Passionné, entier, provocateur parfois, il se battait au fil du temps pour faire vivre son Théâtre, d’abord en autofinancement, puis avec l’aide des instances locales… quand elles le voulaient bien. On se souvient de ses grèves de la faim quand on menaçait de lui enlever des subventions, en 1981, 2009, 2019 et encore début 2023.

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Il rejoint au Panthéon de la culture marseillaise Roland Petit, fondateur du Ballet de Marseille en 1972, qu’il dirigea vingt-six ans, ou Marcel Maréchal, qui reprenait Le Gymnase avant de fonder en 1981 le Théâtre National de Marseille La Criée, tous acteurs du renouveau théâtral de Marseille.
Et plus encore Léo Ferré, avec lequel il avait noué des liens d’amitié quasi fraternelle. Bien que n’étant pas de Marseille, Léo, l’autre lion, a influencé la culture marseillaise, présent dès 1971 au Toursky où il créa en 1983 son
Opéra des rats, présent également en 1990 lors de l’inauguration du nouveau Toursky, modernisé et agrandi, dont l’adresse depuis 1995 est Passage Léo-Ferré, et inspirant après sa mort la création du festival Avec le temps en 1998, grand événement printanier alors réservé à la chanson francophone.
En 1994 Richard Martin créait
Poètes vos papiers, lecture en mémoire de Léo Ferré, et depuis le faisait vivre chaque année, comme durant ces temps de compagnonnage, lui même ou invitant d’autres artistes, notamment lors d’une devenue traditionnelle Nuit de l’Anarchie. J’y ai vu dans la grande salle Michel Hermon en 2015 reprenant en piano-voix l’intégrale du spectacle de Ferré à Bobino en 1969, choc artistique pour l’Hermon de 20 ans qui y avait assisté ; et Cali en 2018, sur lequel j’écrivais « Mais imprégné de Ferré depuis tout petit, un jour Richard sera son déclic. Il le chantera tellement vrai, face à Richard Martin, ému aux larmes: « Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles / A certaines heures pâles de la nuit (…) Richard, ça va ?». » 
En 2014 était inauguré l’Espace Léo-Ferré, composé d’une salle plus intime, très adaptée à la chanson (j’y ai d’ailleurs découvert Christina Rosmini), un restaurant et une terrasse, lieu pour lequel Richard Martin s’est battu deux décennies.

En ce moment, le cercueil de Richard Martin est exposé pour quelques jours sur la scène du Toursky. Une page est tournée, avec l’espoir que ce Théâtre restera ce qu’il a toujours été, comme l’annonce son équipe, un lieu de culture ouvert à tous, d’échange et de partage.

 

« Marseille » de Léo Ferré par Richard Martin, M.C Pietragalla, Didier Lockwood, Levon Minassian, Serge Arribas, 2017 Image de prévisualisation YouTube
Soirée « À l’amour citoyens », 2017 Image de prévisualisation YouTube

4 Réponses à Richard Martin 1943-2023

  1. Xavier Cherrier 19 octobre 2023 à 16 h 48 min

    C’était un ami de 50 ans. Un grand homme de théâtre, un grand directeur de salle, et surtout un anarchiste amoureux des gens et de la vie. Ce soir je boirai un bon coup en souvenir de nos joyeux moments.
    Le Xa

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  2. Gilbert Laffaille 19 octobre 2023 à 16 h 49 min

    Un homme de théâtre qui aimait la chanson, un activiste, un véritable agitateur d’idées, donc forcément dérangeant pour les pouvoirs politiques et l’institution culturelle qui n’aime rien tant que le silence des pantoufles. Lors d’un de mes passages au Toursky, il avait organisé une action dans une école des quartiers nord de la ville sur le thème de ma chanson « Dents d’ivoire et peau d’ébène », avec un concours de dessins d’enfants. Plusieurs fois il a mis sa vie en péril par des grèves de la faim. C’était un vrai. Salut et respect, Richard !

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  3. Patrick Vinzelle 19 octobre 2023 à 16 h 51 min

    Grand respect à ce personnage sain et honnête. Ferré en parlait souvent Maurice Frot aussi. Je l’ai malheureusement pas assez rencontré je le regrette.

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  4. Céléguègne 21 octobre 2023 à 9 h 50 min

    J’ai rencontré Richard Martin en 1998, lors d’une manifestation culturelle pour Amnesty International. J’ai chanté une ou deux chansons, il m’avait remercié et dit quelques mots gentils.
    Mais j’ai connu le Toursky en 1992 et j’y ai vu plusieurs artistes : Georges Moustaki (qui laissa sa place et sa guitare à Philippe Forcioli pour quelques chansons), Julos Beaucarne (2 fois), Philippe Val, Romain Bouteille, Michel Bühler, Gilbert Laffaille (2 fois dont celle avec Jean Duino), Natasha Bezriche.
    En 2009, grâce à Bami, un ami commun, j’ai emmené un groupe de jeunes de foyers d’aide sociale à l’enfance visiter le théâtre. C’est Richard qui nous a accueillis, chaleureusement, s’intéressant au parcours de chaque jeune. Il nous a fait monter sur la scène et là, un jeune passionné de rap lui a demandé de dire un texte. Émotion garantie quand Richard a déclamé spontanément « Madame la misère », qui ne pouvait que leur parler…
    Respect pour l’homme et pour l’artiste très attachant, avec, comme tout un chacun, ses doutes et ses paradoxes.

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