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Évelyne Girardon, jolie tradition

Soig Sibéril, Évelyne Girardon et Gilles Chabenat (photo DR)

Au mitan des années soixante-dix, ça se nommait le folk. Nous étions chevelus, barbus, pétris de belles idées… ou non. Nous nous partagions, nous nous querellions même, entre Mélusine et Malicorne, entre réputés puristes et supposés dévoyés. Quand La Bamboche s’électrifia, ce fut autre révolution encore…
« Folk » veut désormais dire n’importe quoi. Suffit qu’une star gratte sa guitare, c’est du folk ; et si ce n’est pas une star, c’est un ringard. Cabrel c’est folk, Sting folk-song, si vous voulez. Les folkeux d’hier se sont rangés d’eux-mêmes dans d’autres vocables à l’abri des fluctuations langagières, des étiquettes trop vite collées, des codes barre. Ils parlent de « chansons traditionnelles », de « musiques trad’ »… De toutes façons ils ne parlent guère, rarement conviés à s’exprimer. Ils sont à la marge. Mais existent et créent, même en pétrissent une pâte tirée d’un lointain passé.

L’une des plus belles figures de la chanson traditionnelle, de la chanson tout court même, est sans conteste la lyonnaise Évelyne Girardon. Elle fut de nombreuses aventures. De La Guimbarde, de la Confrérie des fous (qui, réduit à ses seules cordes, devint Le Quatuor que l’on sait), de La Chiffonie aussi, bien sûr de La Bamboche, puis de Beau temps sur la province ou de Roulez fillettes. Maître chanteuse, elle anime nombre de stages et d’ateliers, y laissant son indéfectible empreinte vocale. Elle est impressionnante.
Sort ce mois de juin son nouvel album, La fontaine troublée. Rien que la chanson-titre nous renvoie à La saison des amours de La Bamboche, en 1978, justement l’album qui a vu l’arrivée d’Évelyne Girardon dans cette formule « électrifiée » d’un groupe auparavant « acoustique ». Là, la chanson est croisée avec une autre, Tizen tizen, venue de Kabylie (on se souvient qu’Évelyne Girardon avait, en 2009, croisé son chant avec celui de l’irakien Fawzy Al-Aiedy, sur l’album Noces-Bayna). Il y a en Girardon l’infini respect de ces trésors de la tradition orale. Et plus encore le soucis d’un chant audacieux qui s’en va trouver d’autres arrangements, d’autres déclinaisons. Pas pour la performance vocale, non, mais pour le plaisir du chant : le sien auxquelles viennent d’additionner les voix de Soraya Mahdaoui, Cécile Bach et Marion Soulette. Évelyne Girardon : « Après toutes les expériences musicales à capella, pour l’essentiel polyphoniques, poussée par mes amis(e)s musicien(ne)s, voici un nouvel enregistrement. C’est une nouvelle expérience, que j’avais laissé de côté, tant la polyphonie vocale absorbait mes envies de créations. Je suis incorrigible… Quelques polyphonies sont là aussi… Sont donc présentes les chansons traditionnelles qui m’accompagnent, et aussi, quelques autres, plus personnelles, croisant des musiques amies et les textes des poètes que j’aime. »
Traditionnel (chansons qui nous parlent encore beaucoup d’amour), création personnelles (Le bel après-midiLes jours nous poussentLe dompteur de fanfare, tous trois sur des musiques de Jean Blanchard), monodies et polyphonies, partage de cultures, ce bel album est la somme de ce qu’est Évelyne Girardon, femme généreuse qui donne de la voix en conjuguant au présent une part de notre passé. Tout chez elle est remarquable : ça devrait être remarqué.

Évelyne Girardon, La fontaine troublée, 2011, Compagnie Beline/L’Autre Distribution (sortie nationale le 15 juillet mais dès ce mois de juin pour les souscripteurs). Le site d’Évelyne Beline Girardon, c’est ici.

2 Réponses à Évelyne Girardon, jolie tradition

  1. joan 10 juin 2011 à 19 h 55 min

    Il est terrible que nul espace médiatique significatif ne soit réservé à ces perpétuateurs créatifs et non serviles des racines tradis de la chanson de France, alors que la muzak sans mémoire abonde sur les ondes.
    Peut-être ce type de musique de terroir est-elle considérée comme quasi pétainiste de nos jours ? Malicorne signerait -t-il un contrat à notre époque ?. Non sans doute…
    La scène tradi est très attachante: elle se déploie dans des petits circuits, mais très fidéles; sa grande force est d’être exportable, bien plus que tous les Obispo ou Raphael du coin-coin des variétés comme dit le Canard; maints tradis se produisent à l’étranger; ici, un de nos troubadours provençaux, Renat Sette s’est baladé en chantant jusqu’en irlande; les Bretons s’exportent bien aussi. Ce qui prouve que plus on est enraciné, plus on est universel.

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  2. Suzanne Porcherot 14 juin 2011 à 15 h 03 min

    Merci beaucoup pour cet article Michel, qui fera chaud au coeur d’Evelyne qui se considère comme un artisan qui peaufine pas à pas son travail.
    Un petit détail : son travail est peu reconnu dans le milieu Trad actuel, qui la programme peu si ce n’est à Correns cette année(Chantier) , mais vous ne la verrez pas sur scène dans les festivals trad (Ars, Nouveau Pavillon, Parthenay, Pavie, Lorient, Hautes Terres …). Même pas là donc. L’étendard y étant souvent « les nouvelles musiques traditionnelles » et même si c’est ce qu’elle fait depuis des décennies, nous avons du mal à diffuser ses concerts et spectacles. Et peu à l’étranger, Joan, car chanter du français est peu exotique. On croise les doigts et soutenons cette artiste pour la suite à cet album.

    Le lien sur la page de Noces Bayna ne marche pas mais renvoie à cet article, ce qui n’est pas un souci… Mais ce serait sympa pour Fawzy que ça fonctionne.

    Bien fraternellement et merci encore à ce blog.

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