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Dominique A : attention fragile !

dominiquea-lafragiliteJ’aime beaucoup Dominique A. Tout d’abord pour une raison pratique : tous mes CD étant rangés sur des étagères par ordre alphabétique, je mets à chaque coup très facilement la main sur ses disques (ils sont juste avant ma compil d’Abba !). Gain de temps appréciable. Et puis, je l’aime aussi pour son immense talent, qui le fait placer sur les premières marches du podium de la chanson française. Auteur inspiré, compositeur émérite, chanteur au grain de voix immédiatement reconnaissable, explorateur sans relâche de la chanson, au jeu de scène sobre et jamais démago… Faut-il encore en rajouter ?

2018 est un millésime marquant pour lui, puisque ce ne sont pas moins de deux CD qui sont venus en cette année garnir les bacs des derniers disquaires. En mars était ainsi sorti Toute latitude, disque rock aux sonorités electro, brut, froid, pas immédiatement aimable, où les mélodies marquantes étaient denrée rare et l’émotion en berne. Un album qui n’avait qu’à moitié convaincu, d’autant qu’il succédait au pur chef-d’oeuvre de 2015, Eleor, tout en lyrisme et orchestrations amples.

Le deuxième volet de ce diptyque est paru voici quelques semaines. A mille lieues du précédent, comme il se doit avec Dominique A, qui semble – à l’instar d’un Bashung – toujours construire un nouvel album en réaction à celui qui l’a précédé. Dès lors, après les batteries et boîtes à rythme, place à la guitare acoustique, clé de voûte de La fragilité, secondée ça et là par un orgue aérien, une basse discrète ou une nappe de synthé. Entièrement écrit, composé, joué et enregistré par notre nantais favori, c’est un album d’un romantisme assumé, qui distille une émotion pure, un bien-être tranquille, un sentiment de paix salvateur.

Le disque débute par La poésie, une manière de profession de foi pour nous convaincre de sa nécessité (La poésie s’en est allée / Il nous a fallu quelques jours / Pour être moins aveugles et sourds / Et trouver / Que l’air était un peu plus lourd / Nos épaules un peu plus rentrées). De quelle plus belle entrée en matière aurions-nous pu rêver ? La suite sera à l’avenant, la beauté des textes, si simples en apparence, faisant écho à l’épure des orchestrations. Deux thèmes parcourent l’album : la nature et le temps qui passe. Nature qu’on domestique et abandonne (Dans le grand silence des campagnes), nature aux vertus purifiantes (Comme au jour premier), nature qui se venge de nous (Le soleil)… Le temps quant à lui, traverse toutes les chansons, prenant les atours de la nostalgie d’un bonheur passé (La splendeur), de la sérénité de la maturité (Le temps qui passe sans moi), de l’aboutissement d’un long voyage (Beau Rivage), de la survie à la folie des hommes (Le ruban). Chez Dominique A, les années qui s’écoulent sont nos alliées, et quand sonne l’heure de prendre La route vers toujours, ni cris ni pleurs ne sont de mise.

Le disque s’achève comme il a commencé, en délicatesse, sensibilité et poésie, par la chanson éponyme, antidote bienvenu aux discours virils et triomphants (Chaque jour cherche à t’arracher / Ce que tu as de plus précieux / Ce qui te fait garder les yeux / Ouverts : ta fragilité). Comme une flamme de bougie trouant vaille que vaille l’obscurité ambiante.

La fragilité est à ranger parmi les plus beaux disques de cet artiste majeur qu’est Dominique A. On serait certes en droit de trouver que le parti-pris de dépouillement plombe un peu l’ensemble. Mais quiconque est disposé à se laisser aller à cette langueur folk ressortira de son écoute le cœur apaisé et l’âme sereine. Pourquoi s’en priver ?

 

Dominique A, La fragilité, Cinq7/Wagram, 2018. Le site de Dominique A, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Le temps qui passe sans moi Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Dominique A : attention fragile !

  1. Floréal Duran 10 novembre 2018 à 13 h 44 min

    Il a creusé un beau sillon et album après album ne perd jamais sa veine poétique, amoureuse, musicale. Voilà un artiste qui chante des vraies chansons, qui à l’instar de Claude Nougaro réconcilie le rythme, la musique avec des textes.

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  2. Pol de Groeve 10 novembre 2018 à 13 h 44 min

    Entièrement d’accord. Pour moi, il est parmi les plus grands. Son oeuvre est considérable et d’une cohérence exemplaire, accessible mais jamais facile. Quand on me dit qu’il n’y a plus aujourd’hui de chanteurs de la taille d’un Ferré, je revoie toujours à Dominique A !

    Répondre

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