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Philippe Léotard « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »

LEOTARD chante Ferré 1994Tout est affaire de décor, changer de lit, changer de corps
À quoi bon puisque c’est encore, moi qui, moi-même, me trahis
Moi qui me traîne et m’éparpille et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles, où j’ai cru trouver un pays
Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd, le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours? Que faut-il faire de mes nuits?
Je n’avais amour, ni demeure, nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur, je m’endormais comme le bruit
Est-ce ainsi que les hommes vivent?
Et leurs baisers au loin les suivent

Philippe Léotard (28 août 1940 – 25 août 2001)

Poème d’Aragon mis en musique par Léo Ferré. Extrait de l’album « Philippe Léotard chante Ferré » 1994

Léo Ferré a retenu les sept dernières strophes du poème « Bierstube Magie allemande » (Le roman inachevé, 1956) pour cette chanson qu’il enregistre en 1961 dans son album « Les chansons d’Aragon chantées par Léo Ferré », également au programme du Récital à l’Alhambra, enregistré en vinyle la même année. (Figure dans le CD 21/22 Enregistrements publics paru en 2013 chez Barclay)

La même année elle est enregistrée par Catherine Sauvage dans un album multi-artistes « Chansons d’auteur » avant d’être reprise en 1963 dans son album « Chante Aragon ». On peut l’entendre ici enregistrée à la télévision en 1968. Yves Montand la chante en 1962 en Récital au Théâtre de  l’Etoile, enregistrement qui fait l’objet d’un Vinyle en 1963 produit par Jacques Canetti. Bernard Lavilliers la reprend en 1980 dans son album vinyle O Gringo, puis dans la plupart de ses concerts et de nombreux CD et DVD successifs.

Ce poème /chanson  oppose l’innocence de Lola « Elle avait un cœur d’hirondelle sur le canapé du bordel » et son environnement cru et sans pitié. La cruauté de la guerre 14-18 en toile de fond n’y est évoquée que par quelques phrases sobres, avec le détail de cet « artilleur de Mayence » qui n’en est jamais revenu. Louis Aragon s’est placé du côté allemand, alors qu’il était mobilisé jusqu’en juin 1919 en Rhénanie occupée, et trouvait du réconfort dans la fréquentation des bordels. Ce qui n’est à l’origine qu’un fait divers sordide et tragique en acquière une portée universelle, une réflexion sur la condition humaine, et féminine.

Il y a tout juste vingt ans Philippe Léotard échappait à la vie à trois jours de ses soixante-et-ans. 

Philippe Léotard, d’abord professeur de lettres et de philosophie quelques années, grand amateur de poésie, a co-fondé le Théâtre du Soleil avec Ariane Mouchkine. Comédien, puis acteur avec François Truffaut, René Vautier (Avoir vingt ans dans les Aurès), Claude Lelouch (Le chat et la souris), Yves Boisset (Le Juge Fayard dit « Le Shériff »), Bob Swaïm (La Balance, pour lequel il obtient le César du meilleur acteur en 1983), Claude Berri (Tchao Pantin), il continue sa carrière cinématographique jusqu’à la fin des années 90.

En parallèle en 1990 il se lance dans la chanson avec l’accordéoniste-compositeur Philippe Servain. En voix chantée ou parlée, il écrit ses textes  (A l’amour comme à la guerre, 1990), chante Tout ça pour ça du film éponyme de Lelouch, interprète Ferré en 1994, dit Lautréamont, Brassens… Ses albums sont récompensés du prix Charles-Cros, du Grand prix des poètes de la Sacem en 1997. Hypersensible, déchiré, auto-destructeur, il fait partie de ces Naufragés chantés par Cyril Mokaiesh et contés par Bertrand Dicale, et sa voix de plus en plus cassée, comme celle d’Allain Leprest, générait toujours l’émotion, levait les poils, mouillait les yeux. Ses derniers mots sont ceux de l’album « Je rêve que je dors », 1996, où la chanson Lonesome Piéton résume sa destinée brûlante et tragique, « Je suis seul dans la ville / Et c’est encore de moi / Qu’il faut que je m’en aille / Je sauterai de ma vie / Comme d’un train en marche ». Et en 2000 Demi-mots amers où s’invitent Rimbaud, la magnifique Complainte Corse d’A Filetta – il a des ascendances corses et Verrà la morte est un testament – et l’incroyable satire anti militariste Ancien Combattant adaptée par Casimir Zoba. 

« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » 

Une réponse à Philippe Léotard « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »

  1. Joël Luguern 27 août 2021 à 0 h 25 min

    Le titre exact de la chanson de Philippe Léotard est
    « je rêve que je dors »,
    ce qui correspond tout à fait à son état d’esprit, à sa façon de voir la vie.
    Si mes souvenirs sont bons, c’est Pierre Barouh qui lui a mis le pied à l’étrier de la chanson. En 1990.

    Répondre

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