Morice Bénin « Tout va mâle et femelle »
Avec une gueule à peu près correcte
des théories et l’air d’y croire
En t’entourant d’une belle femme à peu près muette
Je veux dire, qui d’elle ne parle pas
Pour corser le tout, l’air de tout savoir
mi-bricoleur mi-cérébral
une analyse à peu près logique
sous les oppressions collectives
Hé
Tout va parfaitement bien
Tout ronronne à sa place !
Morice Bénin
Paroles et musique : Morice Bénin. Extrait du vinyle Passage, face A, 1979.
Après Rassurez-vous monsieur de Pauline Julien (1974), encore un titre qui chante toujours autant d’actualité. Rappelons que les deux ont été composés à l’époque du « renouveau radical des mouvements féministes1 », peu avant les écrits de bell hooks (nom de plume de Gloria Jean Watkins, découverte en français seulement récemment). Pourquoi invoquer une autrice noire-américaine ici, et anachronique qui plus est ? Parce que bell hooks comme Morice Bénin replacent le curseur « féministe » sur le nœud du problème : les structures patriarcales (« les oppressions collectives ») qui faussent les relations homme-femme et mènent aux violences.
Décennie militante, rappelle le coffret EPM dédié au chanteur (Je chanterai après ma mort) : dans cet album de Passage, dans lequel ce morceau vient originalement se caler entre une ode-calembour à la femme (Uni vers celle) et un tango vache (Les aventures bovines de Paralal et Marginelle), les chansons viennent titiller avec un bon soupçon d’humour d’autres sphères que les féminismes, d’autres « oppressions collectives »… et intimes, tout en créant d’intéressants échos : Lucifer, face B, en est un à Tout va mâle.
Ce que Nos Enchanteurs a déjà dit de Morice Bénin, c’est par là.
1 Histoire mondiale des féminismes, Florence Rochefort, Que sais-je, 2018.
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