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Camerlynck, la bosse du bonheur

Cette « émotion » de scène a presque six ans. C’était salle des Rancy, à Lyon, lors de feu le festival L’Appeau des Mots. Mais ce serait pareil maintenant. Camerlynck ne théâtralise pas pour faire bien, pour faire différent : il est simplement acteur bouleversant dont les textes sont chansons.

Christian Camerlynck, aux cent mille vérités (photo DR)

Archive. Le premier titre de Debronckart que Camerlynck ait un jour osé interpréter est Je suis comédien. Et ça lui va bien à Christian Camerlynck, artiste qui a l’humilité de n’être qu’interprète. Chacune de ses chansons est rôle nouveau : il est comédien. Ses scènes à lui, délicat ébéniste du mot qu’il ajuste à sa voix, sont planches. On se prépare à un récital mais c’est déjà autre chose, une façon différente d’exercer son métier de chanteur. Il est, entre tous, atypique. Et impressionnant. D’amples habits couvrent sa carrure conséquente. Au gré des jeux d’ombres et de lumières, la silhouette est émouvante, majestueuse. Corps imposant et mains calleuses gesticulent, font comme chorégraphie ; la masse fait étonnante légèreté.
Camerlynck revisite, sur scène, les fantômes de ses théâtres, les coulisses de sa mémoire. On y parle d’enfance, de maternité même, issue fœtale vers la vie. On y est transporté en divers lieux, Comme à Ostende ; on y rencontre ses amis, souvent disparus mais pas tous ; on y célèbre la femme et, plus encore, l’amour et les vérités, celles restant à dévoiler : « Je cherche ma vérité / Je rejette en bloc toutes les définitions de ma féminité / J’ai cent mille vérités / Je découvre mon corps / Je caresse mes rides / Je touche ma vérité. » Rien de ce qu’il chante n’est là par pur hasard, rien n’est anodin : l’homme est engagement qui parle à nos consciences.
Penché le long du long piano noir, assis ou foudroyant l’air de ses gestes, l’artiste fardé n’est pas en concert. À peine en représentation. Il vit intensément, passionnément, les rôles se bousculant en lui qui, au bout du compte, ne font qu’un. Il est masculin et féminin à la fois, difficile partition mais « Comment avoir la part des êtres dans un monde qui ne fait que la part des choses ? » Camerlynck apparaît solide comme un roc, grand et fort comme le plus beau des chênes. D’ailleurs, son pianiste et complice se nomme Roseau… Mais c’est la fragilité qui le caractérise sans doute le mieux. Le moule doit être cassé, car de tels artistes interprètes n’existent plus, ou plus beaucoup : Camerlynck est d’une autre époque, d’un rapport différent. Vieux et… terriblement moderne à la fois. Il nous chante Sillano, Lohé, Mouron… Raymond Asso aussi, par Tout fout l’camp : « Et, là-haut, les oiseaux / Qui nous voient tout petits, si petits / Tournent, tournent sur nous / Et crient aux fous, aux fous. » Cette voix, qui parfois fait songer à Mouloudji, ce corps, tout est émotion… Sur un texte de Jean-Louis Caillat, il nous fait Bosco. Qui fait le beau, qui aime sa trapéziste. Clown difforme, lumineux d’amour : « Le chapiteau est en liesse / A me voir laid le monde est beau, quelle adresse / Touchez ma bosse mes seigneurs, c’est du bonheur. » Ça l’est effectivement. C’est touchant. Car, une fois encore, c’est tout un être qui chante, un « corps-voix ». Tiens, comme le label qui signe sa vie artistique. On ne peut trouver meilleure définition pour cet homme d’exception, de totale fulgurance.

Le myspace de Christian Camerlynck.

Une réponse à Camerlynck, la bosse du bonheur

  1. CAMERLYNCK 4 janvier 2011 à 17 h 16 min

    Merci Michel pour ce rappel. Je te tiendrais au courant des suites.
    Bonne année à toi. J’ai acheté ton livre et je l’emporte avec moi au Honduras où je pars avec Laurent mon mari pour quelques mois.
    Je t’embrasse

    Répondre

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