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Emprunts de Lavilliers : le Prévert de « QHS »

"Nous dormons dans des cages / Et nous tournons en rond" (photo DR)

Sans tapage excessif (tant il est vrai que la presse, en sa presque totalité, fait toujours silence sur cet ouvrage) le livre Les Vies liées de Lavilliers (aux éditions Flammarion) vit tranquillement sa vie. Le bouche à oreilles est, on le sait, son véritable moteur.
Et souvent l’occasion, pour moi, de recevoir des messages de lecteurs qui apportent leur pierre à l’« enquête ».
Ainsi Emmanuel G., de La Rochelle, qui me dit : « Je viens d’achever le chapitre « Mémoire particulière » et suis surpris de constater une absence, celle de Prévert et de son poème « La belle vie » ».
Il en manque, certes. Qu’on découvre ainsi, à la faveur d’échanges. Encore un de Prévert, donc ! Parmi les « ressemblances caractérisées » qui parsèment l’œuvre de Lavilliers, on connaissait déjà la chanson « Ma belle » qui emprunte au poème de Prévert « Tu m’as quitté ». Ainsi que « Noir et blanc » qui s’inspire du poème « L’effort humain ». Voici « QHS » dans lequel on retrouve une part de la substance du poème « La belle vie ». Qu’on en juge :

« On n’est pas à plaindre
On est à blâmer
On s’est laissé prendre
Qu’est-ce-qu’on avait fait
Enfants des corridors
Enfants des courants d’air
Le monde nous a foutus dehors
La vie nous a foutus en l’air
(…)
Nous dormons dans des cages
Et nous tournons en rond
Sans voir le paysage
Sans chanter des chansons »
La belle Vie – Jacques Prévert
(ce poème a été mis en musique par Joseph Kosma ; il a été interprété entre autres en 1951 par Juliette Gréco)

La chanson de Lavilliers, à présent :

« C’est l’hiver et nous tournons en rond
Sans rien faire sans chanter de chansons
Au fond des corridors
Enfants des courants d’air
Au-dessus du grillage on voit
L’arrogance de leurs armes, tu vois
Je ne suis pas à plaindre crois-moi
On s’occupe de moi
(…)
Je suis un enfant perdu
Je suis dans les nuages c’est vrai
Ici rien n’est réel tu sais
Peut-être qu’on ne se réveille jamais
Mais qu’est-ce qu’on avait fait »
QHS – Bernard Lavilliers

Emmanuel commente, dans sa lettre : « Lavilliers me ferait penser à Picasso, véritable éponge et qui prendrait pour base de travail différentes oeuvres du patrimoine mondial. Dommage qu’il n’en fasse pas mention… »
Ce qui n’empêche pas Emmanuel de rendre, au passage, un bien bel hommage au Stéphanois de la chanson : « Quant au côté mytho de Lavilliers, heureusement qu’il l’a ! Il nous a ainsi offert un véritable personnage de la chanson française, unique en son genre ! Et je n’oublierai pas l’importance qu’il a eue dans ma vie ! Ado, venant d’un milieu ouvrier, j’avais honte de mes origines, bien aidé dans cela par les remarques acerbes d’enseignants ou autres personnes malveillantes qui ne se gênaient pas pour vous rappeler vos origines. Jusqu’au jour où j’ai découvert Lavilliers. Ce type a redonné dignité au monde ouvrier ! Sans parler du Brésil, si j’ai aujourd’hui passion pour ce pays et y ai beaucoup d’amis, c’est grâce à Nanard ! »

9 Réponses à Emprunts de Lavilliers : le Prévert de « QHS »

  1. ben 20 avril 2011 à 8 h 09 min

    Bonjour, j’avais vu un autre article qui parlait des emprunts de Lavilliers sur votre blog. J’avais été sidéré par les commentaires de personnes qui se sentaient trahies quelque part. Chacun des mots que nous prononçons, chacune des notes que nous poussons l’a été par quelqu’un d’autre. Lavilliers fait autre chose d’un matériau pré existant, c’est à mes yeux (de petit mouton myope) toute la différence entre le plagiaire et le créateur (re-créateur).Tels les stones recyclant Chuck Berry, prolongeant l’oeuvre, en en faisant autre chose. C’est vraiment le cas pour « Noir et blanc », et que Lavilliers soit parti d’un assemblage de mots pré existant n’enlève rien à sa paternité.

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  2. ROBLIN 20 avril 2011 à 8 h 39 min

    S’inspirer ce n’est pas copier ni coller ! S’inspirer c’est transcrire l’émotion par les mots de ce qu’on a aimé et ressenti ! Lavilliers est de cette trempe, celle des gens qui ressentent profondémment les choses et savent les exprimer ! je me fiche de savoir si à la virgule près une phrase de Pierre POL ou Jack a pu être retranscrite, ce qui compte c’est l’ensemble, ce qui est dit, ressenti et compris ! Salut Maître Bernard Lavilliers, tu es un vrai poête ! Toute mon admiration !

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  3. joan 20 avril 2011 à 9 h 05 min

    C’est fou cet aveuglement pour une « idole » ! C’est un phénomène classique observé dans les sectes ; on aura beau fournir toutes les preuves des fraudes et des manipulations du gourou, pas moyen : les dupes continueront toujours contre toute évidence à louer l’idole et même à trouver des justifications transcendantales à ses menteries !
    Bien sûr que Nanar l’alchimiste transmute en or et en royalties ces « emprunts » (du large), que « QHS » est une superbe chanson, mais la malhonnêteté demeure qui consiste à ne pas citer ses sources.
    Et après Lavilliers ose déclarer, à propos d’hadopi : « Les gens n’ont pas le sentiment de nous voler ! »

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  4. claude vlerick 20 avril 2011 à 9 h 52 min

    Je voudrais encore une fois marquer mon complet accord avec Johan.
    C’est clair que je suis de ceux qui ont été floués.
    Le 9 juillet 2010, j’écrivais encore, dans mon blog, le texte suivant :

    Fin 1976.
    Je sus tout de suite que j’avais affaire à un personnage d’une autre envergure que les autres chanteurs politiques à la mode (même François Béranger, si sincère, déjà décédé, vous ne le savez peut-être pas non plus ?).
    Je sus que lui « resterait » à cause de son ton tranchant et de l’expérience immédiate qu’il véhiculait. Qu’il ne rabâchait pas du théorique…
    La façon dont il « déménageait » dans ses concerts… Mais, ça, vous ne le verrez sans doute plus jamais…
    L’âge…
    Je restais à l’écart des mouvements de foule…, mais j’étais quand même médusé.
    .
    Bourgeois adolescents aux mythes ouvriers
    Militants acharnés de ce rêve qui bouge
    Qui serez un beau jour de gauche bien rangés
    Tricolores et tranquilles la zone c’était rouge
    Les Barbares.

    C’était plutôt comme il inférait une ligne (notamment politique) à partir de la vie quotidienne qui m’en imposait.
    **************************************************

    Pour les emprunts, il me semble que trop, c’est trop.
    Je remarque en outre que tout le monde discute maintenant de la créativité du personnage et plus du tout de sa signification politique…

    « Tu voudrais dénoncer tu magouilles », disait-il… Faut oser…

    Ailleurs, il avoue peut-être, en se projetant sur Jim Morrisson :

    Les hommes d’affaire viendront faucher mes dents en or
    Qu’ils revendront à mon fan club au prix très fort
    Je suis qu’un produit un tapis de dollars
    Je suis qu’un paumé cynique et dérisoire
    Je suis qu’un bouffon planqué sous mes paillettes
    Je ne suis qu’une chanson qu’on presse et puis qu’on jette

    Répondre
  5. Oulion 21 avril 2011 à 9 h 27 min

    A tous les intervenants sur ce site

    « La critique est comme la philosophie et l’histoire une espèce de roman à l’usage des esprits curieux et tout roman, essai, à le bien prendre est une autobiographie.

    Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu d’un chef d’œuvre. Il n’y a pas plus de critique objective qu’il n’y d’art objectif et tout ceux qui se flattent de mettre autre chose qu’eux-mêmes dans leurs œuvres sont dupes de la plus fallacieuse illusion.
    La vérité est qu’on ne sort jamais de soi-même.
    Nous sommes enfermés dans notre personne comme dans une prison perpétuelle. Ce que nous avons à faire de mieux, ce me semble, c’est de reconnaître de bonne grâce cette affreuse condition et d’avouer que nous parlons de nous-mêmes chaque fois que nous n’avons pas la force de nous taire. »
    Anatole France

    Répondre
  6. léo 21 avril 2011 à 10 h 19 min

    Evidemment, mes chers amis, si l’on fait appel aux grands auteurs… :
    je propose que l’on reste dans le quotidien…

    J’ai le temps nécessaire, juste le temps de rentrer ma prière au fond de ma gorge et d’aller me gargarisant de blasphèmes. Rien ne vaut rien. Aucun homme ne vaut aucune peine. La prière, qu’elle monte d’un matin froid, dans une église banale, ou qu’elle exsude d’une machine à musique est une horreur d’indigence. De Gaulle, Paul VI, Einstein, Sartre, Vartan, Brassens, Jazy… qu’est-ce que cela veut dire? Sartre dit que la littérature vacille devant un homme qui a faim. Mais tout vacille, même devant l’homme repu. Alors? Alors, crachons sur les idoles, de toutes façons. J’enrage à la pensée d’imaginer un homme se prosternant. Je me prosterne devant l’amour, tout juste. J’aime sans plier jamais. On parle aujourd’hui des « idoles » comme s’il s’agissait de calmants, d’excitants, de « gadgets » de parapluies, de remèdes enfin contre l’ennui, les maux de dents, les allocations familiales…
    Ça ne va pas? Achetez-moi donc l’idole du jour, de l’heure, le dernier disque de Machin, et tout ira bien. Écoutez Europe 1 et vous saurez tout de cette nouvelle sociologie de l’adoration.
    Dans un café, à Lyon, la fille de la maison me dit sans rire : « Mon Johnny ».
    C’est ici que je touche à la seule vérité de l’idolâtrie contemporaine…

    :=:

    Le mec que tu regardes, c’est de l’illusion.
    Demain, c’est la mort figurée. On vous la vend, cette mort figurée on vous vend cet artiste pâli sous des projecteurs réglés, soumis. On vous vend par petits paquets, par petits fauteuils, à des prix acceptables, un artiste qui s’est vendu pour un prix accepté.
    L’argent c’est le sourire du désespoir.
    Demain ,c’est aussi le désespoir.
    Alors, Demain tu seras riche, mon camarade.
    Car ce que je te donne n’a pas de prix.

    Léo.

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  7. berla 21 avril 2011 à 11 h 46 min

    perso, les « empruntés » prévert et les autres me laissent à peu prés indifférents alors que l’emprunteur me fascine depuis toujours.

    si j’apprenais un jour que TOUS les textes et TOUTES les musiques de lavilliers sont pompés ENTIEREMENT ça ne changerait rien pour moi, je m’en fous !

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  8. léo 21 avril 2011 à 13 h 36 min

    Allez Berla,
    je ne me serai pas réveillé pour rien quand même,
    un effort !
    Comme dit si bien mon fiston Bernard :
    N’APPARTIENS JAMAIS A PERSONNE…
    A PERSONNE !
    Léo.

    Répondre
  9. Philippe 22 avril 2011 à 9 h 12 min

    Bonjour,
    Peut-on savoir qui se cache derrière le pseudo « Oulion »
    S’agit-il de notre Grand Fauve d’Amazone, auquel cas ça serait la 1° réaction du principal « Accusé ». Pourrait-on en savoir plus ?
    Merci.

    Réponse : Au vu de l’adresse e-mail, au vu du contenu du message aussi, j’ai cru comprendre qu’il s’agissait du grand-frère de Bernard : Jean-Claude, un de mes (presque) voisins (douze bornes à vol d’oiseau) que je salue ici. A ce que j’en sais, Bernard n’a pas lu et n’aurait aucune intention de lire « Les Vies liées de Lavilliers ». Pas plus qu’il n’aurait lu les deux précédents ouvrages sur lui, ceux de Dominique Lacout et de Gert-Peter Bruch. Mais encore moins celui-ci, sorte de miroir qui lui est tendu et peut, malgré la tendresse de mon propos, lui être désagréable. Sachez aussi que, de manière directe ou indirecte, nombre de proches de Bernard Lavilliers se sont manifestés à moi depuis le sortie du livre. Mais pas le principal « intéressé » (pour ma part, je ne dirais pas « accusé »). MK

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