CMS

Jourdaà, trois dimensions d’humanité

Jourdaà à la MJC Venelles  2022 ©C Laugier

Jourdaà à la MJC Venelles 2022 ©C Laugier

10 novembre 2022, MJC Allain-Leprest à Venelles

Avoir tous les talents, ce n’est pas forcément un atout dans le chobiz. On ne sait pas dans quel tiroir vous ranger, auprès de quel public vous promouvoir, et après les traditionnelles questions, Est-ce qu’il est connu, Qu’est-ce qu’il fait comme musique, vous restez à vous demander comment répondre à la légitime interrogation de votre interlocuteur.

JOURDAÀ_20221119_193749027.MP ©C LaugierJourdaà gagne à être connu. D’abord par son talent, ensuite parce que pour un programmateur, c’est le Graal. Pensez, payer un seul artiste pour avoir un chanteur, un champion de slam, un poète, un comédien, un danseur, un acrobate.
Mais ce serait un peu court pour définir un artiste capable de renouveler en permanence son seul en scène. « Je suis tout, et son contraire », s’est-il présenté, captant immédiatement l’attention du public. Dans ce spectacle, plusieurs titres non entendus à Avignon, revisités de son album
Le dinosaure (2009) – avec la chanson titre en rappel – flingué en vol par un souci de santé. Qu’à cela ne tienne, il revient avec ses exercices d’équilibriste d’autant plus remarquables, sur un ingénieux tabouret à bascule conçu par un non moins ingénieux ami architecte, assis, debout, couché en une ligne qui nous sert d’horizon, de repère. Une prestation qui n’a rien de gratuit et renforce l’émotion ressentie dans ses chansons. En équilibre sur un fil, un danseur qui reprend du hip-hop l’expression corporelle qui traduit celle de l’âme, le piano jazz épuré en une performance dite, chantée, exprimée par le corps tout entier, « habillé du panache de ma chair sous la lune », des mains-oiseaux, aux pieds qu’il nous dévoile après un savant strip-tease combiné à un exercice de prononciation, Chanson sans chaussures. Avec une bande son qui fait partie de la mise en scène, sortie du phonographe, sous les lumières ocres et violettes.

JOURDAÀ_20221119_200653537.MP ©C LaugierIl y a de l’humour, une poésie déchirante, « Il faudra que je racle / La gorge du papier », de la philosophie dans sa vision du monde, des gens, qu’il regarde avec empathie, l’animal humain, l’enfant à qui on dit de rester tranquille au lieu de gambader comme tout petit qui apprend, celui qui rêve sur une mer d’immondices, en une épique épopée qui tangue et valse en rond, Momo, la tête pleine de vent, qui veut vivre comme une rose, et une poupée, une qui ne dit pas non, qui est-elle, la donzelle, et ses rêves envolés « Elle bat d’une aile et tout chancelle »… Et, pour elle, accordant sa guitare - « Si on s’accordait entre nous / Il y aurait moins de désaccords ».

L’Halloween s’est mué en un thriller burtonien inquiétant « Quelle est cette ombre étrange qui glisse dans la nuit », faisant monter le suspense « Ils jouent avec la mort en chantant des chansons dans les maisons voisines / Ils balancent des sorts / Sous une pluie de bonbons » jusqu’à soulever l’inquiétude : « Mais où sont les enfants… ». Scénariste autant que comédien, la chute en sera drôle, on retrouvera les enfants « Bouffis d’indigestion » d’avoir mangé trop de bonbons. Nous sommes promenés au cœur des émotions, la peur, le désir, la joie, l’inquiétude, le plaisir, la tendresse. Et le Big Mike « Il micmac / De la came pour les keufs / De la meuf pour les bofs » prend des allures de héros de Scorsese, avant, humour oblige, de virer au Micro Mike, le petit gigolo.

JOURDAÀ_20221119_195245676.MP©C LaugierSi certains slameurs disent d’un ton uniforme, lui vous prend immédiatement dans la ronde du temps, tic tac, ah le temps, haletant au gré de ses mains qui font les aiguilles, souvenir de « cette pendule en plastoc au mur de la clinique ». Les mots dansent, les sons claquent, les gestes parlent comme un chansigne. « Ah le bonheur d’être ici avec vous dans cet instant précieux ». Chaque chanson, chaque dit, est un court métrage, ambiance cabaret, où remonte la solitude « je cherche une gare, un port, une porte, un regard… ». La poésie est présente dans ses interrogations sur le monde , « Tu cours après quoi ? Une épaule (…) un berceau (…) quelque chose qui vaille de rester quelque part / sur la terre », ses chansons d’amour, « Comme une rose qu’on décapite / Et qui se jette au pied d’un pitre », la sensualité se fait peau à peau, dans les quatre éléments, le goût de l’eau, un embrasement poétique, « Ton ventre un soleil noyé d’infini ». C’est beau comme du… à quoi bon chercher, comme du Jourdaà.

Le site de Jourdàa, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là

Extraits du spectacle à La Loge à Toulouse le 7 juin 2019 (accompagné au piano par Frédéric Schadoroff) Image de prévisualisation YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives