Jeanne Côté, « trempée dans l’écume et l’écho »
Jeanne Côté Photos ©Alexandre Cotton
Oh, un album qui donne spontanément envie de fredonner – que l’on réserve la chansonnette à son pommeau de douche ou non ! Oui, c’est l’effet que me fait et me refait (tout entêtant qu’il est) le tout premier album de Jeanne Côté, autrice-compositrice-interprète des rives du Saint-Laurent, sorti ce 27 janvier.
Nourrie à la chanson avant même d’être née (maman musicienne, papa directeur du Festival en chanson de Petite-Vallée en Gaspésie), la chose ne l’a pas laissée indemne : toute jeune, elle fait secrètement ses armes sur le piano familial alors que sa sœur est à l’école ; et ado, la voilà qui se frotte à l’art de la chanson aux côtés du parolier Nelson Minville et du chansonnier Patrice Michaud. Ses parents qui écoutent et réécoutent Daniel Lavoie (entre autres) la laissent avec de saines hantises. En 2019, une chanson s’écrit, doucement tapotée dans le dos par un certain Xavier Lacouture, et un premier EP en 2019, Aller-retour passe aux mains de Louis-Jean Cormier (de la famille évidemment). Et puis la voilà plongée – deux ans de master de lettres oblige – à embrasser la vie tourmentée et exaltée de la grande Pauline Julien.
Pas étonnant qu’à ses côtés l’on retrouve donc le talentueux batteur Arthur Bourdon-Durocher, Émilie Proulx qui sait « tracer le délicat contour des choses », et les guitares planantes de Zach Boileau, multi-instrumentiste « au sourire dans la voix » ; et des influences qui vont de terres québécoises (Marie Claudel, Élisapie, Émilie Proulx…) à terres étrangères (Lhasa de Sela, Haley Heynderickx, Kate Bush…).
©A-M Garand ©Floating studio
Forte de ces embruns, celle qui dit aimer « observer faire naître les choses » (et notamment des mélodies en attendant le métro) sait saisir des états d’être sur le vif –« Mon cou et ta bouche se mélangent / Mon corps d’écailles se laisse aller / Mais ma solitude est bien étanche / Tu l’apprendras dans la foulée ». Douce mélancolie imprègne l’air – « Y pleut des clous / Le temps solide font dans la boue », non sans se voir émaillé d’éclats de joie – « Serre-moi la main / Et que ça penche / À tous les temps ». D’Ouragans en Réveil d’oiseau, Suite pour personne est un album tout en mots ressac, de piano liquide et de riffs lancinants ; aux textes comme autant de petites fenêtres suspendues sur nos nuances, suggérant sans imposer, fait de mots qui au dernier moment changent de direction ; des chansons qui se parlent entre elles et roulent loin au creux de l’oreille et sur le bout de la langue.
Suite pour personne, donc. Il faut comprendre « pour tout le monde » : ses chansons, mises à l’épreuve du public sur la scène du P’tit Bar de Montréal, nous lance-t-elle, « sont à [n]ous ». Et de poursuivre : « drôles de chemins que prennent les chansons ». Oui, drôle de chemin qu’a pris cette chanson de Daniel Lavoie, issue de son album Ici paru en 1995 et coécrite avec Sylvain Lelièvre et Louise Dubuc, Je n’y suis pour personne, qui lui fera écrire la chanson éponyme de l’album. Les deux, la reprise et la réponse, côte à côte dans l’album, se répondent comme deux vieilles amies : dans l’écume, dans l’écho.
Et qu’il est facile de se laisser aller à y faire écho nous-mêmes, à y tremper nos esprits, à fredonner de conserve !
Jeanne Côté, Suite pour personne, 2023
La page Facebook de Jeanne Côté, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Pour commander l’album sur son Bandcamp c’est ici.
« Y peut mouiller » 
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