Brassens : le temps ne fait rien à l’affaire
Brassens ne pouvait pas se contenter d’un banal anniversaire en 2021. Outre les commémorations de circonstance, ses amis se sont allègrement affranchis des dates et continuent à lui rendre hommage de toutes les façons possibles.
Grâce soit rendue à EPM et à sa nouvelle collection NosEnchanteurs qui fait vivre avec les voix d’aujourd’hui les plus belles œuvres d’hier. Après un superbe double album sur Gaston Couté, c’est donc cette fois Georges Brassens qui nous est présenté sous un angle à la fois fidèle et original.
Le choix des chansons est une palette judicieuse, avec quelques raretés : L’auberge du bon Dieu, créée à Basdorf par René Iskin et habillée par Yves Uzureau, la version complète de L’amour marin de Paul Fort dont Brassens a extrait La marine, par Gabriel Yacoub.
Certains gardiens du temple, d’autres disent éléphants, s’insurgent dès qu’on s’écarte des Bancs publics et du trio habituel guitares/contrebasse, nécessaire mais aujourd’hui insuffisant aux plus jeunes oreilles. De plus, c’est aussi reconnaître la richesse de ses chansons que de montrer que son œuvre ouvre les portes à de nombreuses interprétations de tous styles, pour toutes voix en habillant ses musiques de nouveaux rythmes.
C’est bien ce qui fait la valeur de cet album. Tout d’abord les interprètes choisis ne sont pas des invités d’occasion comme on en voit sur les plateaux télé les jours de célébration. Ceux-là aiment vraiment Brassens et le chantent régulièrement la plupart ont enregistrés leur album et parfois davantage de chansons du Sétois.
On se laisse séduire par la délicatesse, le charme, l’élégance de Marie d’Epizon, de Contrebrassens, de Michel Boutet ou de Philippe Forcioli qui mettent en évidence les subtilités poétiques et les émotions les plus tendres. Dégageant ainsi toute la valeur littéraire de ces chansons, Jacques Mayoud abandonne même la mélodie pour dire Le Fidèle absolu et la Rouquiquinante oscille entre chant et diction avec Les illusions perdues.
Plus théâtrales, certaines mises en rythme et en voix, parfois déconcertantes et le plus souvent séduisantes font ressortir la vigueur et les couleurs truculentes ou tragi-comiques de ces tranches de vie que Brassens aimait peindre ; La mauvaise réputation des Aristos pourra surprendre tout comme la Brave Margot de Thierry Romanens ; plus sages et tout aussi vivantes les versions de Gastibelza par Christina Rosmini ou de La religieuse de Monique Brun avec Entre 2 Caisses sont remarquables ; Quai des Brunes et Mélanie Dahan jouent de leurs belles voix pour Bonhomme et pour La princesse et le croque-notes. Oserais-je dire que Le vent d’Alcaz est décoiffant ? Je l’ai dit !
Bref, il n’y a rien à jeter dans cet album, échantillon pour les profanes plus large que les compilations classiques et enchantement pour les initiés par son originalité tant dans la forme que dans le choix.
MICHEL TRIHOREAU
Pour commander ce CD, c’est ici.
Yves Uzureau « A l’auberge du Bon Dieu » :
Commentaires récents