CMS

Le Quart de Siècle de l’Esprit Frappeur : retour sur événement

 

Alain Nitchaeff à l'entrée de l'Esprit Frappeur (photo MK)

Alain Nitchaeff à l’entrée de l’Esprit Frappeur (photo MK)

Ils étaient toutes et tous sur la scène du « Quart de Siècle » de l’Esprit Frappeur, il y a quinze jours à Lutry, en Suisse. Entretien avec cinq des chanteurs conviés (y manquent Enzo Enzo et Maria de La Paz) sur leur relation à L’Esprit Frappeur et à Alain Nitchaeff, son créateur. Sur quand ils y sont été conviés pour la première fois. Et, profitant de l’occasion, sur leurs projets.

 

Valérie Mischler (photo non créditée)

Valérie Mischler (photo non créditée)

Valérie Mischler : « c’est pas fini dans ma tête »

Comment je suis arrivée à l’Esprit Frappeur, je ne m’en souviens plus très bien. C’était à la cave de jazz Midi & Minuit, à Pigalle : Alain Nitchaeff était venu me voir chanter Dimey. Il m’a proposé de venir chanter chez lui. J’avais déjà chanté en Suisse, mais dans des gros spectacles : je faisais des comédies musicales. Mais jamais chez lui, à Lutry. La première fois, c’était donc pour Dimey. Puis avec mes chansons à moi. Quand on arrive à l’Esprit, c’est ultra agréable ; moi qui suis une très grande traqueuse devant l’éternel, c’est un endroit qui est très réconfortant. Le rapport scène/salle y est facile. C’est un petit écrin, ni trop grand ni trop petit, vraiment l’endroit que j’aime, le bon format. J’y suis venu trois fois. Avec Alain, ça a été évident tout de suite. Et puis il vient du théâtre, nous avons des racines communes. C’est très important pour moi le théâtre. Quand je chante, ce sont des chansons à personnages, je ne vois pas en train de chanter « je t’aime mon amour sur la plage » j’en n’ai rien à cirer ; moi ce qui m’intéresse c’est faire la comédienne qui chante. Alain et moi avons ça en commun et ça a tout de suite bien matché avec lui. J’ai toujours beaucoup de plaisir à revenir ici.

Et faire partie de ce casting des 25 ans de l’Esprit Frappeur ?

Ça c’est un beau cadeau car, comme j’ai décroché de la chanson depuis un an, c’était inespéré. Je ne pensais plus que quelqu’un me demanderait quoi que ce soit. Je me suis dit que ça allait être une belle parenthèse et, évidemment, le démon me rattrape et je me dis « Qu’est-ce que je fais ? ». Parce que j’ai pas envie que ça s’arrête. Ma carrière a longtemps été ininterrompue. Et je suis tombée malade en 2018, puis le cabaret que j’ai ouvert suite à cette maladie. Je suis revenue, puis je suis repartie. Là, j’ai envie de revenir, mais avec complètement autre chose. J’ai aimé mon dernier album, mais là j’ai envie de revenir au soft, au piano-voix, au plus sensible. Ces quelques jours sur ce spectacle de Lutry m’ont révélé que ce n’était pas fini dans ma tête.

 

Romain Didier

Romain Didier (photo Jean-Baptiste Millot)

Romain Didier : «  ce fou merveilleux qu’est Alain Nitchaeff »

L’Esprit Frappeur et moi, ça a commencé en 2001, ça veut dire qu’il y a eu une saison qui s’est faite sans moi, je ne comprends pas pourquoi. J’ai dû rencontrer Alain avant, il se souvient de moi à Saignelégier, un petit village dans le Jura suisse. J’ai chanté au Faux Nez, ce cabaret mythique de Lausanne, dont on parle dans le spectacle, où une grande partie de la chanson francophone est venue chanter. J’y suis venu plusieurs fois dans les années quatre-vingt. L’idée d’avoir un cabaret à Lausanne ou dans la région me plaisait bien, ça me rappelait de jolis souvenirs, et l’idée d’Alain me semblait être une continuité. Je suis donc tombé sur ce fou merveilleux qu’est Nitchaeff, qui rend possible ses rêves, qui a fait ce lieu hyper convivial, où on est bien reçu, même vingt-cinq ans après. C’est à chaque fois une fête d’y venir. Donc je suis revenu souvent. J’ai fait un duo avec Enzo Enzo ici, j’en au fait un autre avec Isabelle Mayereau, toute une création où on s’échangeait nos répertoires… Tous mes spectacles que j’ai fait ici, je les ai souvent fait avant d’aller autre part, presque en avant-première. Là je reviens en fin mai, avec un nouveau spectacle. Ce sera la dix-huitième fois. Enzo Enzo c’est une vieille copine de trente ans, Laurent Viel un complice. On n’a jamais chanté ensemble mais j’ai souvent écrit pour lui notamment pour Le Chevalier d’Eon (textes d’Alain Nitchaeff) mais aussi Chacun sa famille, ce spectacle dont j’ai fait les musiques sur les textes de notre bon Pascal Mathieu. Pascal Rinaldi, c’est une figure de la chanson en Suisse, avec Sarclo, Yvette Théraulaz, Thierry Romanens, Le Bel Hubert… : on a créé la chanson « So long Leprest », lui et moi, lors de la soirée hommage à Lutry, en 2012, l’année après le décès d’Allain. C’est un compagnon de route que je suis content de retrouver. Quant à Sylvie Bourban, j’ai entendu parler d’elle il y a quelques temps, on avait failli faire quelque chose ensemble. Et Valérie Mischler, ça faisait longtemps que j’entendais parler d’elle.

Le prochain rendez-vous, c’est à Caen, au festival Les Boréales, un festival de chanson des pays baltes. L’Orchestre de Normandie, avec qui j’ai travaillé sur le Leprest symphonique, m’a demandé de faire les arrangements pour une chanteuse suédoise. Et en décembre j’enregistre mon nouvel album.

 

Pascal Rinaldi

Pascal Rinaldi (photo non créditée)

Pascal Rinaldi : « retrouver une peu de cette identité-là »

Ça fait longtemps, je ne me rappelle plus le nombre des années. Impressionné de descendre dans un lieu et qu’à l’intérieur il y a toutes ces photos de gens qui étaient encore là, certains qui ne le sont plus. C’était un peu comme un château en Écosse où il y a des revenants, un lieu toujours habité. En ces murs, c’est sûr, il y a une esprit qui veille. Et puis c’est toujours estampillé « chanson française » : moi je ne sentais pas de cette famille, je me sentais plus pop. C’est ça qui m’a marqué, de voir des photos de Léo Ferré, de Leprest qu’à l’époque je connaissais à peine, j’étais pas plus au courant que ça. Je connaissais Tachan, j’avais fait des premières parties de Debronckart, j’avais dix-sept dix-huit ans. Ça faisait longtemps que je faisais des scènes mais, là, tomber dans ce lieu consacré… Avant, j’étais passé au Faux Nez, mais c’était en plateau libre : là j’étais content de savoir que le flambeau était repris. Des salles estampillées chansons, ici, il n’y en a pas beaucoup. A l’époque, il y avait une vague assez populaire, la « chanson romande », le public suivait bien tout ça. Il y a eu un disque en 1979, La Fête à la chanson romande : moi je commençais à peine à faire mes chansons. Il y avait Pascal Auberson, Michel Bühler… Après les médias s’en sont désintéressé. Moi je suis arrivé dans le creux. Je pense que l’Esprit Frappeur a permis de retrouver une peu de cette identité-là. J’y suis passé sept fois à ce jour. On y prend vite des habitudes : on y est bien reçu, la taulier est pas toujours commode, il n’est pas aimé de tout le monde, mais moi j’aime bien les gens un peu rêches. Il me fait l’honneur de m’engager tous les deux ans.

Et vous partez, le taulier et toi, en tournée avec « Beaucarne »…

Cette histoire est née juste après la mort de Julos Beaucarne. Un groupe s’est désisté à l’Esprit Frappeur et Alain m’a demandé de le remplacer. Mais comme j’y avais déjà fait mon spectacle, je voulais faire d’autres chansons. J’y ai joué « Je t’offre une verre d’eau glacée » que j’avais à mon répertoire et Nitchaeff a été touché. Quelques jours après, j’y ai repensé, « on pourrait faire tout un spectacle sur Julos Beaucarne ». On l’a pas trop mal joué et on va le jouer encore, et pour une troisième tournée en Belgique. Mais c’est vrai qu’en France…

Tu ne tournes pas souvent en France ?

Non, parce que je ne suis pas trop actif pour me proposer. C’est peut-être mon plus grand défaut. Une qualité aussi.

 

Laurent Viel (photo Franck Boncourt)

Laurent Viel (photo Franck Boncourt)

Laurent Viel : « J’ai un rapport très fort avec L’Esprit »

La première fois à l’Esprit, ça devait fin des années deux mille, je suis venu avec le spectacle sur Brel que j’avais monté avec Thierry Garcia et Xavier Lacouture. Et puis après je suis venu faire le Barbara, Les Enchères. Et puis ce furent les 10 ans et, là, Romain Didier me dit « Oh, tu ne m’as jamais demandé que je te fasse une musique » (je suis fou des musiques de Romain depuis l’époque du Piano Zinc, quand j’ai découvert ça, ses chansons chantées par Mouron, je me disais « la musique, c’est trop ! », je ne connaissais pas Romain du tout). Et moi de lui répondre « je ne veux pas que tu m’écrives une chanson, je veux tout un spectacle » « Banco ! ». Et moi je rêvais au chevalier d’Éon depuis les années quatre-vingt, depuis que j’avais découvert son existence. Et en en parlant avec Alain, ils ont écrit pour moi ce spectacle-là, qu’on va sans doute reprendre bientôt. Donc, j’ai un fort rapport avec Alain, avec l’Esprit.

L’Esprit c’est surtout un lieu d’auteurs-compositeurs-interprètes, moi je ne suis vraiment qu’interprète. Mais j’adore un tel lieu, comme toutes les formes de Chant’Appart, parce c’est un Chant’Appart amélioré pour moi. Ce sont des moment de partage au-delà de l’objet artistique que tu proposes. Ce sont des rencontres humaines, j’adore ça. J’ai pu bosser tant avec des Scènes nationales, comme celle du Creusot où j’y ai travaillé trois quatre ans, que dans des petits lieux. J’ai vécu des grandes et belles salles comme des appartements où tu es devant dix personnes.

Que faut-il pour ressusciter Le Chevalier d’Éon ?

Des sous ! C’est toujours ça le nerf de la guerre. Ce qui est passionnant, c’est que Romain à écrit tout de même toute une partition pour un orchestre philharmonique. C’est vraiment la belle musique qu’il sait faire. On a beau n’en être qu’à la maquette, il m’a fait écouter les arrangements ; c’est juste magnifique ! Mais bon, faut un orchestre et qui dit orchestre dit les moyens.

 

Sylvie Bourban

Sylvie Bourban (photo Data Arts)

Sylvie Bourban : « J’étais nourrie à cette musique-là »

Je ne sais plus quand je suis venue ici pour la première fois mais, comme j’y suis allé cinq fois, ça doit dater j’imagine. J’ai une difficulté pour répondre à une telle question car j’ai eu un accident de voiture à quatre-vingt à l’heure avec un taureau et ma mémoire a été très impactée. Je ne me souviens pas quand j’ai rencontré Alain Nitchaeff ; je me souviens par contre être venue à l’Esprit Frappeur écouter Julos Beaucarne, Anne Sylvestre aussi. Je devais venir écouter Graeme Allwright mais, moi, j’ai reçu le mail comme quoi il ne pouvait pas venir. Pour moi, L’Esprit Frappeur c’est beaucoup d’émotions parce que j’ai été fan de la chanson française depuis toute petite : mon papa écoutait des vinyles de Julos Beaucarne, d’Allain Leprest, tous ces gens, j’étais nourrie à cette musique-là. Quand, tout à coup, j’ai eu l’occasion de chanter ici, j’ai été très touchée, et le reste. Et là, je suis encore émue d’avoir chanté dans ce spectacle anniversaire une chanson de Michel Bühler, parce que j’ai chanté sur son dernier album, parce que je suis allée en Palestine avec Michel, parce que sur mes réseaux je chante toutes ses chansons. C’est important pour moi de me souvenir des gens qui ne sont plus là : c’est vraiment ma marque de fabrique. Et le faire avec des gens, des musiciens aussi talentueux, c’est… Entre le répertoire de tous ces gens disparus, je pense que j’en ai pour tout le reste de ma vie, à les chanter.

Avant le covid, j’ai fait des concerts en Inde, en Argentine, en plein d’endroits. Mais je n’ai pas d’impresario, je ne cherche pas vraiment les concerts. Je vais là où on m’invite, où on m’accueille. Chercher des dates, c’est un autre métier et j’ai l’impression qu’avec ce que je fais j’ai déjà beaucoup de métiers. Je suis ACI et je donne aussi des cours de technique vocale et c’est aussi toute une organisation. Mais j’ai pas mal de concerts, seulement ceux qui viennent à moi. Dernièrement j’ai fait pour la première fois un spectacle avec uniquement mes chansons et avec un metteur en scène. Ça a eu un beau succès, on va continuer à le faire. Ce sera plus dans des théâtres car il faut des lumières, il y a des techniques. On a tourné un concert en hommage à Michel Bühler : on va refaire une date à Genève. Et beaucoup de projets de collaboration, entre autres avec Nicolas Fraissinet.

 

Le site de l’Esprit Frappeur, c’est ici ; ce que nous avons écrit sur ce 25e anniversaire et sur l’Esprit, c’est ici.

 

Valérie Mischler « Mes petites phobies » : Image de prévisualisation YouTube

Romain Didier « Où vont les chevaux quand ils dorment » : Image de prévisualisation YouTube

Pascal Rinaldi « Réinventer l’espoir » : Image de prévisualisation YouTube

Laurent Viel « Qu’est-ce qu’il y a d’aussi bon ? » : Image de prévisualisation YouTube

Sylvie Bourban « Irrésistible » : Image de prévisualisation YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives