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Les sens de Barbara

(photos Sébastien Rollandi)

(photos Sébastien Rollandi)

23 novembre 2017, Le Petit-Duc Aix en Provence, Hommage à Barbara, conférence dansée,

 

Barbara écoutée, commentée, dansée, musiquée, rêvée… Le Petit-Duc présente une série de conférences originales dans son programme Comme ça vous chante, s’accompagnant la plupart du temps d’une illustration sonore en spectacle vivant. Après la conférence de Jean-Rémi Barland – journaliste à la Provence, entre autres médias culturels – sur Anne Sylvestre, c’est devant un parterre bondé qu’arrive cette étonnante conférence sur Barbara.

 Un ensemble d’artistes y rejoint Joël July pour appréhender l’essence de Barbara qui nous fascine, par le sens de ses mots et de sa musique, la sensualité de  son expression, la mise en scène de sa vie en un  lien magique avec son public.

DESMARIS Marie-Hélène Barbara au rocking chair SébastienRollandinYann Le Corre, physique de poète – dandy, lit Il Automne, texte nu et déjà poésie, ponctué des improvisations au saxophone d’Arnaud Saint Martin, qui y ajoute sa vibration profonde.
Dans le plus parfait des silences surgit la danseuse en pantalon noir, tournant sur elle-même, jouant de ses mains, puis s’envolant bras  vers le ciel sur un saxo d’orage et de grincements. Elle met en scène le tourne-disque qui scratche avant que ne s’élève la voix « Il automne, il automne / Il automne à pas furtifs / A pas feutrés / A pas craquants / Et, sur nos nuits de mi-novembre / Il automne miraculeux ». Et se retire sur le rocking-chair évoquant ce siège mythique, qui ne quittait plus Barbara sur scène, depuis qu’elle joua Madame en 1970.
Marie-Hélène Desmaris est danseuse chorégraphe (Compagnie Virgule et Pointillés) . Elle rencontre l’univers de Barbara en 2003, lors de la création du Festival de la Chanson française d’Aix, invitée par sa créatrice Patricia Pélissié à exprimer par la danse les sentiments de la Dame qui chante.

BARBARA_A-COEUR-QUI-BAT-A-COEUR-BATTANT-GI-Joël JulyNous sommes à la veille de l’anniversaire des vingt ans de la mort de Barbara. Joël July, jeune agrégé de Lettre Modernes enseigne en Provence. Il a consacré sa thèse de 3eme cycle en 2002 à Barbara, qu’il a personnellement rencontrée en 1997 (1). Il la reprend dans la  troisième édition de l’Intégrale des chansons de Barbara – cent cinquante textes environ enregistrés entre 1957 et 1996 – (2), répertoire  modeste par rapport à Brassens ou Ferré, qui a pourtant touché trois générations de spectateurs par son intensité .
C’est ce qu’il va s’attacher à nous démontrer, analysant de façon brillante et précise la syntaxe des textes : modernité de la recatégorisation d’un nom commun en verbe (Il automne), d’un adjectif en adverbe (miraculeux). Comme la sémantique : la mélancolique saison traitée par Verlaine ou Apollinaire qui les rattache à la poésie romantique,  les sens figurés, thèmes récurrents chez Barbara : les amours, la vieillesse, la mort, les enfants.
A cette analyse littéraire se mêlent le récit de la vie de Barbara, l’évocation de  lieux, tel le Square des Batignolles  évoqué dans la chanson  Perlimpinpin. On se sent à la fois plus proches de Barbara, plus intimes et plus intelligents, initiés !
Il re-situe Sur la place de Brel  aux débuts de Barbara, lorsqu’elle l’interprétait ainsi que Brassens.  La Petite cantate est écrite pour Liliane Benelli, sa petite pianiste, morte dans un accident dans la voiture de Serge Lama, son fiancé, qui lui dédia également une chanson, D’aventures en aventures (3).

BARBARA DESMARIS Solo danse 2014La danseuse revient alors illustrer cette  série de chansons. Se fait pianiste, et le piano devient, lui, barre de danse. La voix de Barbara s’élève, parle de  solitude, point lumineux dans le noir. Esmeralda vêtue de lin blanc tourne dans un rond de lumière, cheveux lâchés. A nouveau en noir, poings serrés, bras liés, fente arrière se terminant en grand écart, « Et la terre s’est ouverte…les hommes sont murés, et c’est le désespoir ». C’est le glas du Soleil noir, qui précède le testament du Piano noir : « Quand je serai…morte », chanson de Robert Charlebois qui lui va si bien ; occasion de rappeler le combat acharné de Barbara pour vaincre le piano malgré sa blessure à la main. Nulle paraphrase dans les mouvements de la danseuse, qui incarne des sentiments et non des gestes, en semi improvisation. Que ce soit grâce aux seules expressions du visage, aux mouvements discrets des doigts, des mains, au lent déploiement de tout le corps, c’est une émotion difficilement soutenable qui émane de cette danse. Tant qu’avant qu’il n’applaudisse à tout rompre, une plage de silence se fait dans le public, le temps qu’il redescende sur terre.

July, rompant ainsi l’émotion trop prenante, reprend la chronologie de la carrière de Barbara, qui s’éclipse des plateaux télé pour nouer avec son public une relation passionnelle et authentique, avec des prestations à la limite de la folie. La dernière chanson, le Jour se lève, ne sera enregistrée qu’en public au Châtelet, avant qu’elle n’amorce ses mémoires qui seront interrompues par son décès.

La sensualité d’A peine : « Mon indocile, mon difficile / Et puis docile, mon si fragile / Tu es la vague où je me noie / Tu es ma force, tu es ma loi (…) Et je m’enroule au creux de toi / Et tu t’enroules au creux de moi » est tellement fusionnelle avec  la danse, seulement séparée du Bout des lèvres par ce solo de saxophone, qu’on ne peut que reprendre à notre compte : « Je vous le dis du bout des lèvres / Vous m’agacez du bout du cœur / Vos cris me dérangent, je rêve » avant de pleurer sur Nantes.

Comme il a commencé, le spectacle s’achève sur la lecture de Le Corre : « Tu verras, le jour se lève encore / Même si tu ne crois plus à l’aurore » suivi du bouleversant solo du saxophoniste, et de la dernière danse, silencieuse, avant que le noir ne retombe. Il faut souligner l’extraordinaire travail aux lumières de Gérard Garnier qui achève de transformer cette conférence en une performance de haute émotion.

La conférence s’est terminée par une session de questions réponses satisfaisant les plus curieux parmi le public.

La page facebook de Barbara, c’est ici.   Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. 

Une grande exposition sur Barbara  est organisée par la Philharmonie de Paris du 15 octobre 2017 au 28 janvier 2018, avec de nombreux concerts, ateliers et conférences.

En parallèle de son concert, le pianiste Alexandre Tharaud a produit un double CD hommage à Barbara avec Dominique A, Bénabar, Juliette et Albin de la Simone, à la jeune génération Radio Elvis et Tim Dup, en passant par les stars Vanessa Paradis, Jane Birkin, Juliette Binoche et Jean-Louis Aubert. Et dans le deuxième CD des instrumentistes tels  Renaud Capuçon, Michel Portal, le quatuor Modigliani et l’accordéoniste de Barbara, Roland Romanelli.

(1) publiée en 2004 aux Publications de l’Université de Provence sous le titre Les mots de Barbara.
(2) parue en novembre 2017 sous le titre À cœur qui bat, à cœur battant aux Éditions de L’Archipel, avec quelques nouveaux documents ou articles sur Barbara. Comme dans la deuxième édition de 2012, elle est enrichie de l’exégèse de July pour les textes, et de Jean-Marie Jacono pour la musique.

Les mots et le style, les mythes et les thèmes, y sont approfondis à la lumière de la théorie de la résilience, et en soulignant les points communs avec la romancière Colette. Tandis que les mélodies, les harmonies, les rythmes, les arrangements et l’évolution de la voix de Barbara y sont analysées en parallèle.
(3) Bien que ce n’ait pas été mentionné dans la conférence, Toute blanche lui a également été dédiée par Lama en 1974

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Une réponse à Les sens de Barbara

  1. Danse et passion 26 décembre 2017 à 16 h 42 min

    Très intéressant. J’aurait vraiment voulu assister à ces conférences dansées, mais merci pour ce partage et ce petit retour d’expérience. Je vais essayer de garder une date dans mon agenda pour voir cette exposition à Paris consacrée à Barbara

    Répondre

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