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Benoît Dorémus et Alexis HK, l’ours, le coq, le chien et les bêtes à chagrin

Benoît Doremus &Alexis HK au Petit Duc Photos ©Frédéric Arène - Petit Duc

Benoît Doremus &Alexis HK au Petit Duc Photos ©Frédéric Arène – Petit Duc

23 janvier 2020, Le Petit Duc à Aix-en-Provence,


Deux guitares, un ukulélé sur son trépied commun, deux chaises hautes, une salle bourrée à craquer. 
Alexis HK et Benoît Dorémus ont en commun une vision pessimiste du monde, ou plutôt lucide, qu’ils combattent avec un humour assez largement basé sur l’auto dérision. Ce ne sont pas eux qu’on verra se moquer lâchement de leur prochain, même s’ils sont sensibles aux petits ou grands ridicules de leur contemporains. Sensibles tout court, d’ailleurs, de ce sens aigu qu’ont les artistes, qui se font éponges à sentiments. Des Bêtes à chagrin, dirait Benoît, c’est d’ailleurs avec cette chanson si représentative qu’il a commencé le concert, et avec elle, en rappel, qu’il avait fini le précédent, lors de son dernier passage au Petit Duc en fin mars 2019. Même s’il est censé parler de quelqu’un d’autre on comprend bien qu’il en fait partie, de ces artistes. 

Il enchaîne avec cette Danseuse blessée, chanson de son nouvel album qu’il nous avait présentée l’an dernier, parti à sa rescousse « pendant qu’on prokofiait sans elle », beau moment de tendresse. Avec toujours ces trouvailles textuelles « Moi je l’embrasse entre deux chats » qui sont sa signature .
Carte blanche à Benoît pour son troisième passage au Petit-Duc, la première en trio, le premier avril 2017 – il s’en souvient, c’est un hypermnésique des chiffres, qui lui sont autant de jalons, de compagnons de vie. Des chiffres et des lettres… qu’il s’est écrites dans le futur,
A ne pas lire avant 2020, par un passé pas si lointain, déjà si inquiet il y a dix ans : « La fin du monde est dans le secteur / Moi je suis comme eux / J’ai mes plantes vertes et mes peurs bleues ». Alors comme en 2020 la peur se précise, il a préféré repousser l’échéance à 2100, où on ne pourra pas vérifier si « Tout est arrangé ».

DOREMUS Alexis HK 01 2020 ©Petit Duc portraitBenoît et Alexis se sont rencontrés au mitan des années 2000, ils ont même fait une tournée de concerts en trio avec Renan Luce, Seuls à trois, et enregistré plusieurs chansons en commun sur divers albums. La complicité des artistes s’est muée en une véritable amitié. Différents de carrure physique comme de tempérament – si Benoît est intarissable, Alexis est plus intraverti, même s’ils partagent le même goût des mots et un regard sur le monde assez proche, complémentaire. Amis comme s’ils l’étaient depuis l’enfance. Cette carte blanche, ce sera donc avec Alexis.
Qui rentre alors en scène, rappelant cette époque où il passait en vacances par Aix-en-Provence, dans la 504 où tout le monde fumait vitre fermées malgré les enfants. Ironisant sur ses chansons les plus connues, « sans doutes inédites pour vous ».
Le jeu sera de se vouvoyer tout au long du spectacle, ce qui oblige à employer un langage soutenu de comédien français, qui va bien avec la diction volontairement compassée d’Alexis.

Du dernier album si désenchanté, mais qui exorcise toutes nos douleurs, toutes nos craintes de ce monde en mutation, peu de chansons : Comme un ours, jouée délicatement à l’ukulele, cet « ermite en colère en apesanteur entre les deux hémisphères ».
Ou ce titre présenté comme anxiogène, Les pieds dans la boue, dénonçant tous les faux anathèmes  « Méchants bobos parisiens / Crypto gauchistes de malheur responsables du déclin / De la famille et des valeurs » et toutes les véritables actualités, cinématographiées comme un film des années 30 « Cette fois-ci le diable porte des bas résille / Et va danser au bal de l’amicale des anciens nazis ».
Et la pause tendresse pour la seule catégorie sociale acceptable, J’veux un chien.

Solos, duos alternés ou en chœur sur les refrains font rythme et dilatent l’humanité des chansons, comme la douce reprise de La vie ne vaut rien de Souchon (sentence empruntée à Malraux!).

C’est l’occasion de présenter des titres inédits, celui qui sous le couvert de défense de valeurs traditionnelles « T’aurais voulu une maman à l’ancienne » est en fait plein de tendresse pour la femme libre, mais parfois trop seule: « Elle te kiffe ta mère / Mais souvent elle préfère aller danser / Et boire en rêvant  (…) Mais cette maman là c’est la tienne / Elle attend sur le seuil en souriant / Quand enfin arrive la semaine / Où elle va retrouver son enfant ».

DOREMUS Benoît  pt Dc 01 2020 ©Frédéric ArèneLes gens ont une âme, mais les pierres nous semblent en avoir aussi : « Bois le thé que Karima te sert » dans cette rue vouée à la démolition, sous le houx solitaire.
A quoi répond ce questionnement par Benoît, du nouveau locataire d’une vieille maison au bout d’une impasse, Qui a vécu là avant moi ? « Une Marie N’guyen ou un Etienne Duchemin ? »

Quoi qu’il en dise, Alexis a bien des chansons à succès, cette déjà collapsologique Le dernier présent, de 2012, ou Les Affranchis, de 2009, où il nous présente, en duo avec Benoît, celui qui a trop regardé les films de Scorcese et héroïse les gangsters. Et celle, écrite en cinq minutes, d’abord pour un jeune public, qui lui a donné une célébrité « qui l’énerve », qui le poursuit, La maison Ronchonchon.

Quand Benoît reprend la main et le micro en solo, avec son petit vélo dans le crâne qui lui fait prendre « 20 milligrammes tous les matins », Alexis le couve de son regard amical, chacun assis sur sa chaise. Brassens en pleine poire est l’occasion de lancer pour Alexis la reprise d’un Brassens point trop rabâché, Le vin : « On conte que j’eus / La tétée au jus / D’octobre… », issu de son spectacle Georges et moi.

Les rappels seront l’occasion d’une véhémente satire ecclésiastico-sautillante, coécrite, Torture jésuite , des « frères de Haute Croix », entre autres, chantée en canon, « C’est la multiplication des pains », au-moins aussi virulente et blasphématoire que celles d’un Tachan « Dans un petit coin charmant / Un père Noël élégant / Me fait l’amour sans me prévenir avant », mâtiné de Jean Yanne, « Dieu nous aimait tant qu’il nous a donné son enfant …»

Ce n’est certainement pas la dernière fois qu’on croisera Benoît, ou Alexis au Petit-Duc… si l’on en juge du succès de cette carte blanche !

 

Le site d’Alexis HK c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’Alexis, làLe site de Benoît Dorémus c’est iciCe que NosEnchanteurs a déjà dit de Benoît, là

 

Alexis HK est en concert le 7 février 2020 à Laval (complet) et le 11 février à Sotteville-Lès-Rouen, le 18 avril à l’Olympia à Paris avec en première partie Benoît Dorémus, autres dates sur son site.

 

Alexis HK, Je veux un chien, concert au Pont des artistes janvier 2019
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Alexis HK, Torture jésuite, Café de la Danse janvier 2018
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Benoît Dorémus, Ne pas lire avant 2100, clip janvier 2020
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