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Jean-Louis Murat, 1952-2023

MURAT 1989 Cheyenne autumn rectgIl y a deux mois, il annonçait la sortie pour le 26 mai 2023 de son Best-Of 1981-2021, quarante titres en CD, en vinyles ou en vinyles transparents en édition limitée, et bien sûr en digital, la quintessence de l’auteur prolixe qu’il était, lui qui depuis les années 80 sortait au moins un album par an.
Le 19 mai il était encore sur scène à Tulle à la Salle
Des lendemains qui chantent.
Un hommage,
Week-end Murat Yes Sir, de ses pairs, chanteurs indépendants auvergnats mais pas que, se prépare pour le 23 et le 24 juin au Fotomat à Clermont-Ferrand, le weekend de la Saint-Jean où les fans de l’artiste avaient l’habitude de se réunir. On y trouvera le film quasi inédit Mademoiselle personne, 1993 avec Elodie Bouchez et Romain Duris dont il a composé la BO, Alain Klingler qui dévoilera Larbin de personne, sa chanson dédiée à Murat, une conférence, une exposition de photos, des reprises avec des noms qui nous enchantent, Belfour, Eryk E, Morgane Imbeaud, Le Flegmatic, Marjolaine Piémont, Sébastien Polloni… dans la lignée du premier hommage en disque Aura aime Murat, vieux projet relancé en 2021 autour de Stan Mathis avec seize artistes, dont plusieurs des précédents, et également des Gontard, Chevalrex, Hiver Pool, Paugam… et Frederic Bobin.

MURAT 2023 Jean-Louis Best-OfEt puis ce 25 mai comme un coup de tonnerre…
Si l’écriture poétique, jamais évidente, la recherche musicale et l’indépendance d’esprit de Murat sont salués de toute part et en ont inspiré plus d’un, la radicalité de son caractère ne lui a pas fait que des amis. Soucieux de perfection, il peaufinait ses titres en solitaire, à l’exception des enregistrements où toute son équipe l’entourait, mais semblait moins apprécier de se donner en spectacle, donnant la part belle à ses excellents musiciens. Ses prestations en public séduisaient certains, rebutaient les autres, avec une diction relâchée, un caractère imprévisible et des coups de gueule mémorables en entretien. Il fallait mériter son amitié, qui semblait très fidèle, si l’on en juge au nombre d’artistes qu’il a encouragés, n’hésitant pas à écrire des chansons pour des artistes encore inconnus. Lui même puisait plus son inspiration chez les poètes ou les songwriters anglosaxons que dans la chanson française, à l’exception peut-être d’Anne Sylvestre.

Né dans le Puy-de-Dôme en 1952, Jean-Louis Bergheaud passe la plupart de son temps dans la ferme de ses grands parents, à Murat-Le-Quaire au-dessus de la Bourboule, qui lui donnera son nom de scène. Solitaire, fondu de musique très jeune, influencé par le jazz et le blues, après un bref mariage à dix-sept ans il mène une vie aventureuse avant de se consacrer à la musique en retournant vivre dans sa montagne. D’abord au sein d’un groupe de rock, son premier quarante-cinq tours solo s’intitule Suicidez-vous le Peuple est Mort, et donne une idée de son état d’esprit. Sa carrière décolle vraiment avec Cheyenne Autumn en 1989.

MURAT 2021 La-vraie-vie-de-Buck-JohnDifficile de parler en quelques lignes d’un répertoire aussi foisonnant, qu’il réalise méthodiquement isolé comme un ermite, écrivant cinquante chansons pour en extraire un album, travaillé musicalement jusqu’à la perfection qu’il exige, expérimentant tous les genres du country-folk au rock et à la musique expérimentale en passant par la pop, l’électro et jusqu’à l’autotune.

Citons parmi bien d’autres Le manteau de pluie, 1991, avec ce si bel hommage à son Auvergne, Col de la Croix-Morand, complété lors de la réédition 2018 de Tuilière et Sanadoire (d’autres lieux typiques – Chamablanc, le Sancy, le lac Chambon, le Col de Diane – seront cités encore dans Babel, 2014, enregistré avec le Delano Orchestra), Dolores, comme un double féminin, en 1996 avec la pathétique et prémonitoire Margot « Chht chhht pas de bruit / Sur la mort de Jean-Louis / Presque rien / Sur ses vertus d’arlequin », Charles et Léo en 2007 (Baudelaire mis en musique par Ferré) avec ce Madrigal triste en duo avec Morgane Imbeaud, Toboggan en 2014, ou son dernier, La vraie vie de Buck John, en 2021.

Murat fait partie de ces artistes qui cherchent à se soustraire aux normes, comme Manset, Miossec, Thiéfaine, Bashung, de façon plus radicale encore que certains. Il est un des rares à avoir acquis une dimension nationale en restant dans sa province d’origine, et fait partie des références des meilleurs jeunes artistes actuels. Gageons qu’il le restera longtemps.


« Te garder près de moi », 1989 clip Image de prévisualisation YouTube
« Margot »,1996, audio Image de prévisualisation YouTube
« Amour n’est pas querelle », 2014, audio Image de prévisualisation YouTube
« Nana », 2021 en session Image de prévisualisation YouTube

4 Réponses à Jean-Louis Murat, 1952-2023

  1. babou 26 mai 2023 à 20 h 34 min

    Murat ou le spleen auvergnat made in rock. Un parcours radical, exigeant, authentique. Fragile, sensuel mais pas consensuel. Chapeau l’artiste, parti dans le vent fou du col de la Croix Morand.
    Un môme éternel, un esthète qui n’en faisait qu’à sa tête. Un artiste libre, toujours en quête de l’inaccessible étoile.

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  2. Gérard DEBARD 27 mai 2023 à 11 h 45 min

    Pour moi, Jean-Louis Murat est ce monsieur qui, dans une interview il y a une vingtaine d’années, s’est permis d’employer des termes quasi insultants à l’égard de Jacques Brel. J’ai alors rayé cet individu de ma liste des chanteurs « écoutables ».
    Comme le dit Gilbert Laffaille, « on ne touche pas aux monstres sacrés ! ». Cela m’a rappelé un article de Jean Cau, écrivain-journaliste, disant dant un journal « Brassens ? Connais pas ». Qui ujourd’hui se souvient de Jean Cau

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    • Catherine Laugier 27 mai 2023 à 21 h 25 min

      Chacun a ses monstres sacrés. Murat n’en était-il pas un lui-même, et Brel ou Gainsbourg n’ont-ils jamais dit des choses contestables ? Il semble que Murat avait deux personnages en lui qui tiraient sur la corde à tour de rôle. Même si les propos de Murat me choquaient souvent, ça n’enlève pas son talent. Ni celui de tous ces artistes, qui sont aussi des êtres humains, et pas des dieux comme on voudrait qu’ils soient.

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  3. Joël Luguern 28 mai 2023 à 16 h 47 min

    J’avoue etre un peu comme Gérard Debard (lire ci-dessus). Quand j’ai entendu, il y a longtemps, Jean-Louis Murat s’emporter contre Jacques Brel au motif que ce dernier gueulait et que lui, Murat, pouvait dire la même chose sans hurler, ça m’a refroidi.
    Je ne l’ai pas rayé de mes chanteurs « écoutables » mais je n’ai pas non plus cherché à mieux le connaitre.
    C’est vrai qu’il a un timbre de voix et dés mélodies souvent agréables à écouter. Mais son élocution « relâchée » comme l’a écrit je ne sais plus qui, ne m’a pas non plus incité à mieux le connaitre. Dommage ?

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