Yoanna, croix blanche et fil rouge
Toute la semaine, en léger différé, nous reviendrons sur la 6e édition du festival Pas de poissons, des chansons ! qui vient de se dérouler à Annonay. Avec, à tout seigneur tout honneur, Yoanna, boule d’énergie et rayon de soleil à la fois. Fil rouge de ce festival, elle fut de partout. Pour notre plus grand plaisir…
Elle est suisse mais c’est pas forcément mis dessus, pas gravé comme sur un couteau. Du reste, la neutralité, ça doit pas être son truc. Pas plus que ses collègues Sarcloret, Bühler ou Romanens. Elle est chanteuse. Et rentre-dedans, guerroyant de son chant avec son poitrail d’accordéon. Voyez comme sont les gens, comme est la presse. À longueur d’articles, pour la décrire, on ajoute à son soufflet les mots « punk », ou » rock » ou… que sais-je encore. On a dit « ska », on a dit « trash », tout pour réduire le mot « chanson », le minorer, presque l’excuser, pour ne surtout pas la mettre dans cette case de « chanteuse à l’accordéon » qui renvoie aux gouailleuses d’autrefois qui s’époumonaient en des méli mélos d’anthologie colorés de rouge aux lèvres et de bleus partout ailleurs. Or Yoanna fait dans la chanson, pile dedans. Avec son lourd instrument à bretelles. Un peu comme Zaza Fournier ou Chloée Lacan, un peu comme Michèle Bernard, un peu (beaucoup ?) comme Claudine Lebègue. Un art qui vient de loin avec un discours et des préoccupations d’aujourd’hui. Dans sa manière de s’exposer, un peu sans gène (elle ferait cinoche qu’on la comparerait à Arletty), désinvolte, pas grossière, non, mais pas raffinée non plus. Encore que… Ses chansons, lieux de perdition, nous parlent presque toutes d’amour, à sa manière il s’entend, sans princes charmants, sans que ça dure tout l’temps.
Là, en ce festival, elle est « fil rouge », en solo, pas peu fière de ce statut mais angoissée. À chaque fois imaginer l’harangue nécessaire pour un public en partie nouveau, un d’avant Belin ou de Lantoine, un de juste après Katerine, un de plein jour, l’autre de franchement nuit. À chaque fois créer la frustration qui fera vendre son disque. À chaque fois étonner, détonner, faire mouche, impressionner. Elle a le culot et le talent. Une fois elle fait même récital complet, offert au public du midi, vraiment cadeau. Là avec sa copine et collègue violoncelliste, d’apparence très classique, sublime duo qui s’échangent des sourires complices et, de ci de là, partagent les mêmes gros mots. L’une sample du pied, l’autre rythme des pieds et percussionne avec tapage : ça fait belle harmonie.
C’est devant un public familial, avec plein d’enfants, sans négocier le moindre titre. Comme cette chanson sur l’avortement. Ou cette autre, prélevée à Brassens : « Quatre-vingt quinze fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant… »
Et en un final qui n’en finit pas, au cœur du public, un pot-pourri de chansons engagées, en fait rien que du Renaud, qui nous livre plus encore l’adn de la dame : « Mais bordel, où c’qu’c’est qu’j’ai mis mon flingue ? » Yoanna tire et chante à vue. C’est franchement réjouissant, à marquer d’une croix blanche et toujours s’en souvenir !
Commentaires récents