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Jacques S, amoureux des beaux humains

Le regard de Jacques S : la seule photo publique que nous ayons de lui. En fon, un extrait de l'affiche

Le regard de Jacques S : la seule photo publique que nous ayons de lui. Et un extrait de l’affiche de la Guinguelvet (que des Helvètes !) à la Maison des fondues à Avignon en 2008 : vous pouvez tenter de reconnaître nombre d’artistes : lui, Jacques S, est en haut à droite (merci Sarclo pour le document).

par Guillaume Ledent,

 

 

« Mais pourquoi tu pleures papa ? »

« Quand il est mort le poète, tous ses amis pleuraient ». Jacques S… il se présentait ainsi, et on l’appelait ainsi, « l’ami Jacques S, du Chant laboureur, en Suisse ». On ne sait même pas quel était son véritable nom. C’était Jacques S, tout simplement.

Donc, ça y est, mon ami Jacques est parti et je sèche mes larmes. Bizarre de pleurer pour quelqu’un qu’on ne voyait pas si souvent que ça même si à certaines périodes plus « cruciales » en terme de « développement  de carrière », on se téléphonait plusieurs fois par semaines, par jour… Mon forfait s’en souvient !

Depuis quand je le connais ? Maintenant, ça me revient… C’est durant cet été 2008, aux francofolies de Spa, lorsque Pol de Groeve, journaliste à l’époque pour Une autre chanson, nous présente l’un à l’autre.  2008, c’est finalement pas loin et pourtant ça me paraît être une autre époque. Bien avant celle de Facebook, Instagram, la youtubomania, la course aux likes, la timeline etc. C’est avant que Chorus et Une autre chanson ne meurent l’un après l’autre. C’est au temps où les francofolies de Spa « osaient la chanson ». Certes, ils vous diront qu’ils en programment encore. Oui, c’est vrai. Mais à la chanson « Thevoicisée » dégoulinante et dégueulasse qui se propage sur nos ondes,  Jacques S préférait celle du « chant des beaux humains ».  

« Mais pourquoi tu pleures papa ? »

Je pleure le manager et ami généreux qu’il était. Vous savez, dans l’histoire de la pop, on nous rabâche sans cesse les histoires des managers véreux, escrocs etc. On finirait par croire que c’est le commun des musiciens. Si c’est ça la définition de manager, alors Jacques S n’était pas manager. C’est vrai, il était plus que ça : en cas de « coup dur » en terme de trésorerie de  concert et d’affluence du public, il se foutait pas mal de son pourcentage, et mettait de sa poche si nécessaire pour nous payer, nous loger, et qu’on soit bien dans son petit bout de francophonie en Suisse.  Limite, au début, on se dit « ce mec est louche, c’est pas normal d’être généreux ainsi. ». Et puis ensuite, on comprend. Il est ainsi : générosité et amour de l’humain et de la chanson d’expression francophone.

« Mais pourquoi tu pleures papa ? » 

Je pleure parce que la chanson « des beaux humains » a perdu un papa. Cette chanson, c’est pas celle qu’on veut nous faire croire ringarde. Non, c’est tout simplement cette variété héritière des Souchon, Cabrel, Chedid, Bashung, Gainsbourg… Bref, ce qu’on appelait avant « la bonne variété française ». Car Jacques y croyait encore, dur comme fer.  Peu importe qu’elle soit rock, folk, pop, musette tant que mots et musique ont une âme.

Il en faut justement des c… et de foi en l’âme humaine pour monter un festival « Le chant des beaux humains » qui  parie sur l’intelligence du public sans chercher à l’abrutir pour en faire une marrée de CONsommateurs.

Il en faut des c… et surtout de l’humour et de la finesse pour monter un festival intitulé « les anglofolies, le seul festival anglophone où on ne chante qu’en français » . C’était sa dernière petite taquinerie espiègle envoyée aux programmateurs de toutes les « francofolies anglophonisées », histoire de leur dire « allez, les gars, réveillez-vous ! ». Bien loin d’être un  porte-drapeau nationaliste, c’était juste histoire de dire « c’est une langue belle avec des mots superbes », qu’elle sonne et que le public est là et en redemande.

« Mais pourquoi tu pleures papa ? »

Parce que, voilà, il est parti, l’ami avec qui on passait des soirées en Belgique ou en Suisse à échanger nos coups de cœurs musicaux ou coups de gueules. Il est parti l’ami pince sans rire qui m’appelait pour me dire (faut l’imaginer avec un petit accent suisse) « putain, j’ai écouté ton album… (ndlr silence) c’est quoi c’te merde ? Et tu veux venir avec ça en Suisse ?  Mais tu nous prends vraiment pour des cons ? »  avant d’éclater de rire et me dire « bon, t’es libre cet hiver, et je veux tes musicos avec hein ! Faut juste que je sache pour l’hôtel: dans ton band, qui couche avec qui ? » Ça, c’était lui, son franc parlé, son humour. Et quand il aimait, il fonçait, remuait le ciel et ses montagnes pour nous accueillir de la manière la plus pro et la plus sympathique.

« Mais pourquoi tu pleures papa ? »

Parce que je connais encore par cœur la route qui descend par le jura.  Parce que les cygnes du lac Léman ont joué sur ma guitare, parce que je veux te montrer la maison de Quartier sous gare…. 

Cet été, on ira ensemble.

Bye bye Jacques.

 

Guillaume Ledent est un chanteur belge que connaissent nos lecteurs. En vidéo, le Guinguelvet d’Avignon :

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10 Réponses à Jacques S, amoureux des beaux humains

  1. Depuiset 8 novembre 2015 à 19 h 10 min

    un tout petit rectificatif: pas que des hélvètes à la Guinguelvet Underground de la Maison des fondues: Jehan, Joyet, Miravette, Astier….dessin de Aloys…

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    • Michel Kemper 8 novembre 2015 à 19 h 17 min

      Merci Mélanie !

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  2. catherine Laugier 8 novembre 2015 à 19 h 14 min

    Avec l’accord de son auteur Michel Dufresne, je dédie notre chanson du jour, « Allez allez amis » à Jacques S

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  3. Stéphane Zelten 9 novembre 2015 à 9 h 10 min

    Il était un vrai amoureux de la chanson francophone. Respect et souvenirs. A toi Jacques

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  4. Christian Camerlynck 9 novembre 2015 à 9 h 11 min

    Heureux et fier d’avoir rencontré cet Homme doux, gentil, amoureux de chanson.

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  5. Françoise Julianah Dufour Jeanfavre 9 novembre 2015 à 9 h 14 min

    Ton regard, ta voix, ton amour pour la musique, tes conseils, ton chemin pas toujours facile,

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  6. Viviane Cayol-Alcaz 9 novembre 2015 à 9 h 15 min

    Merci Jacques pour tout ce qu’on a fait (et pas fait !) ensemble. Alcaz a la larme à l’œil. Ciao bel humain :-(

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  7. Pat Dimey 10 novembre 2015 à 2 h 16 min

    Je n’ai pas bien connu Jacques S. je l’ai croisé deux ou trois fois. La première fois c’était à l’Esprit Frappeur à Lutry (Suisse), Nous étions assis à la même table pour le concert. Entre les chansons nous échangeons quelques mots. J’apprends qu’il est venu de Berne en train et que vers 23h30, il me semble, il devait reprendre le train à Lausanne. Il voulait appeler un taxi. Je lui ai offert de l’amener en voiture à la gare de Lausanne. Il était content et il a même faillit raté son train car il voulait mon nom et mon adresse pour me remercier. Trois jours plus tard, dans ma boite aux lettres j’avais un double CD et un petit mot de sa part.
    La vie a fait que nous sommes perdus de vue. Je ne peux que le regretter aujourd’hui.
    Adios l’ami Jaques.
    Patric

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  8. NosEnchanteurs 10 novembre 2015 à 8 h 50 min

    Obsèques de Jacques S

    La cérémonie d’adieux aura lieu vendredi 13 novembre 2015 à 15h au centre funéraire de Montoie, chapelle B, ch.du Papelard 5, 1005 Lausanne
    Accès: depuis la gare, bus no 1 devant le Mc Donald, arrêt Montoie, ou pas loin de la sortie de l’autoroute Lausanne sud. Places de parc à disposition.
    La cérémonie sera suivie à partir de 16h d’une collation à la maison de quartier sous-gare, av. Edouard Dapples 50, 1006 Lausanne
    Jacques repose dans une crypte à la Chapelle Saint-Roch, rue Saint-Roche 19, 1004 Lausanne (près de Chaudron)
    Code porte 1819.

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    • Anne-Marie Panigada 11 novembre 2015 à 22 h 52 min

      Je l’aimais beaucoup, ce bougre, c’était un sacré caractère bien trempé, un franc parler et un grand sens de l’humour. Ca faisait plus de quinze ans que je le connaissais et l’appréciais.
      Je pense compte faire le voyage pour l’accompagner vendredi. Covoiturage possible à partir de la gare TGV / RER B de Massy Palaiseau (91) si quelqu’un intéressé. Départ aux environs de 8h/8h30, retour dans la nuit pour dépose aux heures des premiers trains ou métros. Contact : 06 15 69 41 15 ou am.panigada@free.fr.

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