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Dizzylez et Vincent Truel, l’eau et le feu. Saison du Petit-Duc 2023/24

Dizzylez et Voincent Truel, La Forge Aix Photos ©Cath Laugier

Dizzylez et Vincent Truel, La Forge Aix Photos ©Cath Laugier

14 octobre 2023, Aix-en Provence, La Forge – Le-Petit-Duc

Le 27 septembre 2023, Le petit-Duc nous présentait la saison 2023-2024, avec la présence de Dizzylez qui assure un atelier d’écriture de chanson slam une fois par mois depuis l’an dernier. Habitué des interventions scolaires, il sait susciter la créativité de ses élèves, même adultes. L’un d’eux est venu illustrer cet atelier, et Dizzylez a fait également participer le public avec les deux chansons piliers de son répertoire, des titres qui coulent de source puisqu’il s’agit de Mon élément « Du bout de’mes vers je veux toucher la lune, faire souffler le vent, bouger la mer » sur la musique des Jeux d’eau de Ravel, son titre fondateur, ou sa profession de foi, Le slam, qui donne lieu à d’enthousiastes reprises du public.

Après le Choro brésilien au très beau parc du Pavillon de Vendôme jouxtant le théâtre, Dizzylez à l’aquarium de l’École des Beaux Arts, c’est à La Forge qu’ Aurore Favory présentait son nouvel EP, plein d’émotion et de charme, avant le piano jazz de Perrine Mansouy, tandis que dans la salle du théâtre était projetée le teaser de la Saison, toujours éclectique : chanson anglo-saxonne ou bilingue (Opera Swet Street et Czesare, le 10 novembre, Carine Lotta Ma’s blues le 22 février, les malgaches de Bi.Ba le 14 mars, Eskelina le 4 avril 2024, Yann Cleary le 18 avril) ; chanson monde (Mandy Lerouge, Wahrani, La Mòssa, Compagnie Rassegna, Claire Luzi, Didier Sustrac…) ; jazz (dix-sept dates dont des artistes suivis ou parrainés de longue date par le Petit Duc tels Giovanni Mirabassi, Cathy Heiting, Perrine Mansuy & Jean-Luc Di Fraya, Laura Perrudin, Laurent Coulondre, Maxime Atger ou Kevin Norwood). Ainsi que des spectacles pour enfant dans le cadre du Mômaix.
En chanson francophone nous notons Dizzylez, Merle (passés), le 10 novembre Opera Sweet Street et Czesare, le 25 novembre Laura Cahen (
Des filles), le 2 décembre Kolibri et Corentin Grellier, le 6 janvier 2024 Berline & Louis Winsberg invitant Thomas de Pourquery, faisant le lien entre jazz et chanson, le 17 février Alcaz, le 23 mars Tom Poisson (Jean-Michel, nouvel album), le 30 mars Vis à Vies (Ce qu’il reste à faire), le 6 avril Louise O’sman (L’heure d’été), le 9 avril Lhomé (slam avec un orchestre à cordes d’étudiants du Conservatoire pour Miracl(e)s, nouvel album), ce dernier hors les murs à l’Amphithéâtre de la Manufacture.

Après un début sur les chapeaux des roues dans la Salle du Théâtre avec deux concerts jazz, celui du saxophoniste Benjamin Petit en Quartet autour du répertoire de John Williams, puis celui du pianiste Yvan Robillard en trio, en hommage à John Williams, ainsi qu’une création de chanson monde par Mandy Lerouge, reprenant les titres d’Atahualpa Yupanqui, composés par sa femme Antoinette Paule Pépin Fitzpatrick, une française contrainte de signer sous le nom masculin de Pablo del Cerro [ Un détail (?) que nous avait conté Amando Risueño, guitariste et chanteur argentin vivant en France, lors de son concert au Festival d'Avignon] c’est à la Forge, lieu d’accueil convivial du public avec son bar, sa billetterie, ses petites tables et ses canapés, qui sert également à des concerts intimistes, des manifestations et des expositions, que nous avons assisté au premier concert chanson-slam de la saison.

DÉSIR D'HORIZONS, octobre 2022 (capture) Entre-temps, de 2020 à 2022 pendant le confinement, Dizzylez avait monté un ambitieux projet, un voyage sur les traces de Jacques Brel avec le Maxime Atger Trio, avec La Compagnie Nine Spirit, présenté à l'automne 2022 au Petit-Duc, dans une mise en scène simple et évocatrice : une voile, idée de Maxime,  où passent des nuages, où se dessine une cathédrale, où l'on parle de Jojo, d'une ville endormie, des remparts de Varsovie, d'amour de la liberté, de la difficulté de mourir ou plutôt de vieillir. Avec le saxo qui pleure, si évocateur, le cœur de la contrebasse, les notes du piano.  Quelques mots enregistrés de Brel. Et ses chansons, déshabillées d'effets jazzifiées et auréolées de tendresse, prennent une nouvelle jeunesse. Orly, sommet du spectacle, se fait tragédie éternelle, et la nouvelle chanson de Dizzylez sur les assassinats politiques, écrite pendant la tournée, rejoint Brel : « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ». Quand les mots du conteur, les chansons, la voix de Brel, fusionnent avec les instruments pour une évocation au cœur de l'âme, à l'os de la chair de Brel, dans un voyage enchanteur qui nous embarque sans peine jusqu'aux Marquises.

DÉSIR D’HORIZONS, octobre 2022 (capture)
Entre-temps, de 2020 à 2022 pendant le confinement, Dizzylez avait monté un ambitieux projet, un voyage sur les traces de Jacques Brel avec le Maxime Atger Trio, avec La Compagnie Nine Spirit, présenté à l’automne 2022 au Petit-Duc, dans une mise en scène simple et évocatrice : une voile, idée de Maxime, où passent des nuages, où se dessine une cathédrale, où l’on parle de Jojo, d’une ville endormie, des remparts de Varsovie, d’amour de la liberté, de la difficulté de mourir ou plutôt de vieillir. Avec le saxo qui pleure, si évocateur, le cœur de la contrebasse, les notes du piano. Quelques mots enregistrés de Brel. Et ses chansons, déshabillées d’effets, jazzifiées et auréolées de tendresse, prennent une nouvelle jeunesse. Orly, sommet du spectacle, se fait tragédie éternelle, et la nouvelle chanson de Dizzylez sur les personnalités assassinées, écrite pendant la tournée, rejoint Brel : « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ». Quand les mots du conteur, les chansons, la voix de Brel, fusionnent avec les instruments pour une évocation au cœur de l’âme, à l’os de la chair de Brel, dans un voyage enchanteur qui nous embarque sans peine jusqu’aux Marquises.

Si le dernier album de Dizzylez, Docile à Domicile, un quatrième album long, sorti en janvier 2023, est réalisé avec sept musiciens et joué en trio avec François Garcia (contrebasse) et Franck Passelaigue (guitare), certains titres du répertoire de Dizzylez et des nouveaux de l’album sont ici joués dans la configuration initiale piano-guitare de 2011 avec Vincent Truel, tels que je les avais découverts en 2016, déjà au Petit-Duc, dans un co-plateau slam-rap avec le marseillais Iraka. 

(Matthieu) Dizzylez, d’origine anglaise par son père, sétoise par sa mère, croisement du rap et de la chanson, et désormais avignonnais, a toujours sa casquette et sa guitare. Tandis que Vincent Truel a changé sa coupe sage de gendre idéal pour un chignon relevé haut d’où s’échappent quelques boucles – je ne l’ai pas tout de suite reconnu. Musicien multicartes, professeur de piano, aussi à l’aise en beat making (sous le nom de Skub), qu’en compositeur tous azimuts ou en pianiste interprétant Ravel, Debussy (ce passepied de la suite bergamasque où la musique danse comme les mots de Dizzylez, ces sons qui font naître autant d’images « Tout scintille, tout crépite, tout pétille, tout palpite » « d’un pays où les gens ont l’accent circonflexe ») ou encore Chopin – un nocturne pour évoquer le désir de tendresse et de délicatesse d’une femme, d’une grande originalité de traitement, entre humour, douceur et colère. Un vrai morceau de bravoure, tant pour le jeu du pianiste, avec un grand solo instrumental annonçant un brusque orage de jalousie, que pour l’écriture et son angle de vue singulier, et sa chute… Vas-y…Piano.
Nous reconnaîtrons avec plaisir un dialogue de Dizzylez avec sa fille adolescente, puis l’émouvante
Cruciverbiste sur les disparus, ces poussières d’anges, ou cette fresque sur Géronimo et le vol des terres des native Americans, avec une part d’improvisation, une « musique de l’instant » sur ce film musical si évocateur.

DIZZYLEZ Vincent Truel 2023 10 14_694 ©Cath Laugier 850x638Parmi les découvertes, une composition instrumentale de Vincent Truel, Récépissé, première pièce élégante des « Aventures du Pony Express », qui donne la main au pianiste, tout comme Rue de la Garance, de son album Indicible Inné ; et plusieurs titres du nouvel album de 2023 revisité en piano-guitare.
Entier, qui évoque tous ces hommes et femmes assassinés : « Quel point commun entre Sadi Carnot et JFK, Yitzhak Rabin, l’empereur Chaka (1) et Thomas Sankara (2) / Alors qu’j'arrive au milieu de ma vie / Et que ma fille grandit / Je vous demande quelle maladie a emporté Gandhi » quand « Être libre et chanter / Vivre libre et danser / Être libre et penser/ Ça peut être létal / Ça l’a toujours été » résonne particulièrement avec la plus récente actualité, bien que Dizzylez n’ait pas focalisé notre attention sur ce point : les mots parlent assez. Pourtant si cette maladie qui a tant assassiné s’appelle nature humaine, il n’oublie pas l’autre versant, celui de l’inaccessible étoile, horizon sans cesse reculé, espoir sans cesse renouvelé, tête sans cesse redressée, en réécrivant le refrain : « Nous on veut / Être libre et penser / Vivre libre et danser / Dessiner ce qu’on pense / Le reste est bien égal »… et siffler comme un oiseau comme le fait si bien Vincent. Écrite pendant le spectacle sur Brel, il l’a chantée jazz en 2022 avec le Maxime Atger Trio. Chaque fois renouvelée, différente sur scène, spectacle vivant organique, pied de nez à toutes les intelligences artificielles.
Avec une des dernières créations, avec improvisation sur le piano arrangé, et ce texte scientifico-philosophique sur l’invention de la lentille convexe popularisée par Newton, dérivant soudain en satire socio-politique :
« N’est-ce pas un peu le délire dans lequel on essaie de nous maintenir aujourd’hui ? (…) Regardez comme le monde est convexe ! N’avez-vous pas envie qu’on gère tout cela pour vous avec la dernière appli qui vous simplifie la vie (…) Tout est là près de vous en un clic (…) Je voudrais remercier chaleureusement les néo-capitalistes, les investisseurs, les spéculateurs (…) les représentants de l’état qui font grassement le jeu du privé (…) Vous nous montrez un avenir brillant / Et l’on bascule vers un lointain passé ». La parole au public, chantant Sur le pont (d’Avignon – une création, pas la chanson trad). Et la dédicace aux vrais humains, Aux anges.

Une parenthèse de beauté, de douceur et d’humanité, de l’humour, de la tendresse et de la virtuosité, sans oublier un regard lucide et critique sur le monde. Qui, pendant une heure et demi, a vécu une embellie.

(1) empereur zoulou du XIXeme siècle
(2) président du conseil national révolutionnaire du Burkina Faso des années 80

 

Le site de Dizzylez, c’est ici. La page facebook de Dizzylez et Vincent Truel, c’est là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Dizzylez, c’est ici. De Vincent Truel, là.  La programmation du Petit-Duc 2023/2024, c’est ici. Et le teaser de la saison, là

« Jojo », avec le Maxime Atger Trio, Rasteau 2021 Image de prévisualisation YouTube
Teaser spectacle « Vas-y Piano » 2015 Image de prévisualisation YouTube
« Entier », audio, en Trio 2023 Image de prévisualisation YouTube

 

 

2 Réponses à Dizzylez et Vincent Truel, l’eau et le feu. Saison du Petit-Duc 2023/24

  1. Matthieu ''Dizzylez'' 27 octobre 2023 à 20 h 22 min

    Merci Catherine !
    Alors au risque de vous décevoir, je n’ai jamais été instit’ …
    Ah les légendes urbaines…
    Au plaisir !

    Répondre
    • Catherine Laugier 30 octobre 2023 à 18 h 42 min

      Mauvaise interprétation de la bio du site « Nous sommes en juin 2009 quand je décide d’arrêter de bosser dans les écoles primaires pour me consacrer entièrement à la musique. »
      En fait Dizzylez était intervenant en langue (anglaise) par le biais de la chanson pendant une douzaine d’années.

      Répondre

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