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La chanson est un genre mineur

Archive. Damné de sous la terre, attaqueur de houille, tombeur de charbon, champion de la rivelaine et grand seigneur. Tel est le mineur, dont la chanson atteste de la beauté du geste, de la dureté de la vie et de l’infini espoir social. Retour dans une mine enchantée, en chansons, à l’occasion de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs, un 4 décembre.

Les damnés de sous la terre (photo DR)

Au petit jeu des « beaucoup de différences » notons qu’il faisait chaud, de leur temps, au fond de la mine. Trente voire quarante degrés. Même que, sous terre, ils en travaillaient nus. Nus comme des vers de terre. Là, ce soir de Sainte-Barbe, l’aiguille juste calée au-dessus de zéro, on supportait bien les manteaux. De plus, il n’est pas sûr que les mineurs s’entassaient alors, toutes gueules ouvertes et noires, à s’époumoner de refrains et de poussières de houille. Nous si.
Visite nocturne de la mine-témoin aux Bruneaux, à Firminy. En chansons. Enchantés. Annie Chaperon et Gilles Guigneton sont de service aux guitares et aux chants, comme deux vieux amis que l’on retrouve plus de vingt ans après le mythique vinyle Chansons dans la ville sur les mineurs et passementiers stéphanois. La chanson y est la même, le choix des titres parfois identique. Eux et les récitants que sont Jean Navrot et Mireille Courbon, sous la goguenarde conduite de Jean-Pierre Perrier, pas forcément mineur mais guide d’intuition, de bon sens et d’anecdotes qui vont à l’essentiel de l’essence et du respect de la mine et des mineurs, dans le fond.
Générique prestigieux dans lequel se côtoient, entre autres, Rémy Doutre et Émile Zola : les poèmes à chaud d’un rimailleur du cru et l’énorme écrivain qui vînt ici-bas puiser la substance de son Germinal. Générique où se rencontrent aussi Roland Roche et Bernard Lavilliers, l’un défricheur de mémoires enfouies, l’autre plus que jamais stéphanois. Station par station, un peu comme un païen vendredi saint, avec d’abord Sainte-Barbe dont c’est le jour. Puis les soutènements en marchant, les étapes du travail, cette dureté que les petits-enfants de la mine ont du mal à bien imaginer. Des bouts de textes, prose et rimes, des noms qui revisitent la cartographie minière, des révoltes réprimées dans le sang et des coups de grisou où « le puits fatal n’est plus qu’un noir tombeau »… Et de ces noires chansons de tous les Maheux et Maheudes, comme des ballades de la désespérance…
Si la chanson de mineurs, au contraire d’autres métiers, n’accompagne pas les gestes du travail, elle nous relate une époque, un état d’esprit, une souffrance et une fierté (« Sans les mineurs pas d’industrie / C’est nous qui menons le progrès / On nous dit que le jour est proche / Où c’est nous qui gouvernerons »), la sueur des hommes, les pleurs des veuves. Une chanson qu’on écoute comme on lirait la gazette de l’époque, plus sûrement même car écrite sur le carreau en reporters impliqués.
Sans prétention autre qu’une simple restitution, le GRAC a imaginé cette année une telle visite. Avec talent. Ce fut un « spectacle » à peu de visiteurs car cette fausse mine ne peut en accepter beaucoup à la fois. Qui ne nourrit pas à l’envi une légende, qui témoigne simplement d’un métier qu’on ne pourra plus jamais comprendre. Les entrailles de la terre ont retenu la juste réalité de la mine. A nous, pour le coup en textes et en chansons, d’en exhumer l’idée la plus fidèle, l’émotion la plus sincère.

Le GRAC fête ses trente ans ces jours-ci. Et Gilles Guigneton est mort il y a quelques mois. Moellon après moellon, cet instit’ fou de chansons s’était bâti, en prolongement de sa maison, à Écotay-l’Olme, près de Montbrison, un studio d’enregistrement, un vrai, qu’il a agrandi et équipé au fil des années avec ses économies. Une chance au village pour les gamins qui rêvent d’être un jour stars. Parmi eux, le petit Mickaël Furnon. Il a grandit Mickey, dans la troisième dimension qu’on lui connaît. Et ne fait pas secret du père Guigneton : il sait à qui il doit sa chance…

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