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Samuel Cajal, entre chien et loup

Portrait Samuel Cajal par ©Pierrick Guidou

Portrait Samuel Cajal par ©Pierrick Guidou

Samuel Cajal, nous l’avons connu bassiste, puis guitariste, accompagnant Fanch, Jérémie Kiefer ou Andoni Iturioz. Nous venons de l’apprécier en auteur pour K !. Nous l’avons écouté dans son projet punk cosmique et déjanté Zissis the Beast avec la chanteuse Yas. Mais je l’ai personnellement d’abord découvert au sein du trio 3 minutes sur mer, un rock aérien d’humaine mélancolie. La vie de tous les jours magnifiée dans des fulgurances de texte et d’harmonie. Cajal y ajoutait déjà à ses talents de compositeur quelques textes, qui l’habitaient depuis plusieurs années. Et plus au fond des tiroirs.

Il lui fallait se lancer sur le devant de la scène, au mépris de sa pudeur de musicien. Heureusement il pouvait compter sur ses frères d’art, Johan Guidou l’ex batteur de 3 minutes sur mer à la batterie, aux synthés, à la réalisation et au mixage dans ses studios d’enregistrement en région parisienne. Et Pierrick Guidou, à l’image ce que son frère est au son. L’auteur des portraits bleutés et mystérieux de Samuel, des montages des vidéos, de la pochette du disque. En couverture Samuel y semble détenir la lumière, à l’intérieur il se perd dans ses pensées et ses rêves ; au verso il nous faut trouver Une issue au labyrinthe de la vie. Notez qu’en français « issue » est solution quand en anglais elle est problème, et c’est là tout l’objet de l’album…

Samuel a un visage empreint de douceur, sa poésie et sa musique, alliés à sa coiffure, le font comparer à Dominique A. Sa voix aussi est grave et douce, et souvent on a l’impression qu’il sourit tout en chantant. Le début de l’album semble intimiste, conseil de sagesse. Sublimes variations de guitare, légèrement grinçantes à l’ouverture sur Tu mords, puis mélodiques – malgré ce qu’il susurre « Mais tu mords comme les chiens qui se défendent / Tu es encore là, tournant rond à  tenter de t’échapper mon ami, de ta propre prison ». Tout en balancements doux et entêtants sur Lâche prise : « Désactive o ma reine, avant que l’on ne s’épuise ». Inquiet, tendre et rassurant à la fois.

coverAlbum-webMais dès le troisième titre l’album s’embrase. L’atmosphère très rock, avec ses pleurs de guitare en fusion avec la batterie révèle l’angoisse de l’être sensible, réfugié dans son aire de sécurité, avec son amour : « Quand tout le monde est fou dehors et que le démon me démange / Je me réfugie dans ta cave / Avec (…) De l’eau, du sel et de l’amour lâche ». Enchaîné directement avec Think, un presque instrumental tout en  électro lo-fi planante et inquiétante.

Les deux versants de Samuel se dévoilent, la discrétion du chien sûr et fidèle peut facilement se transformer en appétit de loup, n’oublions pas les fulgurances de Zissis the Beast. Tel ce mammifère Indigné qui montre les dents : « Tu as peur de ne plus voir les mille et une couleurs / Qu’on te les vole définitivement, on t’a déjà arnaqué en substituant les forces de l’ordre aux gardiens de la paix ». Nellyla l’y accompagne subtilement en écho.
Ses indignations sont sociales, confirmées par l’intermédiaire samplé du Juge et l’Assassin « Le docteur qui m’a libéré, et le chien qui m’a mordu ». Matthieu Le Senechal, ses claviers, synthés et « absurdités sonores » y doit être pour quelque chose.

Depuis le premier titre, ce thème du désir de mordre hante l’album. Il est  dans le superbe duo avec Wilfried Hildebrandt, morceau tout en tension, où la guitare se libère : « Nos ergots élimés ont livré toutes leurs batailles / Entre loups et chiens, nous frayerons-nous un chemin ? / À quoi bon aboyer, à quoi bon me le faire payer / J’ai le cœur noir ». Palme d’efficacité rock avec le très beau Plus d’ place pour le silence, qui semble ressusciter Bashung. 

Morsures encore dans Langoureusement, la première vraie chanson d’amour du disque : « mords moi le bras / Si ça pique c’est qu’on est vivant / Tu t’accroches à moi comme dans un rêve où je caracole en tête, évidemment », et dans Une issue – « Vois-tu les loups se faire la bise en se visant le ventre » - continuité de la précédente, urgence d’aimer : « Moi j’ai trouvé une issue dans ta main tenant la mienne ».

Coup de cœur particulier pour Décibels sur le thème de l’absence d’un père trop tôt disparu, en duo avec Karina-K qui double la voix de Samuel en écho : « Longue sera l’étreinte, la convalescence / Pour nous habituer au silence ». Gardons la curiosité de découvrir le douzième chapitre, point final et suspensif sans quoi le labyrinthe ne pourrait être parfait. Indices : c’est blanc, bleu et rouge, mondial et méridional à la fois.

 

Samuel Cajal, Une issue, autoproduit La couveuse 2018. En concert le 16 février 2019 au Café Plum avec Jérémy Kiefer et Karina K. Le site de Samuel Cajal, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.

 

Tu mords
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Fou dehors
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